LA COUR d'état, statuant en matière judiciaire pour les affaires pénales en son audience publique tenue au Palais de ladite Cour, le jeudi treize janvier mil neuf cent quatre vingt trois, a rendu publiquement l'arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
Ouï Monsieur le Conseiller, Robert OLIVIER en son rapport ;
Ouï Monsieur le Procureur Général en ses réquisitions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que OUMAROU GUERO s'est, dans les forme et délai impartis par la loi, pourvu en cassation contre l'arrêt n 11 du 29 avril 1981 par lequel la Cour d'assises de Niamey, saisie par mise en accusation du 22 septembre 1978, l'a condamné pour tentative de vol qualifié à vingt cinq (25) années d'emprisonnements ; que le requérant, invité à produire ses moyens, s'est bornée à solliciter à un " allégement de sa peine ", mesure qui relève du droit de grâce et non des compétences de la Cour d'état ;
Attendu cependant que, si les actes d'information antérieurs à la mise en accusation échappent à toute censure, la Cour d'état n'en a pas moins le devoir d'examiner d'office la régularité du reste de la procédure ;
Attendu, en l'espèce, que la condamnation du 29 avril 1981 est intervenue à la suite d'un arrêt avant dire droit n 4 par lequel la Cour d'assises, à l'issue de premiers débats au fond, avait, le 5 mai 1980, désigné l'un de ses membres, le conseiller DODO DAN GADO, pour suivre l'exécution de deux mesure complémentaires qu'elle estimait indispensables à la manifestation de la vérité :
d'une part, une nouvelle expertise psychiatrique confiée au Dr. OUZOUF, d'autre part, une enquête sur le comportement habituel de l'inculpé ; que cet avant dire droit démontre les incertitudes alors éprouvées par les juges du fond, à l'issue des premiers débats, sur l'état mental de l'accusé ;
Attendu que, dans l'intervalle des deux sessions au cours desquelles l'affaire a été appelée, la chambre d'accusation a, par arrêt n 57 du 3 octobre 1980, constaté l'empêchement de M. DODO DAN GADO et commis, pour suivre à sa place l'exécution de l'avant dire droit précité du 5 mai 1980, son propre président ; que la magistrat ainsi désigné a reçu (dans des formes du reste contestables) le serment du Dr OUZOUF et délivré aux fins d'effectuer l'enquête ordonnée par la cour d'assises une commission rogatoire (dont aucune pièce d'exécution ne figure au dossier ultérieurement soumis à la Cour d'assises)
Attendu que toute juridiction, donc la Cour d'assises, est (sauf disposition expresse de la loi), seule compétente, et ce d'ordre public, pour connaître des difficultés d'exécution de ses décisions, notamment " avant dire droit " ; que l'arrêt n 57, rendu le 3 octobre 1980 par la chambre d'accusation (juridiction dont la loi fixe limitativement les attributions) encourt donc cassation d'office pour violation de la loi ; que cette cassation entraîne annulation des diligences effectuées en application dudit arrêt, c'est-à-dire d'une part (et la supposer régulière en la forme) la prestation de serment du Dr OUZOUF et par voie de conséquence, l'expertise de ce praticien (rapport daté du 2 novembre 1981), d'autre part que la commission rogatoire et l'enquête éventuellement diligentée sur cette base (mais en tout état de cause non versée au dossier) ;
Attendu, certes, que la question de l'éventuelle démence de l'inculpé (cause de non imputabilité et non pas d'excuse absolutoire) est normalement incluse dans celle de culpabilité et que rien n'impose légalement une question distincte à ce sujet ;
Mais attendu qu'en la présente affaire la réponse affirmative de la Cour d'assises sur la culpabilité (qui implique réponse négative sur l'état de démence) est nécessairement au moins en partie fondée sur une expertise dépourvue de valeur légale ; que, par ailleurs, la Cour d'assises ne pouvait statuer sur la culpabilité (et partant sur l'absence de démence de l'accusé) sans constater expressément, ce qu'elle a omis de faire, l'inutilité de l'autre mesure d'information (enquête complémentaire de personnalité) jusque là considérée comme indispensable à une réponse sur ce point ;
Attendu, par conséquent, qu'encourent également cassation d'office pour manque de base légale équivalent à une violation de la loi, la déclaration de culpabilité et partant l'arrêt de condamnation du 29 avril 1981 ;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
Reçoit le pourvoi d'OUMAROU GUERO ;
AU FOND
Casse et annule l'arrêt n 57 rendu le 3 octobre 1980 par la chambre d'accusation et par voie, en conséquence les actes d'exécution dudit arrêt diligenté par le Président de la chambre d'accusation ou sous son contrôle ;
Casse et annule l'arrêt n 11 rendu le 29 avril 1981 par la Cour d'assises à l'encontre d'OUMAROU GUERO ;
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'assises siégeant à Niamey, autrement composée ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour d'état, formation judiciaire, les jour, mois et an que dessus ; Où étaient présents MM. :
Robert OLIVIER, Président ; TANKARI MAIGUIZO et DILLE RABO, Conseillers intérimaires ; BOUBEY OUMAROU, Procureur Général, et Maître MAIGA ALI, Greffier en Chef.
En foi de quoi, le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier en chef.