REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi seize juin deux mille cinq, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ad Ac, chef de village de Aa (Kouré), assisté de Maître Karimoun Niandou, avocat à la Cour
ET A
Ag Ae et autre, cultivateurs demeurant à Windi-Béri (Kouré), assisté de Maître Alidou Adam, avocat à la Cour
Après lecture du rapport de Monsieur Eliane Allagbada, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe du tribunal régional de Niamey le 10 mai 2004 de Maître Niandou Karimoun avocat à la Cour, conseil constitué de Ad Ac contre le jugement n° 014 du 28 mars 2003 du Tribunal Régional de Niamey qui a confirmé le jugement n° 09 du 29 mars 2001 rendue par la délégation judiciaire de Kollo qui a reçu Ag Ae en sa demande, a ordonné le partage des champs sis à Aa et à Tourwel entre les descendants des cinq fils de Horohadi à savoir Ab, Biah, Af Ae, Ai Ah et Aj; a dit qu'on doit tenir compte des champs vendus et hypothéqués par Amadou dans le partage;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai prévus par la loi, il est recevable;
AU FOND
Sur le 1er moyen tiré de la violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 pour insuffisance de motifs, défaut de base légale et violation des articles 5 et 6 de la loi 63-18 du 22 février 1963 et l'article 78 alinéa 6 de la loi 62-11 du 16 mars 1962;
Attendu que le demandeur a procédé à une compilation de textes de loi et conclu en disant que la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée parce que le juge d'appel n'a pas pris en compte le procès verbal de conciliation produit par le demandeur;
Mais attendu qu'un moyen de cassation ne doit pas seulement être énoncé par pourvoi, mais qu'il doit être rédigé d'une façon assez précise pour pouvoir être compris dans son principe comme dans son application à l'espèce considérée; qu'en se contentant d'énoncer les moyens sans dire en quoi le juge du fond a violé les textes invoqués, le demandeur ne met pas la Cour Suprême en état d'exercer son contrôle, qu'il y a lieu de dire que le moyen est inopérant;
Sur le 2ème moyen pris de la violation de l'article 38 de la loi 63-18 du 22 février 1963;
Attendu qu'il est reproché au jugement attaqué de n'avoir pas énoncé la coutume appliquée alors que les dispositions de l'article 38 de la loi ci-dessus citée l'y oblige sous peine de nullité;
Attendu en effet, que le jugement attaqué ne fait pas mention de la coutume appliquée, qu'il y a lieu de recevoir le moyen;
Sur le 3ème moyen tiré de la violation de l'article 16 de la loi 63-18 du 22 février 1963;
Attendu que le demandeur reproche au juge d'appel d'avoir entendu les témoins sans les faire jurer au préalable;
Attendu que le moyen soulevé par le demandeur ne peut être contrôlé par la Cour Suprême, que l'article 16 de la loi invoquée indique au juge la manière d'auditionner les témoins, que la loi ne la cite pas parmi les mentions obligatoires du jugement qui dès lors la Cour Suprême ne saurait la contrôler, qu'il y a lieu de rejeter le moyen;
Sur le 4ème moyen pris de la violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962;
pour insuffisance de motifs, défaut de base légale;
Attendu que ce moyen rejoint le premier et qu'il est reproché au juge du fond de n'avoir pas recueilli tous les éléments nécessaires à la prise de décision; qu'en décidant ainsi «que Ad Ac reconnaît lui-même que les champs litigieux ne sont pas sa seule et unique propriété, qu'en prononçant le partage, le juge a fait une saine application de la loi», le juge du fond n'a pas suffisamment motivé sa décision;
Mais attendu qu'on ne peut reprocher au juge du fond d'avoir fondé sa décision sur la déclaration des parties, qu'il s'agit de biens indivis qu'aucune des parties ne conteste que dès lors la déclaration de Ad Ac est un aveux suffisant pour motiver une décision, qu'en procédant ainsi, le juge a fait une saine appréciation de la loi, qu'il y a lieu de rejeter le moyen comme non fondé;
Moyen soulevé d'office violation de l'article 51 de la loi 62-11 (63 de la loi 2004-50 du 22-7-2004);
Mais attendu que s'agissant d'une matière coutumière, l'article 51 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 dit que les juridictions appliquent la coutume des parties, que c'est en violation de cette disposition que le juge du fond a fait application de l'article 1351 du Code Civil pour rejeter l'exception tirée de l'autorité de la chose jugée alors que l'article 6 de la loi 63-18 du 22 février 1963 est celui qui devait être appliqué; qu'il y a lieu de relever d'office ce moyen et de casser le jugement attaqué sur ce point de droit;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le pourvoi de Ad Ac;
Au fond, casse et annule le jugement attaqué;
Renvoie la cause et les parties devant le même tribunal mais autrement composé;
Dit qu'il n'y a pas lieu à dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 05-151/C
Du 16 juin 2005
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR :
Ad Ac
Me Karimoun Niandou
C A
Ag Ae et autre
Me Alidou Adam
PRESENTS :
Bouba Mahamane
Président
Eliane Allagbada ; Adamou Amadou
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier
RAPPORTEUR
Eliane Allagbada