ARRÊT N° 05-153/C
Du 16 juin 2005
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR :
Ad Aa
Me Mounkaila Yayé
A :
Ac Ae
Me Alidou Adam
PRESENTS :
Bouba Mahamane
Président
Jeannette Adabra ; Morou Guingarey
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier
RAPPORTEUR
Jeannette Adabra
République du Niger
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi seize juin deux mille cinq, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ad Aa, chef de village demeurant à Firféri (Kirtachi)) , assisté de Maître Mounkaila Yayé, avocat à la Cour ;
D'une part
ET :
Ac Ae, cultivateur demeurant à Firféri (Kirtachi), assisté de Maître Alidou Adam, avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Jeannette Adabra, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi de Maître Mounkaila Yayé, avocat au barreau de Ab, agissant pour le compte de Ad Aa régulièrement formé par déclaration faite au greffe du Tribunal Régional de Ab le 19 avril 2004 contre le jugement n° 23 rendu le 9 avril 2004 par le Tribunal Régional de Ab qui a statué en ces termes:
Reçoit Ad Aa en son appel régulier en la forme;
Au fond, infirme le jugement n° 43 du 30 avril 2003 de la délégation judiciaire de Kollo pour vices de formes;
Evoque et statue à nouveau;
Déclare que le terrain litigieux est la propriété de feu Ae qui l'a transmis à ses fils par succession;
Condamne Ad Aa et tout occupant de son chef à le libérer au profit de la famille de l'intimé Ac Ae;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation et la compétence des juridictions en République du Niger;
Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prévus par la loi, qu'il échet de le déclarer recevable;
Au fond
Attendu que le requérant invoque deux (2) moyens de droit à l'appui de son pourvoi;
Sur le premier moyen tiré de la violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 modifiée par la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004 sur l'organisation et la compétence des juridictions en République du Niger, pour contrariété de motifs, insuffisance de motifs, manque de base légale, en ce que pour asseoir sa décision, le juge d'appel a estimé que «l'usage postérieurement communautaire du domaine par Ae Ad avant ou pendant qu'il était chef de village ne prive pas ses descendants légitimes du droit de succession sur ce bien»; or une propriété ne peut être cumulative, soit un domaine est communautaire, soit il appartient à Ae Ad;
Attendu qu'aux termes des textes visés au moyen les jugements et arrêts doivent être motivés;
Attendu qu'en l'espèce il s'agit de matière coutumière que le juge doit appliquer la coutume des parties;
Attendu que l'usage n'est pas attributif de propriété dans la coutume de céans;
Attendu que le motif critiqué ne procède pas d'une règle coutumière; que cette décision encourt cassation pour avoir écarté la coutume dans la solution du litige coutumier;
Attendu que le moyen est donc fondé et le jugement attaqué encourt cassation de ce chef;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation des articles 1360 et suivants du Code Civil;
Attendu que l'article 63 de la loi n° 2004-50 prescrit l'application de la coutume des parties dans les litiges portant sur un terrain non immatriculé ou dont l'acquisition ou le transfert n'aura pas été constaté par un mode de preuve établi par la loi;
Attendu qu'en l'espèce, il s'agit d'un domaine coutumier; que le moyen appuyé sur des dispositions du Code Civil ne saurait être accueilli et doit être rejeté;
Par ces motifs
Reçoit en la forme le pourvoi de Ad Aa;
Au fond casse et annule le jugement attaqué;
Renvoie la cause et les parties devant le même Tribunal mais autrement composé;
Dit qu'il n'y a pas lieu à dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.