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30/03/2006 | NIGER | N°06-087

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 30 mars 2006, 06-087


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi trente mars deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Ah Ab, cultivateur demeurant à Aa Ac BAaC, assisté de Maître Galy Adam Abdourahamane, avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
Ali Aj représentant les Ayants droit Ae Ab, cultivateur demeurant à Af Ac BAa) ;
D'autre part
Après lecture du rapport

de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et ap...

REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi trente mars deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Ah Ab, cultivateur demeurant à Aa Ac BAaC, assisté de Maître Galy Adam Abdourahamane, avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
Ali Aj représentant les Ayants droit Ae Ab, cultivateur demeurant à Af Ac BAa) ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur le pourvoi introduit par déclaration en date du 25 février 2004 par Ah Ab, cultivateur à Aa Ac BAaC, contre le jugement n° 20 du 25 février 2004 du Tribunal Régional de Aa, statuant après cassation et comme juridiction d'appel en matière coutumière dans une affaire de revendication de la propriété d'un champ situé entre deux (2) villages, et qui a:
Constaté que le litige qui lui est soumis est relatif à la délimitation des terroirs des deux villages en cause;
Dit que cette limite est celle tracée par l'administration suivant décision n° 004 du 19 avril 2002;

Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la loi 62-11 du 16 mars 1962 remplacée par la loi 2004-50 du 22 juillet 2004;
Vu la loi 63-18 du 22 février 1963;
Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;

SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Le pourvoi régulièrement notifié le 25 février 2004 à Ali Aj, représentant les ayants droit Ae Ab, a été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;

AU FOND
Le 24 mars 1992, feu Ae Ab demeurant à Loufèye-Kouara a saisi le juge chargé des affaires civiles et coutumières de Aa d'une action en revendication de la propriété d'un champ situé entre leur village et celui de Bossou-Koira, que El A Ah Ab tentait de mettre en valeur;
Il soutient que le champ occupé par son adversaire El A Ah Ab a été donné en location aux habitants de Bossou-Koira par le chef de village de Roufai-Koira;
Selon lui, Roufai-Koira étant fondé avant Bossou-Koira, les habitants de Bossou-Koira ne peuvent prétendre posséder des terres situées entre les deux villages;
De son côté El A Ah Ab réplique que le champ litigieux a toujours été la propriété des habitants de Bossou-Koira; que c'est suite au décès de Ak Ag habitant dudit village qu'il a occupé le champ en prenant en charge les enfants mineurs du défunt. Selon sa version, les habitants de Roufai-Kouara ne peuvent prétendre être propriétaires de toutes les terres situées entre les deux villages, car ceux-ci ont été fondés à la même époque. En conséquence il a sollicité du tribunal de le déclarer propriétaire exclusif du champ litigieux et de confirmer le respect de la limite séparative tracée par Ad Ai et Al Aa conformément aux prescriptions du procès-verbal du 2 avril 1991;
Par jugement n° 022 du 31 mars 1994 le premier juge a déclaré que le champ litigieux est la propriété d'El A Ah Ab, et que chacun des habitants des deux villages reste propriétaire du ou des champs qu'il occupe et dont la propriété est établie par la coutume ou le droit écrit, quelle que soit sa situation par rapport à la ligne séparative indiquée suite au procès-verbal de conciliation du 2 avril 1991;
Sur appel de Ae Ab, chef de village de Loufaye-Kouara, la section de Tribunal de Aa, par jugement n° 14 du 4 avril 1996 a:
Réformé le jugement n° 22 du 31 mars 1994 de la justice de paix de Aa;
Dit que le champ litigieux est la propriété d'El A Ah Ab et que la brousse de 800 m allant de la termitière au village de Loufaye-Kouara est la propriété du chef dudit village;
Constaté qu'une brousse de 1200 m allant de la termitière au village de Bossou-Kouara oppose les deux villages;
Dit qu'il s'agit d'un problème de délimitation entre les deux villages;
Dit qu'un tel litige relève de la compétence des autorités coutumières et administratives et renvoyé les parties devant elles pour un dénouement heureux de leur affaire;
Fait défense à chacune des parties d'opérer de nouvelles friches sur les parties litigieuses tant que celles-ci n'ont pas eu de solution;
Par déclaration au greffe de la section de tribunal de Aa en date du 9 avril 1996, Ae Ab s'est pourvu en cassation contre cette décision;
Par arrêt n° 008 en date du 6 juillet 2000, la Cour d'Etat a cassé le jugement attaqué pour défaut de motifs d'une part et pour défaut d'assesseurs de la coutume des parties et énoncé de la coutume d'autre part, le tout pour violation des articles 36 et 2 alinéa 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962, et de l'article 38 de la loi n° 63-18 du 22 février 1963 fixant les règles à suivre en matière civile, commerciale et coutumière;
Par jugement n° 20 du 25 février 2004, le Tribunal Régional de Aa, après cassation, a constaté qu'il s'agit d'un problème de limite de terrain et a dit que cette limite est celle tracée par l'administration suivant décision n° 004 du 19 avril 2002;
C'est cette décision qui est soumise à la censure de la Cour;
Le demandeur invoque deux moyens de cassation à l'appui de son pourvoi;
Violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 sur l'organisation judiciaire, pour défaut de motifs, manque de base légale et dénaturation des faits de la cause;
Violation de l'article 51 - 2ème de la loi 62-11 susvisée;
Sur la première branche du 1er moyen, tiré de la dénaturation des faits de la cause:

