REPUBLIQUE DU NIGER
-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi dix huit mai deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ag Ae, vacataire à l'ENA de Ah, assistée de la SCPA Yankori et Associés, avocats associés à la Cour ;
D'une part
ET :
Aa Ai Aa, Enseignant chercheur à la Faculté des Sciences Economiques et Juridiques de l'Université Ad Ac de Ah, assisté de la SCPA Nanzir-Chaibou, Avocats associés ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Ghousmane Abdourahamane, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe du Tribunal Régional de Ah en date du 23-06-2005, par Ag Ae, vacataire à l'ENA de Ah assistée de la SCPA Yankori et associés, avocats associés à la Cour contre le jugement n° 41 du 3-06-2005 dudit Tribunal rendu en ces termes:
-En la forme, déclaré recevable l'appel de Ai Aa;
-Au fond, infirme le jugement attaqué pour violation de la loi;
Statuant à nouveau
-Reçoit en la forme la requête de Ai Aa;
-Confie la garde des enfants Af et Hadiza à leur père Ai Aa;
-Fixe le droit de visite et d'hébergement de la mère à un week end sur deux, et à la moitié des vacances scolaires;
Vu la loi n° 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la loi n° 2004-50 du 22 juillet 2004;
Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai de la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Attendu que la demanderesse au pourvoi par la voix de son conseil soulève trois (3) moyens de cassation;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi n° 2004-50 du 22-07-2004 en ce que le jugement entrepris a fait une fausse interprétation et mauvaise application de la coutume;
Attendu que la demanderesse au pourvoi expose qu'elle est touarègue et qu'en application de sa coutume, applicable en l'espèce, la garde des enfants lui revient, à défaut à l'oncle maternel. Que s'appuyant sur la loi islamique, elle précise que celle-ci dispose que: «le droit de garde appartient à la mère, après répudiation et dure jusqu'à ce que le garçon ait des pollutions nocturnes et pour les filles jusqu'au mariage. ce droit de garde passe après la mère, quand celle-ci meurt ou se remarie, à la grand-mère, puis à la tante maternelle»;
Attendu que pour sa part, Ai Aa Aa, soutient que le juge d'appel a fait une saine application de la coutume touarègue; qu'il explique que contrairement à la démonstration faite par la dame Ag Ae, la garde des enfants n'est confiée à la mère que lorsque les enfants sont âgés de moins de sept (7) ans. Qu'au-delà de cet âge, le père peut les reprendre. Qu'il indique que même si la coutume touarègue telle qu'exposée par la dame Ag Ae existe, elle ne saurait s'appliquer au cas d'espèce puisque contraire aux conventions internationales ratifiées par le Niger et surtout à l'intérêt des enfants;
Mais attendu qu'en déclarant que la garde des enfants revient à la mère puis passe à l'oncle maternel, la dame Ag Ae ne précise pas à partir de quel âge;
Attendu que la loi islamique sur laquelle s'appuie la demanderesse au pourvoi dit que les enfants appartiennent au père et prévoit qu'en cas de divorce ils restent avec leur mère jusqu'à l'âge de raison qui varie suivant les rites: que pour le rite malékite auquel semble se référer la dame Ag Ae, il dure jusqu'à ce que «le garçon ait des pollutions nocturnes»; que pour les autres rites (Hanafites, Hambalites.) il correspond à la chute des dents de lait, c'est-à-dire sept (7) ans;
Attendu que par ailleurs, l'application d'une coutume implique sa conformité à l'ordre public et, si nécessaire, compte tenu du caractère fondamentalement évolutif de toute norme coutumière, s'adapter à l'évolution générale du pays. Qu'ainsi, toute coutume qui n'est pas conforme aux conventions internationales régulièrement ratifiées doit être écartée; qu'en tout état de cause, il doit être tenu compte de l'intérêt des enfants; que cet intérêt a été édicté dans des conventions internationales régulièrement ratifiées par le Niger;
Attendu en l'espèce que le juge d'appel a suffisamment motivé le principe de sa décision sur l'intérêt des enfants en cause; qu'il s'ensuit que ce premier moyen doit être rejeté;
Sur le deuxième moyen pris du défaut de motifs, d'omission de statuer sur un chef de demande en ce que le jugement attaqué ne s'est pas prononcé sur la garde des enfants occultant de ce fait la demande en remboursement faite par dame Ag Ae;
Sur la première branche en ce que le tribunal a statué sur la garde des enfants sans déterminer le droit de visite et d'hébergement des enfants par leur mère;
Attendu que contrairement aux prétentions de la dame Ag Ae le juge d'appel a bien déterminé le droit de visite et d'hébergement des enfants par leur mère en écrivant dans le dispositif de sa décision: «fixe le droit de visite et d'hébergement de la mère à un week end sur deux, et à la moitié des vacances scolaires». Qu'il s'ensuit que la 1ère branche du moyen est mal fondée;
Sur la deuxième branche prise de l'omission de statuer sur les arriérés de pension alimentaire et les frais médicaux;
Attendu que la demanderesse au pourvoi reproche au juge d'appel de ne s'être prononcé que sur la garde des enfants occultant sa demande en remboursement des sommes de 150000 francs à titre de pension alimentaire et 43060 francs à titre des frais médicaux;
Attendu que pour statuer sur l'entier litige, le juge d'appel doit annuler le jugement qui lui est déféré. Or en l'espèce, il a infirmé celui-ci pour trancher le point litigieux portant sur la garde des enfants; qu'il s'ensuit que le moyen doit être rejeté;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi recevable;
Rejette ledit pourvoi;
Dit qu'il n'y a pas lieu aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-142/C
Du 18 mai 2006
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR :
Ag Ae
C Ab et Associés
B :
Aa Ai Aa
C A
X :
Dillé Rabo
Président
Nouhou Diallo Mahamadou Albachir ; Ghousmane Abdourahamane
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Abdou Aouta Aminou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier
RAPPORTEUR
Ghousmane Abdourahamane