ARRÊT N° 06-026/C Du 26 janvier 2006 MATIERE : Coutumière DEMANDEUR : Mani Abdou DEFENDEUR : Elh Tari Chaibou PRESENTS : Dillé Rabo Président Nouhou Mounkaila ; Hassane Hodi Conseillers Ali Karmazi ; Adamou Harouna Assesseurs Ousmane Oumarou Ministère Public Me Gado Fati Founou Greffier RAPPORTEUR Hassane Hodi République du Niger
Cour Suprême Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi vingt six janvier deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit : ENTRE : Mani Abdou, cultivateur demeurant à Tsagué (Tessaoua) ; D'une part ET : Elh Tari Chaibou, cultivateur demeurant à Koubdo Sofoua (Tessaoua) ; D'autre part Après lecture du rapport de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi régulièrement formé par Mani Abdou contre le jugement n° 67 rendu le 30 novembre 2001 par le Tribunal Régional de Maradi statuant comme juridiction d’appel en matière coutumière ayant confirmé le jugement rendu le 25 janvier 2001 par la délégation judiciaire de Tessaoua qui a confirmé l’échange de champs intervenu entre le défendeur et le père du demandeur, a dit que le champ litigieux est la propriété de El hadj Tari Chaibou ;
Vu la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême Vu la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 ; Vu la loi n° 63-18 du 22 février 1963 ; Vu la déclaration introductive de pourvoi, ensemble le mémoire en date du 10 avril 2003 produit par Mani Abdou à l’appui de son pourvoi ; Vu le mémoire produit par le défendeur au pourvoi en date du 17 février 2005 ; Vu les conclusions du Procureur Général ;
Au fond Attendu que dans leurs mémoires, aucune des deux parties n’articule d’argument de droit, soit contre l’arrêt incriminé, soit contre le pourvoi, n’exposant toutes les deux que des points de fait, souverainement appréciés par les juges de fond ; Attendu que la Cour par contre soulève deux (2) moyens d’office : Sur le premier moyen relevé d’office tiré de la violation de l’article 36 de la loi 62-11 du 16 mars 1962, manque de base légale en ce que le juge d’appel s’est adjoint un assesseur de coutume haoussa et un assesseur de coutume peulh, alors que les deux parties en litige sont de coutume haoussa ; Attendu qu’aux termes de l’article 36 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 « les deux assesseurs complétant le Tribunal doivent être de la coutume des parties » ; que selon la jurisprudence de la Cour , l’obligation pour le juge statuant en matière coutumière de s’adjoindre deux assesseurs de la coutume des parties est prescrite à peine de nullité (Arrêt n° 94-26/C du 21-7-1994) ; Attendu qu’il ressort de la décision attaquée que l’un des assesseurs ayant complété le Tribunal, à savoir le sieur Ibrahim Rahamani est de coutume peulh musulmane ; qu’en statuant ainsi, alors que les parties litigantes sont toutes de coutume Haoussa, la décision entreprise a violé les dispositions de l’article 36 de la loi susvisée et encourt annulation de ce chef ; Sur le deuxième moyen relevé d’office pris la violation de l’article 38 de la loi 63-18 du 22 février 1963 fixant les règles de procédure à suivre en matière Civile, Commerciale et Coutumière Attendu que le jugement attaqué s’est contenté de confirmer le jugement n° 02 en date 25 janvier 2001 de la délégation judicaire de Tessaoua sans indiquer l’énoncé complet de la coutume appliquée, tout comme d’ailleurs l’a fait le Tribunal de Tessaoua, alors que cet énoncé constitue le seul moyen qui permettre de contrôler l’exacte application de ladite coutume ; qu’il s’ensuit qu’il a été rendu en violation de l’article 38 susvisé qui dispose que : « plus particulièrement en matière coutumière, les jugements indiqueront sous peine de nullité, l’énoncé complet de la coutume appliquée » ; que ce jugement encourt également cassation de ce chef ; Par ces motifs Déclare le pourvoi de Mani Abdou recevable ; Casse et annule le jugement n°67/01 du novembre 2001 du Tribunal Régional de Maradi ; Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée ; Dit qu’il n’y a pas lieu aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.