Attendu que le demandeur fait grief au jugement attaqué d'avoir dénaturé les faits de la cause en occultant la question de revendication de la propriété objet du litige, pour statuer sur la délimitation qui lui est accessoire;
Attendu que des dispositions de l'article 26 de la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême, il ne ressort pas que la dénaturation des faits constitue un moyen de cassation; qu'en outre, il résulte de l'examen des pièces du dossier de la procédure qu'en fait de différend champêtre, le litige porte plutôt sur une affaire de limite de terroirs entre deux villages qui a déjà fait l'objet de conciliation que le demandeur tentait de remettre en cause; qu'en l'espèce, le juge d'appel, loin d'avoir dénaturé les faits de la cause, leur a plutôt restitué leur véritable qualification, ce qui relève de son pouvoir d'appréciation; qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté comme mal fondé;
Sur la seconde branche du 1er moyen tiré du défaut de motifs et manque de base légale:
Attendu que le pourvoi reproche au jugement attaqué d'avoir occulté la question de la propriété qui lui a été posée pour se prononcer sur la délimitation du terroir sans pour autant indiquer la règle coutumière appliquée à la cause;
Attendu que l'examen des dispositions du jugement attaqué relève qu'il est motivé et qu'il contient l'énoncé complet de la règle coutumière appliquée, en ce qu'il a dit «qu'il est donc conforme à la coutume djerma des parties, que lorsqu'aucune des parties ne peut apporter la preuve que le bien litigieux lui appartient, il doit être procédé à une conciliation entre elles par le partage de ce bien»; qu'ainsi le grief fait de défaut de motifs et de l'énoncé complet de la coutume appliquée n'est pas fondé et ce moyen doit être rejeté; qu'il en est de même du grief de manque de base légale, la décision attaquée étant fondée sur une règle coutumière applicable au litige portant comme en l'espèce sur des biens dont les personnes revendiquent chacune la propriété entière ou partielle sans être en mesure d'en apporter la preuve;
Sur le deuxième moyen de cassation, tiré de la violation de l'article 51 - 2ème de la loi 62-11 du 16 mars 1962 sur l'organisation judiciaire, pour avoir jugé en équité et non par application de la loi:
Attendu que l'article 51 - 2ème visé au moyen fait obligation aux juridictions «d'appliquer la coutume des parties, dans les affaires concernant la propriété ou la possession immobilière et les droits qui en découlent, sauf lorsque le litige portera sur un terrain immatriculé ou dont l'acquisition ou le transfert aura été constaté par un mode de preuve établi par la loi»;
Attendu que la réponse au moyen ainsi invoqué se trouve dans celle du précédent moyen où il a été indiqué que la décision attaquée est fondée sur les dispositions d'une règle coutumière; qu'en conséquence il y a lieu de le rejeter comme étant mal fondé;
Sur le moyen relevé d'office, tiré de la violation de la règle sur la compétence:
Attendu que le jugement attaqué a tranché le litige en cause en décidant que la limite entre les deux villages est celle tracée par l'administration suivant décision n° 004 du 19 avril 2002, bien qu'il ait relevé qu'il s'agit d'un conflit de limites entre deux (2) terroirs qui relève de la compétence de l'autorité administrative; que ce faisant, il a violé la règle d'ordre public relative à la compétence d'attribution et encourt de ce fait cassation;
Attendu toutefois que suite à l'arrêt avant dire droit du 23 février 2001 qui a dit qu'il s'agit d'un problème de limite de terroirs, qui relève de la compétence de l'autorité administrative, ladite autorité a procédé à la délimitation dont s'agit et a même pris un acte administratif pour l'entériner; qu'il y a donc lieu de ne pas renvoyer l'affaire car il n'y a plus rien à juger au fond;

PAR CES MOTIFS

Déclare le pourvoi de Ah Ab recevable;
Casse et annule le jugement n° 20/C du 25-02-2004 du Tribunal Régional de Aa;
Dit qu'il n'y a pas lieu à renvoi;
Dit qu'il n'y a pas lieu aux dépens;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 06-087/C
Du 30 mars 2006

MATIERE : Coutumière

DEMANDEUR :
Ah Ab
Me Galy Adam Abdourahamane

Y :
Ali Aj représentant les Ayants droit Ae Ab

X :
Dillé Rabo
Président
Hassane Hodi ; Moussa Idé
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier

RAPPORTEUR
Hassane Hodi


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 06-087
Date de la décision : 30/03/2006
Coutumière

Parties
Demandeurs : Adamou Moumouni Me Galy Adam Abdourahamane
Défendeurs : Ali Hassane représentant les Ayants droit Hassoumi Moumouni

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-03-30;06.087 ?
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