LA COUR d'état, statuant en matière judiciaire pour les affaires pénales, en son audience publique tenue le jeudi deux mars mil neuf cent quatre vingt neuf, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
LA COUR
Après la lecture du rapport de Monsieur HADJI NADJIR, Conseiller-Rapporteur, les réquisitions de Monsieur le Procureur Général et en avoir délibéré conformément à la loi
Statuant sur le pourvoi formé le 6 juillet 1987 par Maître Souley Oumarou, avocat stagiaire à l'Etude de Maître Lori, contre l'arrêt n 302 du 3 juillet 1987 rendu par la Cour d'appel de Niamey dans l'affaire ministère public contre Tanko Dan Kaka ;
Vu la requête introductive du pourvoi et les mémoires tant en demande qu'en défense ;
Attendu que le pourvoi intervenu dans les forme et délai de la loi doit être déclaré recevable ;
Attendu que dans un mémoire additif du 7 septembre 1987, le demandeur au pourvoi soulève l'irrecevabilité de l'appel intervenu selon lui 14 jours après la décision d'instance ;
Que ce moyen soulevé pour la première fois en cause de pourvoi doit être écarté ;
Sur le moyen tiré de la dénaturation de la convention des parties, violation de l'article 1134 du Code civil ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt entrepris d'avoir, nonobstant les dispositions des conditions générales, retenu la garantie au motif que le défaut de visite technique ne peut être invoqué par l'appelée en garantie à l'encontre des personnes tierces au contrat d'assurance ;
Attendu que si l'article 33 des conditions générales dégage la société de toute obligation si le véhicule n'a pas été soumis en temps voulu aux vérifications périodiques, il est tout aussi vrai que cette clause ne vise que les rapports de l'assureur à l'assuré, et " tient lieu de loi à ceux qui les ont faites " comme le précise l'article visé au moyen ;
Attendu qu'il est constant que Tanko Dan Kaka, préposé de l'ONAHA (civilement responsable), est responsable des préjudices causés à Issake Seydou, Nayé Barkiré et Issoufou Moussa (parties civiles) ;
Qu'au moment de la réalisation du dommage, l'ONAHA et Leyma Kaocen étaient liés par un contrat d'assurance pour les préjudices à causer à autrui ;
Attendu qu'il est de jurisprudence constante que le droit de la victime a son fondement non pas dans le contrat d'assurance ni dans la volonté des parties contractantes, mais dans
la loi qui impose à l'assureur l'obligation de retenir l'indemnité tant que le tiers n'a pas été désintéressé, que l'action de la victime est une action légale et non contractuelle ;
Attendu qu'il découle de cette jurisprudence que le droit propre de la victime et son action sont indépendants du contrat d'assurance, le premier étant la conséquence légale du fait dommageable et la seconde ayant sa source dans le contrat ;
Attendu que pour la présente espèce, le fait dommageable entre dans la prévision de la police d'assurance, que Leyma Kaocen est dès lors mal fondé à opposer aux victimes une clause à laquelle elles sont étrangères ;
Attendu que les juges d'appel devant qui l'assureur a plaidé sa mise hors de cause en invoquant les dispositions de l'article 33 des conditions générales, ont dans l'arrêt déféré répondu que :
" Le défaut de visite technique ne peut être invoqué par l'appelée en garantie à l'encontre des personnes tierces au contrat d'assurance le liant à son assuré ;
Que ce moyen développé pour se soustraire de son obligation de garantir est inopposable aux tiers " ; que l'argumentation de la Cour est juste et fondée et le moyen est ainsi inopérant ;
Sur le second moyen tiré de la violation de l'article 1315 du Code civil :
manque de base légale.
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt de renverser la charge de la preuve en déclarant que c'est à l'assureur d'apporter la preuve de son droit ;
Attendu que le demandeur a reconnu lui-même le non fondé de ce moyen dans son mémoire en réplique du 12 janvier 1989 en ces termes :
" effectivement l'arrêt ne renverse pas la charge de la preuve et ne demande pas à Kaocen de rapporter la preuve du défaut de visite technique ", qu'il n'y a par conséquent pas nécessité à son examen ;
PAR CES MOTIFS
Vu l'article 52 de l'ordonnance 74-13 du 13 août 1974 relative à la Cour d'état ;
En la forme, reçoit le pourvoi introduit par Leyma Kaocen ;
Au fond, le rejette comme étant mal fondé ;
Condamne Leyma Kaocen aux entiers dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour d'état, formation judiciaire, les jour, mois et an que dessus ;
Où étaient présents Messieurs :MAMADOU MALAM AOUAMI, Président ; HADJI NADJIR, Conseillers ; MAINASSARA MAIDAGI, Conseiller intérimaire ; ALI BANDIARE, Procureur Général, et Maître MAIGA ALI, Greffier en Chef.