La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/07/2005 | NIGER | N°05-180

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 28 juillet 2005, 05-180


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi vingt huit juillet deux mille cinq, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Ministère Public ;
D'une part

ET :
Y Y, agent de l'Alphabétisation à la retraite demeurant à Niamey-Poudrière Villa n° 4006,
2-Yahaya Chaibou Inspecteur des Services au Ministère du Travail et de la Modernisation de l'Administration demeu

rant à C AG,
3-Maman Maïriga, Conseiller forestier demeurant à Av
B Ad Ab demeurant à Niamey/Ya...

REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi vingt huit juillet deux mille cinq, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Ministère Public ;
D'une part

ET :
Y Y, agent de l'Alphabétisation à la retraite demeurant à Niamey-Poudrière Villa n° 4006,
2-Yahaya Chaibou Inspecteur des Services au Ministère du Travail et de la Modernisation de l'Administration demeurant à C AG,
3-Maman Maïriga, Conseiller forestier demeurant à Av
B Ad Ab demeurant à Niamey/Yantala,
5-Dandaré Ar Cadre du Ministère du Commerce,
6-Elh Ao Ac, percepteur demeurant à Ap,
Z As At Au demeurant à Aguié,
8-Hassane Ai Aa Aj du Trésor demeurant à Ap,
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Bouba Mahamane, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur les réquisitions écrites du Procureur Général en date du 5 juillet 2005 tendant à:
Dire n'y avoir lieu à suivre contre les inculpés des chefs de faux et usage de faux en écriture publique et complicité;
Requalifier les faits poursuivis contre Y Y, Af Al, Ah B, Ad B et Ag Ar en complicité de détournement de deniers publics et ceux poursuivis contre Elh Ao Ac, Ac As At et Aq Aa en détournement de deniers publics;
Dire n'y avoir lieu à suivre contre Elh Ao Ac, Y Y et Af Al pour cause de prescription;
Ak Ac As At, Aq Ai Aa, Ah B, Ad B et Ag Ar devant une juridiction pour être jugés conformément à la loi;

Vu la 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu les articles 638 et 639 du CPP;
Vu les pièces du dossier;
Vu les réquisitions du Procureur Général;

Attendu qu'il résulte de l'information les faits suivants:
Une enquête administrative diligentée courant janvier février 2000 sur la gestion de la collectivité territoriale de Gaya au titre des années 1996 à 1999 avait décelé des irrégularités caractérisées par des dépenses insuffisamment justifiées ou exécutées sans pièces justificatives voire même sur support juridique d'un montant global de 85932362 francs;
Inculpés de faux et usage de faux en écriture publique, de détournement de deniers publics et complicité, les susnommés nient les faits qui leur sont reprochés. Ils soutiennent que l'enquête a eu lieu pour la plupart en leur absence et n'ont pu opportunément apporté des éclaircissements aux Inspecteurs d'Etat chargés de l'enquête. Ils soutiennent que les dépenses sont régulières parce qu'elles sont prévues par les budgets de la collectivité. De même elles sont justifiées dès lors qu'elles sont autorisées à travers des mandats de paiement et exécutées sur la base des pièces justificatives constituées entre autres d'état de paiement ou de messages des autorités de tutelle notamment pour les gratifications, les subventions et autres interventions diverses et confidentielles;
Une expertise ordonnée par le conseiller instructeur est exécutée en juillet 2004 par la Direction Générale de l'Inspection des Finances a, après avoir recueilli les observations des ordonnateurs et des comptables concernés, conclu que le montant des irrégularités constatées pour les 4 gestions (1996-1999) se chiffre à:
Pièces justificatives non-conformes = 54389991
Dépassement de crédit en 1996-1997 = 3084227
Pour le dépassement de crédit la faute de gestion est sanctionnée par la Cour des Comptes;
Selon l'expert la responsabilité des comptables doit être retenue dans les proportions suivantes en tenant compte des périodes d'activité de chacun;
Elh Ao du 1er janvier 1996 au 29 février 1996 = 494400
Ac As At du 29 février 1996 au 12 octobre 1999 = 54742657
Aq Aa du 12 octobre 1999 au 31-12-1999 = 2237170;
Pour les ordonnateurs les dépenses acquittées à tort par eux et non justifiées se chiffrent pour chacun à:
Y Y 30000 francs
Af Al 80000 francs
Ah B 3411000 francs
B Ad 569000 francs
Ag Ar 1158500 francs
A l'examen des mandats et des pièces justificatives l'expertise n'a pas décelé des dépenses manifestement fictives ou surfacturées;
L'instruction n'a pas également établi des charges contre les inculpés d'avoir dans un document quelconque frauduleusement altéré la vérité en vue de détourner des biens appartenant à la collectivité dont ils avaient la charge, qu'en l'absence d'élément constitutif de l'infraction de faux en écriture publique, il y a lieu de dire n'y avoir à suivre contre eux de ce chef et par voie de conséquence des chefs d'usage de faux et de complicité;
Sur le détournement des deniers publics

