REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi onze mai deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
X A, maçon demeurant à Goudel-Niamey, assisté de Maître Karimou Hamani, Avocat à la Cour ;
D'une part
ET C
Z B, exploitant de carrière demeurant à Aa, assisté de Maître Alidou Adam, Avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Albachir Nouhou Diallo, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe du Tribunal Régional de Niamey en date du 30 mars 2004 par le sieur X A contre le jugement coutumier n°16 en date du 26 mars 2004 du Tribunal Régional de Niamey en matière coutumière et en appel qui a annulé la décision querellée pour n'avoir pas énoncé la coutume des parties ni porté les noms des assesseurs coutumiers, évoquant et statuant à nouveau, a déclaré le champ litigieux propriété du sieur Z B en ordonnant le déguerpissement du sieur X A des lieux;
Attendu que Maître Karimou Hamani, avocat à la cour, conseil constitué pour les intérêts du sieur X A a produit un mémoire à l'appui de son pourvoi;
Attendu que le sieur Z B a également produit un mémoire en défense par l'organe de Me Alidou Adam,avocat constitué pour la défense de ses intérêts;
Attendu que chacun des mémoires a été notifié à l'autre partie;
Vu la loi n°2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les pièces du dossier;
Vu les conclusions de Monsieur le Procureur Général;
SUR LA RECEVABILITE
Attendu que dans son mémoire en défense, le sieur Z B soulève in limine litis l'exception d'irrecevabilité de la requête de pourvoi introduite par le sieur X A pour violation de l'article 34 de la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême en omettant de préciser la profession et le domicile des parties au procès;
Mais attendu qu'il est de jurisprudence constante que l'omission de certaines mentions énumérées à l'article 34 de la loi sur la Cour Suprême notamment la profession et les domiciles des parties, n'entraîne pas automatiquement l'irrecevabilité du pourvoi, dès lors que l'examen du dossier conduit à l'identification des parties; que d'ailleurs dans le cas d'espèce les parties sont assistées ou représentées par des avocats auprès desquels elles ont élu domicile; qu'ainsi, elles sont suffisamment identifiées dans les mémoires;
Attendu que le pourvoi a été introduit dans les forme et délai prévus par la loi; qu'il échet par conséquent, de le déclarer recevable en la forme;
AU FOND
Attendu que le demandeur soulève trois (3) moyens de cassation à l'appui de son pourvoi:
.Violation de la loi, défaut de motifs et manque de base légale;
.Violation des règles coutumières relatives au partage successoral en ce que le juge d'appel, en rappelant ces règles, ne les a pas correctement appliquées au cas d'espèce;
.Violation de la loi sur la propriété;
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi, défaut de motifs
et manque de base légale
Attendu que le requérant fait grief au jugement déféré à la censure de la Cour de céans d'avoir affirmé que «le partage a été effectué entre les héritiers de Ab le 5/01/1954 sans qu'aucune part ne soit attribuée à A au motif qu'il a vendu des champs» alors que ce «motif» ne figure nulle part au procès-verbal de conciliation du 5/01/1954 auquel A, père du demandeur au pourvoi n'avait pas participé;
Attendu que le juge d'appel a relevé «qu'il ressort des pièces de la procédure et des débats à l'audience que pendant l'époque coloniale, A père de X, en l'absence de ses deux frères, avait vendu presque tous les champs leur appartenant en commun; qu'à leur retour, les deux frères de A le traduisirent en justice pour ces faits; qu'il fut arrêté et le reste des champs partagés entre ces deux frères suivant procès-verbal en date du 5 janvier 1954»;
Attendu que X A reconnaît les faits; qu'ainsi le juge, après avoir constaté que le Tribunal du Premier Degré de Niamey a opéré le partage entre les héritiers suivant procès-verbal du 5 janvier 1954 en faisant application à la cause de la règle coutumière applicable en la matière à l'issue de laquelle aucune part n'a pu être attribuée à A au motif que celui-ci a vendu des champs, déclare que, à l'époque, A lui-même n'ayant pas contesté ce partage «son fils X est mal fondé aujourd'hui pour demander le partage à nouveau de l'ensemble des champs de Ab et Ac»;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède que le juge a bien motivé sa décision qui repose sur le procès-verbal datant de plus de 44 ans et qui n'a jamais été contesté auparavant; que ce premier moyen étant mal fondé, il échet de le rejeter;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation des règles coutumières relatives au partage successoral en ce que le juge d'appel, en rappelant ces règles, ne les a pas correctement appliquées au cas d'espèce
Attendu que la coutume djerma des parties applicable au cas d'espèce stipule que «l'héritier qui a vendu des biens indivis, verra sa part, au jour du partage, réduite à concurrence de la portion restante de sa part s'il y a eu reste, et au contraire, il ne peut rien lui être attribué»;
Attendu qu'il y a lieu de faire remarquer que l'application de la coutume a été déjà opérée par le Tribunal du 1er Degré en 1954 qui a procédé au partage des champs restant dans l'indivision après déduction de ceux distraits par A; que dès lors, il n'y a plus de calcul mathématique à faire que de consolider une décision déjà prise une quarantaine d'années antérieurement; qu'il s'ensuit que ce moyen est mal fondé et qu'il échet de le rejeter;
Sur le troisième moyen tiré de la violation de la loi en ce que le juge d'appel a ordonné le déguerpissement d'un héritier occupant un terrain indivis alors qu'il est de jurisprudence qu'on expulse que l'occupant sans droit ni tire
Attendu que la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue;
Attendu que le droit de propriété sur le champ litigieux a été déterminé et fixé depuis le 5 janvier 1954 par le Tribunal du Premier Degré de Niamey et reconnu tel par le jugement querellé;
Attendu que c'est à bon droit que Z B reconnu judiciairement propriétaire du champ litigieux a sollicité et obtenu le déguerpissement de X A des lieux; que dès lors ce moyen doit être rejeté comme étant mal fondé;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de X A recevable;
Rejette ledit pourvoi;
Dit qu'il n'y a pas lieu aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-139
Du 11 mai 2006
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR :
X A
Me Karimou Hamani
Y C
Z B
Me Alidou Adam
PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Adamou Amadou ; Albachir Nouhou Diallo
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Mahamadou Aminou Aouta
Ministère Public
Me Illiassou Amadou
Greffier
RAPPORTEUR
Albachir Nouhou Diallo