REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi vingt sept avril deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
AH A, cultivateur demeurant à Youri , assisté de Maître Issaka Souna, Avocat à la Cour ;
D'une part
ET X
B AG, Y AG et C AG, tous cultivateurs demeurant à Youri , assistés de Maître Talatou Idrissa Yacouba, Avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe du Tribunal Régional de Ac en date du 17 mai 2004 par AH A contre le jugement n°031 du 30 avril 2004 du Tribunal Régional de Ac qui a:
Reçu en la forme l'appel des frères AG;
Annulé le premier jugement;
Evoqué et statué à nouveau;
Déclaré recevable l'action de Ab Ae et de AH A;
Rejeté cette action comme étant mal fondée;
Vu la loi n°2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la déclaration de pourvoi;
Vu les pièces du dossier;
Vu les conclusions de Monsieur le Procureur Général;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Attendu que le demandeur au pourvoi soulève trois (3) moyens de cassation à l'appui de son pourvoi:
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation de l'article 2 al.2 de la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004, pour contrariété de motifs, en ce que le jugement attaqué, tout en reconnaissant au requérant la qualité d'héritier, a déclaré ses adversaires seuls propriétaires du champ litigieux;
Attendu qu'il importe de relever que le texte devant être visé en l'espèce est la loi n°62-11 du 16 mars 1962 bien qu'abrogée et remplacée par celle visée au moyen, car au 30 avril 2004 date de la décision attaquée la loi n°2004-50 du 22 juillet 2004 n'était pas adoptée;
Attendu qu'il est constant que le jugement attaqué a énoncé que AH A et Ab Ae, neveux de Aa Af ont intérêt à ce que le champ litigieux soit reconnu comme étant la propriété de leur oncle, et que de ce fait ils ont qualité pour intenter l'action en revendication; que cependant le fait de reconnaître à un plaideur, demandeur à l'instance, le droit d'ester en justice ne saurait en soi entraîner la recevabilité de sa demande; que le droit d'ester en justice est lié aux seuls qualité et intérêts tandis que la recevabilité de la demande est fonction du bien fondé des prétentions du demandeur;
Attendu par ailleurs que l'examen des dispositions du jugement entrepris révèle que celui-ci n'a pas déclaré les défendeurs au pourvoi même propriétaires à plus forte raison seuls propriétaires du champ objet du litige; qu'au contraire, il a énoncé que ledit champ ne peut faire l'objet d'une appropriation à titre privé parce que relevant des terres communautaires; qu'en conséquence le moyen doit être écarté comme étant mal fondé;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré du défaut de réponse à conclusions
Attendu que le demandeur allègue un défaut de réponse à conclusions, mais ne précise pas le ou les chefs de conclusions auxquels le jugement entrepris n'a pas apporté de réponse; que mieux, il ne résulte des conclusions en date du 7 avril 2003 versées au dossier de la procédure par le demandeur, alors appelant, que deux (2) chefs de demandes dont l'un relatif à la qualité du requérant pour agir en justice et l'autre à la propriété du champ litigieux; que le jugement attaqué a déclaré le requérant recevable en sa demande en la forme et l'a débouté quant au fond, répondant ainsi aux conclusions du requérant; qu'il s'ensuit que le moyen doit être rejeté comme étant mal fondé;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 1er de la loi 62-07 du 12 mars 1962, supprimant les privilèges acquis sur les terres de chefferie, en ce que le jugement attaqué a déclaré le champ litigieux partie intégrante des terres communautaires ne pouvant de ce fait faire l'objet d'appropriation à titre privé, mais seulement de «Ad» (gestion par l'autorité coutumière), alors même que les privilèges acquis sur les terrains de chefferie sont supprimés par la loi visée au moyen;
Attendu qu'il résulte de l'examen des dispositions du jugement entrepris que le requérant a été débouté de sa demande visant à le déclarer propriétaire du champ litigieux, sur la base du constat que ledit champ fait partie des «Ad», à savoir des terres communautaires qui au regard de la coutume des parties ne peuvent faire l'objet d'une appropriation privée;
Attendu que les «Ad» ou terres communautaires sont différentes des terrains de chefferie tant dans leur nature que dans leurs statuts, ces derniers se définissant aux termes de la loi visée au moyen comme des terrains attachés non à la personne du chef, mais à ses fonctions; qu'ainsi et au regard de ce qui précède, il n'y a eu aucune violation de la loi susvisée et le moyen doit par conséquent être rejeté;
PAR CES MOTIFS
Reçoit en la forme le pourvoi de AH A;
Au fond, le rejette;
Dit qu'il n'y a pas lieu aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-125
Du 27 avril 2006
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR :
AH A
Me Issaka Souna
Z X
B AG
Me Talatou Idrissa Yacouba
PRESENTS :
Issaka Dan Déla
Président
Hassane Hodi ; Abdourahamane Ghousmane
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Illiassou Amadou
Greffier
RAPPORTEUR
Hassane Hodi