Attendu que les ordonnateurs (sous-préfet) sont inculpés de complicité de détournement de deniers publics et les comptables de détournement de deniers publics au préjudice de la collectivité; il leur est reproché en fait d'avoir:
Payé des frais de déplacement sans pièces justificatives (ordre de mission et feuille de déplacement) et sur la base de forfait;
En réponse à ces griefs ils soutiennent que les frais de déplacement sur la base de forfait est une pratique en usage dans la gestion de la collectivité. Elle est faite au seul bénéfice de secrétaires d'arrondissement et de ses collaborateurs et parce qu'ils sont constamment en mission pour le besoin du recouvrement des taxes d'arrondissement. Dans ces conditions le forfait permettait d'éviter de grever les budgets;
Accordé des gratifications subventions et autres appuis institutionnels sans émargement des bénéfices;
A ce sujet ils soutiennent que les gratifications et autres appuis ou subventions étaient faits ou accordés à des personnes ou structures auxquelles ils ne pouvaient exiger d'émargement pour les raisons d'opportunité;
Effectué des paiements divers sans facture ou sur la base de factures et états de paiement non acquittés ou émargés;
En ce qui concerne ce grief ils expliquent que les dépenses supposées irrégulières au titre de la rubrique «divers» des budgets étaient pour la plupart constituées d'achats fait au marché «noir» auprès des commerçants informels notamment l'approvisionnement en carburant lors des missions à l'intérieur de la collectivité ainsi que des biens de consommation et autres consommables à l'occasion des réceptions et accueils des hôtes officiels;
Attendu que les sous-préfets déclinent leur responsabilité soutenant que celle-ci incombe plutôt aux comptables en tant que chargés de l'exécution des dépenses des collectivités;
Les comptables de leur côté soutiennent que le paiement des indemnités diverses aux agents incombe aux ordonnateurs chargés de prendre les décisions afférentes. Ils ne peuvent pas vérifier le manquement car il n'est pas nécessaire que ces décisions soient jointes au mandat de paiement;
Attendu que s'appuyant sur les dispositions du règlement général de la comptabilité publique, les conclusions de l'expert imputent aux comptables la responsabilité de toutes les irrégularités relevées;
Attendu qu'il résulte en effet des dispositions des articles 13, 37, 163 et 164 du décret n° 93-04/MP/MF/P du 12 mars 1993 portant règlement de la comptabilité publique en vigueur au moment des faits mais aujourd'hui abrogé et remplacé par le décret n° 2002-196/PRN/MF/E du 26 juillet 2002 que «les receveurs municipaux ou d'arrondissement sont chargés seuls et sous leur responsabilité d'acquitter les dépenses des collectivités après avoir préalablement contrôlé la validité de chaque créance à travers les pièces justificatives et l'effectivité des services correspondants, leur responsabilité n'est dégagée que lorsque après avoir constaté et signalé une irrégularité qui entache la validité d'une créance, ils sont néanmoins requis d'exécuter la dépense, par un écrit de l'ordonnateur ou lorsqu'ils ont agi sur instructions écrites du Ministre chargé des finances»;
