REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi vingt huit juillet deux mille cinq, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ab Af et Ad Ah, tous deux cultivateurs demeurant à Bélandé (Boboye), assistés de Maître Sirfi Ali Maiga, avocat à la Cour ;
D'une part
ET :
Ag Af et Ab Ad, cultivateur et chef de village de Tonkossarey (Boboye), assistés de Maître Moussa Zékaria, avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Madame Salifou Fatimata, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé suivant déclaration au greffe du Tribunal Régional de Dosso par Ab Af cultivateur demeurant à Bélandé contre le jugement n° 29 du 19 mars 2004 dudit Tribunal qui statuant en cause d'appel et suite à l'intervention volontaire de Ab Ac Ae a reçu l'appel régulier en la forme, au fond l'a rejeté comme mal fondé, confirmé le jugement dans toutes ses dispositions et a rejeté l'intervention volontaire faite pour la première fois en cause d'appel par M. Ab Ac Ae;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 relative à la Cour Suprême;
Vu le pourvoi et les mémoires produits par les parties, ensemble les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai de la loi, qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Dans son mémoire en défense, Maître Sirfi Ali Maiga qui intervient pour le compte de Ad Ah et Ab Af a invoqué 3 moyens de cassation:
Premier moyen portant sur la recevabilité de l'action de Ad Ah et Ab Af;
Attendu que le demandeur au pourvoi soutient que leur action en appel se justifie par le fait qu'ils sont cousins directs à Ab Ae demandeur à la première action et ayant signé le procès-verbal de conciliation, lien qui peut leur conférer qualité et intérêt pour agir;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions du jugement attaqué que Ae Aa a laissé quatre (4) enfants majeurs dont Ab signataire du procès-verbal de conciliation, Ai, Ab signataires comme témoins du procès-verbal de conciliation et Ac décédé avant le déclanchement du litige, que dès lors les appelants qui sont ses neveux ne sauraient se substituer à ses héritiers légitimes avant de confirmer la décision du juge de Boboye qui les a déboutés de leur demande pour défaut de qualité;
Attendu que cette décision est conforme à la coutume des parties où en cas de présence d'un ascendant direct mâle, les neveux sont écartés. Ce moyen n'est donc pas fondé et doit être rejeté;
Deuxième moyen de la nullité du jugement n° 029 du 19 mars 2004 tirée de la violation de la loi et de la jurisprudence sur l'intervention volontaire;
Attendu que Maître Sirfi Ali Maiga est constitué pour la défense des intérêts de Ad Ah et Ab Af qui seuls ont relevé appel du jugement de Boboye, que ce moyen ne peut dès lors être examiné;
Troisième moyen de la nullité du jugement attaqué tirée de la violation de l'article 1134 du Code Civil applicable au Niger sur les conventions;
Attendu que la décision attaquée a été rendue en matière coutumière, que l'article 1134 du Code Civil invoqué est inopérant, ce moyen doit être par conséquent rejeté;
Attendu qu'il y a cependant lieu de relever d'office 2 moyens de cassation:
Premier moyen relevé d'office: en ce que le jugement attaqué après avoir confirmé le jugement frappé d'appel qui a débouté les appelants de leur demande pour défaut de qualité, a statué sur la propriété du champ;
Attendu que le rejet de la demande des appelants pour défaut de qualité n'est rien d'autre qu'une irrecevabilité de leur action, qu'en rendant cette décision le juge d'appel a épuisé définitivement son pouvoir de juridiction, que c'est donc en violation de la loi qu'il a statué sur la propriété du champ et sa décision encourt dès lors cassation;
Deuxième moyen de cassation relevé d'office: en ce que le jugement attaqué a déclaré irrecevable l'intervention de Ab Ac Ae parce que faite pour la première fois en cause d'appel;
Attendu que la procédure de l'intervention est constamment appliquée par les Cours et tribunaux, qu'en déclarant l'intervention de Ab Ac Ae irrecevable parce que faite pour la première fois en cause d'appel, le juge d'appel ne s'est conformé ni à la jurisprudence, ni à la loi réglant la matière, que sa décision encourt dès lors cassation;
PAR CES MOTIFS
Reçoit le pourvoi en la forme;
Au fond casse et annule le jugement attaqué;
Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal de Grande Instance de Tillabéry;
Dit n'y avoir lieu à dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 05-182/C
Du 28 juillet 2005
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR :
Ab Af et Ad Ah
Me Sirfi Ali Maiga
A :
Ag Af et Ab Ad
Me Moussa Zékaria
PRESENTS :
Mme Salifou Fatimata
Président
Eliane Allagbada ; Morou Guingarey
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier
RAPPORTEUR
Mme Salifou Fatimata