REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi vingt avril deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Aa Af et Ab Af et autres, tous cultivateurs demeurant à Takolgot (Madaoua) ;
D'une part
ET :
Ae Ad, ménagère demeurant à Tounfafi (Madaoua) ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Moussa Idé, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe du Tribunal de Konni en date du 12 février 2004 et enregistré au greffe de la Cour le 18 mai 2004 par les sieurs Aa Af, Ab Af et Ac Af contre le jugement n° 12 du 12 février 2004 du Tribunal de Konni qui a reçu en la forme dame Ae Ad en son appel régulier en la forme; au fond, infirmé la décision attaquée; dit que le champ litigieux est la propriété de feu Ad, père de l'appelante; dit n'y avoir lieu aux dépens;
Vu la loi n° 2000-10 du 14-08-2000 sur la Cour Suprême;
Vu la déclaration de pourvoi;
Vu le mémoire des demandeurs en date du 02-03-2004;
Vu les conclusions du Procureur Général;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi dont s'agit a été introduit dans les forme et délai prévus par la loi; qu'il échet de le déclarer recevable;
AU FOND
Attendu qu'à l'appui de leur pourvoi, les requérants soulèvent plusieurs moyens dont notamment:
La violation des dispositions de l'article 586 du Code de Procédure Pénale relatives à la motivation des arrêts de la chambre d'accusation;
La violation des dispositions de l'article 23 de la loi n° 63-18 du 22-02-1963 afférentes au délai d'appel;
La violation de l'article 51 de la loi n° 62-11 du 16 mars 1962 sur l'application de la coutume des parties dans les litiges portant sur la propriété immobilière et les droits qui en découlent lorsque l'immeuble n'est pas immatriculé et que son acquisition n'est pas constatée par un mode de preuve établi par la loi, en ce que le juge d'appel a écarté, contrairement au premier juge, leur coutume qui prévoit dans le cas d'espace le partage du bien litigieux en 2 parts égales;
Le refus par le Tribunal de Konni de soumettre les témoins à la prestation du serment coranique;
L'absence d'équité;
Attendu que sur le premier moyen, l'article 586 du Code de Procédure Pénale prévoit l'annulation des arrêts de la chambre d'accusation s'ils sont sans motifs ou insuffisamment motivés; qu'il importe cependant de relever que le litige pendant devant la Cour de céans étant de nature coutumière, dès lors, les règles de la procédure pénale ne sauraient recevoir application dans la présente instance; qu'il s'ensuit que ce moyen doit être rejeté comme étant mal fondé;
Attendu que sur le deuxième moyen pris de la violation de l'article 23 de la loi n° 63-18 du 22 février 1963, les demandeurs font griefs à la décision entreprise d'avoir admis l'appel de dame Ae Ad pourtant intervenu hors délai; qu'il convient de constater que la défenderesse a relevé appel le 12 mars 2003 de la décision querellée rendue le 07 mars 2002 par la délégation judiciaire de Madaoua et ce contradictoirement à l'égard des parties; que vainement le juge d'appel a assimilé la décision attaquée à une convention susceptible d'être dénoncée à tout moment; qu'en faisant courir le délai d'appel qu'il a pourtant affirmé être de 2 mois à compter de l'établissement de l'acte de conciliation signé par les parties qui matériellement n'a pu avoir lieu, le juge d'appel a fait une appréciation erronée des faits et une application malsaine de la loi car l'appel porte sur la décision du premier juge laquelle a constaté la conciliation et non le procès verbal l'ayant consacré; que l'expédition du jugement rendu par la juridiction de Madaoua ayant expressément mentionné que le président a donné lecture de l'avertissement relatif aux modalités d'appel, le Tribunal de Konni qui nonobstant cette évidence, a reçu l'appel de Dame Ae Ad a violé l'article 23 de la loi susvisée; qu'en conséquence, ce moyen doit être accueilli comme étant fondé;
Attendu que compte tenu des énonciations qui précédent, il y a lieu de casser et annuler le jugement attaqué sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens qui s'appuient sur des questions de faits relevant de l'appréciation souveraine des juges du fond;
Attendu qu'il n'y a plus matière à juger; qu'il convient de dire qu'il n'y a pas lieu à renvoi;
Attendu qu'il échet de dire qu'il n'y a pas lieu aux dépens, s'agissant d'une matière coutumière;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi recevable;
Casse et annule le jugement n° 12 du 12-02-2004 du Tribunal de Konni;
Dit qu'il n'y a pas lieu à renvoi;
Dit qu'il n'y a pas lieu aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-119/C
Du 20 avril 2006
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR :
Aa Af et Ab Af et autres
A B
Ae Ad
C :
Dillé Rabo
Président
Issaka Dan Déla ; Moussa Idé
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Abdou Aouta Aminou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier
RAPPORTEUR
Moussa Idé