Mais attendu qu'en l'espèce les dépenses irrégulières relevées ne sont couvertes par des réquisitions spéciales des ordonnateurs ni par des instructions écrites du Ministre chargé des finances.
Attendu que l'expert définit les dépenses irrégulières comme celles qui ne sont pas conformes aux différents textes relatifs à la comptabilité publique ou des dépenses sans supports ou partiellement justifiées;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 121 du Code Pénal le détournement de deniers publics est le fait pour un dépositaire public de soustraire ou de dissiper des deniers publics ou privés ou encore des effets ou objet ayant une valeur estimable en argent;
Attendu que la responsabilité pénale ne peut être retenue pour les dépenses régulièrement autorisées et exécutées et dont les bénéficiaires sont identifiés;
Attendu cependant que constituent des charges de nature à retenir la culpabilité, les dépenses dont les pièces constatant leur exécution ne sont ni acquittées ni émargées par les bénéficiaires de même celle émargées ou acquittées par les prévenus eux-mêmes et dont ils n'ont pu justifier l'utilisation qu'ils en ont faite. Aussi à l'examen des états de dépenses irrégulières seules les dépenses répondant à ce critère peuvent être imputées aux inculpés car les sommes sont présumées être dissipées (dont un état est joint à la procédure). Qu'en conséquence le montant des dépenses répondant à cette définition est de 8155216 francs repartis comme suit par comptable et suivant leur période d'activité au niveau de la collectivité:
Elh Ao Ac = 795283 francs période d'activité du 1er janvier au 29 février 1996;
Ac As At = 6972933 francs période d'activité 29 février 1996 au 12 octobre 1999;
Aq Ai Aa = 367000 francs période d'activité 13 octobre au 31 décembre 1999;
Attendu que les susnommés dans la commission des faits qui leur sont reprochés bénéficient de la complicité des nommés Y Y, Af Al, Ah B, Ad B et Ag Ar pour avoir ordonné les dépenses et même bénéficié du montant de certains mandats dans les proportions respectives de 30000 francs, 80000 francs, 3111000 francs, 919000 francs et 1158500 francs(voir annexe 4 du rapport de contre-expertise);
Attendu toutefois que la complicité des susnommés concernant les montants compromis par comptable pendant leur période d'activité s'établit comme suit: (voir état des mandats présumés dissipés);
Y Y période de gestion 1er janvier au 25 mars 1996 montant 30000 par Elh Ao Ac et 765283 francs par Ac As At soit 795283 francs;
Af Al période d'activité 25 mars au 2 octobre 1996 montant 370763 francspar Ac As At;t;
Ah B période de gestion 2 octobre 1996 au 31 juillet 1997 montant 4010270 francs par Ac As At;t;
B Ad période de gestion 31 décembre 1997 au 29 décembre 1998 montant 1459300 francspar Ac As At;t;
Ag Ar période de gestion 30 décembre 1998 au 31 décembre 1999 montant 1459300 francs par Ac As At;
Requalification

