REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi treize avril deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ab AK AI et 2 autres, assisté de Maître Harouna Abdou, Avocat à la Cour
D'une part
ET :
Ministère public
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Moussa Idé, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur la requête de pourvoi introduit suivant acte du greffe de la Cour d'appel de Zinder du 23 juin 2005 par les nommés Ab AK AI, MAMANE SANI ELHADJI HASSANE ET AMADOU IDI.
Attendu que par un arrêt du 23 juin 2005, la cour d'assises de Zinder a condamné les requérants à la peine de mort;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la requête de pourvoi avec l'ensemble des pièces du dossier;
Vu les conclusion de Monsieur le Procureur général;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi des demandeurs parce qu'étant intervenu dans les forme et délai prévus par les articles 564 et 573 du code de procédure pénale, doit être déclaré recevable;
AU FOND
Attendu que les requérants assistés de Maître HAROUNA ABDOU, avocat à la cour sollicitent la cassation et l'annulation de l'arrêt entrepris
Qu'à l'appui de leur requête, ils ont soulevé un moyen unique qu'ils ont scindé en six (6) branches.
Sur la première branche du moyen prise de la violation des articles 244 et suivants du code de procédure pénale en ce que sur le procès verbal des débats du 20/06/2005 dans l'affaire les concernant, il est mentionné le nom du sieur X Aa ayant siégé en qualité de juré alors que le nom de ce dernier ne figure pas dans le procès-verbal de tirage au sort du 31/05/2005;
Attendu qu'il est indéniable que le procès-verbal de tirage au sort des jurés du 31 mai 2005 fait ressortir que ce sont les sieurs C AM, X AN, ELHADJI KONGO ALAO et B Aa qui ont été désignés par le sort comme jurés titulaires; Ac AL Ad et AG Z A comme jurés supplémentaires; qu'en statuant avec une composition différente et en absence d'une révision de la liste des jurés conformément aux articles 286 et suivants du code de procédure pénale, la Cour d'assises de Zinder a violé la loi et de ce fait l'arrêt déféré encourt cassation et annulation de ce chef. D'où cette branche doit être accueillie comme étant fondée.
Sur la deuxième branche tirée de la violation de l'article 257 du code de procédure pénale.
Attendu que le texte susvisé qui prescrit le transfèrement de l'accusé (ou des accusés) à la maison d'arrêt du lieu des assises dès le prononcé de l'arrêt de renvoi, n'impartit cependant pas un délai pour y procéder;
Qu'il est unanimement admis que l'inobservation tardive de cette formalité n'est pas sanctionnée par une nullité car elle est souvent justifiée par des pesanteurs matérielles et financières et ne compromet pas les droits de la défense;
Sur la troisième branche prise de la violation de l'article 260 al 4 du code de procédure pénale en ce que la cour d'assises ne leur a pas désigné un interprète nonobstant qu'ils ne parlent pas et ne comprennent pas la langue françaises arguant qu'ils parlent HAOUSSA;
Attendu qu'effectivement, cette constatation résulte des mentions du procès-verbal des débats du 20/06/2005. Or le recours à un interprète en pareilles circonstances est un droit inaliénable et incontournable de la défense qui ne peut être éludé par l'identité de la langue parlée par les membres composant la Cour et celle des accusés, les débats devant être menés en français;
Que la décision querellée mérite annulation de ce chef.;
Sur la quatrième branche tirée de la violation de l'article 263 du code de procédure pénale.
Attendu que les requérants font grief à la cour d'assises de Zinder de ne leur avoir pas notifié le nom du
Sieur AH Y, entendu en qualité de partie civile.
Qu'un tel argument n'est revêtu de la moindre pertinence car la liste des personnes dont la notification aux accusés est requise est celle des individus que le ministère public a fait citer en qualité de témoin et non celle des parties civiles.
Qu'il s'ensuit que cette branche qui n'est pas fondée doit être écartée.
Sur la cinquième branche prise de la violation de l'article 276 du code de procédure pénale en ce qu'il ne s'est pas écoulé une durée de quinze jours entre la date du tirage au sort des jurés et celle de l'ouverture des assises.
Attendu que le respect d'une telle disposition n'est pas impératif d'autant plus l'inobservation ne préjudicie en rien à l'ordre public et aux droits de la défense (déjà préservés par la faculté de récusation des jurés). Qu'il s'agit de palier à d'éventuels dysfonctionnement en disposant d'un temps nécessaire à la convocation et à la présence effective des jurés. Que cette branche n'est donc pas fondée.
Sur la sixième branche prise de la violation de l'article 243 du code de procédure pénale.
Attendu que ledit article édicte que «ne peuvent faire partie de la cour en qualité de Président ou de conseiller les magistrats qui dans l'affaire soumise à la Cour d'assises ont soit fait un acte de poursuite ou d'instruction, soit participé à l'arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l'accusé».
Que les demandeurs au pourvoi ont invoqué l'incompatibilité d'un magistrat ayant concouru à l'arrêt de mise en accusation et la nomination de ce magistrat en qualité de Président des assises puis l'interrogatoire préalable auquel il a procédé.
Qu'il importe de relever que l'article précité ayant précisé «dans l'affaire soumise» l'incompatibilité arguée ne saurait concerner que les débats et le jugement donc ne peut s'appliquer à l'interrogatoire préalable; que le magistrat en question n'ayant pas fait partie de la composition de la cour lors du jugement de l'affaire concernant les demandeurs, cette branche doit être rejetée comme étant mal fondée.
Attendu par ailleurs, que contrairement aux assertions des requérants, toutes les deux expéditions de l'arrêt de renvoi produites au dossier comportent l'exposé des faits.
Attendu que des énonciations qui précèdent, il y a lieu de casser et annuler l'arrêt n°31/05 du 20/06/2005 de la Cour d'assises de Zinder; renvoyer la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée.
Attendu qu'il convient de réserver les dépens
PAR CES MOTIFS
Vu l'article 64 de la loi n°2000-10 du 14/8/2000 sur la cour suprême;
Déclare le pourvoi de Ab AK AI et 2 autres recevable;
Casse et annule l'arrêt n°31 du 20/06/2005 de la Cour d'assises de Zinder.
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'assises de Zinder autrement composée.
Réserve les dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06/104/P
Du 13 avril 2006
MATIERE : pénale
DEMANDEUR :
Ab AK AI et 2 autres
Me Harouna Abdou
AJ :
Ministère public
PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Mme Jeannette Adabra ; Moussa Idé
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Hamadal Moumine ISSOUFOU
Greffier
RAPPORTEUR
Moussa Idé