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier de la procédure que les faits reprochés aux nommés Y Y, Af Al, Ah B, B Ad et Ag Ar constituent des actes de complicité de détournement de deniers publics que ceux poursuivis contre Elh Ao Ac, Ac As An Aq Ai Aa constituent l'infraction de détournement de deniers publics, qu'il y a lieu de les requalifier en ce sens;
Non-lieu partiel

Attendu que l'information n'a pas établi des charges contre les inculpés d'avoir commis le délit de faux et usage de faux et complicité de faux et usage de faux en écriture publique, aucune pièce de dépense n'a en l'espèce fait l'objet de falsification; qu'il échet de dire qu'il n'y a pas lieu à suivre contre eux du chef de faux et usage de faux et de complicité;
Attendu que le fait de détournement de 494400 reproché à Elh Ao Ac montant corrigé constitue un délit prévu par l'article 121 du Code Pénal car inférieur à 2000000 francs de même pour Y Y et Af Al respectivement 795283 francs et 378763 francs;
Attendu qu'aux termes de l'article 6 du CPP l'action publique pour l'application de la peine s'éteint par la mort du prévenu, la prescription, l'amnistie etc; qu'en matière de délit la prescription de l'action publique est de 3 ans révolus (article 8 du CPP) qu'il y a prescription en matière pénale lorsqu'il s'est écoulé entre la date des faits et celle de l'instruction ou de la poursuite 3 ans révolus en matière de délit;
Qu'en l'espèce les faits reprochés à Elh Ao Ac, Y Y et Af Al remontent aux mois de janvier à octobre 1996 soit plus de 3 ans avant leur poursuite le 10 septembre 2001, qu'il y a lieu de déclarer ces faits prescrits et ordonner non-lieu à leur faveur;
Renvoi
Attendu qu'il résulte de l'information charges suffisantes contre:
Ac As An Aq Ai Aa d'avoir à Gaya courant années 1996-1999 depuis temps non prescrit détourné des sommes d'argent au préjudice de la collectivité territoriale de Gaya, des montants respectifs de 6972933 francs et 367000 francs, faits prévus et punis par les articles 121 du Code Pénal, 1er, 13 et 30 de l'ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985;
Ah B, B Ad et Ag Ar de s'être à Gaya courant années 1996-1999 depuis temps non prescrit, rendus par aide et assistance complice de Ac As Ae la proportion de 4010270 francs; 1132600 francs, 1459300 francs faits prévus et punis par les articles 121 et 48 du CP 1er, 13 et 30 de l'ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985;
Ag Ar de s'être courant 1999 depuis temps non prescrit rendu complice par aide et assistance de Aq Ai Aa pour le montant de 367000 francs, faits prévus et punis par l'article 121 du CP, articles 1er, 13 et 30 de l'ordonnance n° 85-26 du 12 septembre 1985;

PAR CES MOTIFS
Dit qu'il n'y a pas charges suffisantes contre les nommés Y Y, Af Al, Ah B, B Ad, Ag Ar, Elh Ao Ac, Ac As An Aq Ai Aa du chef de faux et usage de faux et complicité de faux et usage de faux, ordonne non-lieu à leur faveur;
Requalifie les faits de détournement de deniers publics reprochés à Y Y, Af Al, Ah B, B Ad et Ag Ar en complicité de détournement de deniers publics;
Requalifie les faits de complicité de détournement de deniers publics reprochés à Elh Ao Ac, Ac As An Aq Ai Aa en détournement de deniers publics;
Dit n'y avoir lieu à suivre contre les nommés Y Y, Af Al pour le délit de complicité de détournement de deniers
publics et contre le nommé Elh Ao Ac pour le délit de détournement de deniers public pour cause de prescription; ordonne non-lieu à leur faveur;
Dit qu'il y a charges suffisantes contre:
Ac As At pour détournement de deniers publics portant sur 6972933 francs;
Ah B pour complicité de détournement de deniers publics portant sur 4010270 francs;
B Ad pour complicité de détournement de deniers publics portant sur 1132600 francs;
Ag Ar pour complicité de détournement de deniers publics portant sur 1459300 francs et 367000 francs;
Aq Ai Aa pour détournement de deniers publics portant sur 367000 francs;
Décerne ordonnance de prise de corps contre Ac As At et Ah Am;
Renvoie Ac As At, Ah B, B Ad, Ag Ar et Aq Ai Aa devant la Cour d'assises de Ap pour y être jugés conformément à la loi;
Réserve les dépens;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 05-180/P
Du 28 juillet 2005

MATIERE : Pénale

DEMANDEUR :
Ministère Public ;

DEFENDEUR :
Af Al
Y Y
Ah B
B Ad
Ag Ar
Elh Ao Ac
Ac As At
Aq Ai Aa

A :
Bouba Mahamane
Président
Issaka Dan Déla ; Morou Guingarey
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier

RAPPORTEUR
Bouba Mahamane


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 05-180
Date de la décision : 28/07/2005
Pénale

Parties
Demandeurs : Ministère Public ;
Défendeurs : Yahaya Chaibou Halidou Haladou Maman Maïriga Maïriga Niandou Dandaré Garba Elh Gambo Adamou Amadou Soumana Gaoh Hassane Doulla Diaouga

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2005-07-28;05.180 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award