REPUBLIQUE DU NIGER
-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du jeudi dix huit mai deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Elh Ac Ab, directeur général de l'agence de voyage Nassaradine BP 274 Niamey , assisté de Maître Mahaman Moussa, avocat à la Cour ;
D'une part
ET :
Elh Ad Aa, directeur général de l'agence Alhérie, représentant la compagnie aérienne AIR UNIVERSAL BP 2808 Niamey, assisté de Maître Omar Kondo, avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Nouhou Diallo Mahamadou Albachir , conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi régulièrement formé suivant requête écrite en date du 06 avril 2005 de Maître Mahaman Moussa, avocat au cabinet Lebihan, conseil constitué pour les intérêts de Elh Ac Ab, contre l'arrêt n° 271 du 20 décembre 2004 de la Cour d'appel de Niamey qui a confirmé le jugement civil n° 238 du 24 septembre 2003 du Tribunal de Niamey qui a:
Reçu la requête de Elh Ad Aa;
Condamné Elh Ac Ab à verser à Elh Ad Aa la somme in globo de 17676500 francs;
Ordonné l'exécution provisoire de la décision;
Vu les dispositions du Code Civil;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la requête afin de pourvoi;
Vu les mémoires produits par les parties;
Vu les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Attendu que la requête aux fins de pourvoi introduite le 6 avril 2005 contre l'arrêt signifié le 17 mars 2005 à Elh Ac Ab qui a, à son tour signifié sa requête à Elh Ad Aa le 3 mai 2005;
Qu'intervenu dans ces conditions, le pourvoi de Elh Ac Ab doit être déclaré recevable;
Attendu par contre que la requête additive introduite par Maître Zékaria et reçue à la Cour le 1er juillet 2005, doit être déclarée tardive et par conséquent irrecevable et doit être écartée de l'examen de la Cour;
AU FOND
Attendu que le demandeur au pourvoi invoque trois moyens:
Violation de l'article 3 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 pour non respect du principe du contradictoire;
Violation de l'article 1134 du Code Civil;
Violation des articles 1134 et 1147 du Code Civil;
Attendu en effet qu'il est fait grief à l'arrêt déféré à la censure de la Cour de céans d'avoir méconnu le principe du contradictoire en statuant sur la base d'une pièce non communiquée à la partie adverse et d'avoir violé la loi des parties notamment l'article 1134 du Code Civil et corrélativement l'article 1147 du Code Civil et d'avoir condamné Elh Ac Ab à verser à Elh Ad Aa une somme due;
Attendu que dans le mémoire en défense et celui additif présentés par Elh Ad Aa, celui-ci demande le rejet pur et simple du pourvoi aux motifs que non seulement Elh Ad Aa a scrupuleusement rempli ses obligations contractuelles à l'égard de son partenaire, mais aussi que le juge d'appel a fait une saine application de la loi;
Attendu que les moyens développés peuvent être réunis en 2 groupes:
A/Du premier moyen de cassation tiréde la violation de l'article 3 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 remplacée par l'article 3 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger;
Attendu que le requérant soutient que l'arrêt querellé a violé l'article 3 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 remplacée par l'article 3 de la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation et la compétence des juridictions de la République du Niger;
Attendu que ledit article 3 dispose que «en toute matière, nul ne peut être jugé sans être en mesure de présenter ses moyens de défense»; qu'il s'agit là du principe du contradictoire qui veut que toute pièce soit discutée contradictoirement; qu'or Elh Ac Ab reproche à son adversaire la non communication du «rapport de la mission du Hadj 2003» versé dans son dossier d'appel; qu'il soutient que cette pièce qu'il a méconnue a été déterminante dans la prise de la décision de la Cour d'appel;
Attendu que Elh Ad Aa rétorque que ladite pièce a été communiquée depuis la première instance et qu'il l'a en toute honnêteté invoquée dans ses conclusions en appel préalablement communiquées au conseil de Elh Ac Ab;
Mais attendu que l'analyse des pièces du dossier fait ressortir que ce «rapport de mission» n'a pas du tout été mentionné par les conclusions en appel du conseil de Elh Ad Aa non datées; que seules les notes en cours de délibéré en date du 14 octobre 2004 l'ont simplement cité; qu'ainsi, il n'apparaît nulle part que cette pièce a été contradictoirement discutée; que pourtant à la lecture dudit rapport, on constate que ce document relève les responsabilités de part et d'autre dans la survenance des difficultés rencontrées dans le cours du Hadj 2003; que cependant l'arrêt querellé a exploité dans un seul sens;
Que de ce qui précède, il y a lieu de déclarer ce premier moyen fondé;
B/Sur le deuxième moyen pris de la violation de la loi, considérée dans les dispositions des articles 1134 et 1147 du Code Civil;
Attendu que l'article 1134 du Code Civil dispose: «les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites; elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel pour les causes que la loi autorise; elles doivent être exécutées de bonne foi»;
Attendu que l'article 1147 du Code Civil dispose: «le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part»;
Attendu que la question qui se pose ici est de savoir si, au vu des éléments de fait dont ils disposaient, les juges du fond ont correctement résolu le problème juridique qui en découlait, et, notamment, s'ils ont fait une application correcte des articles 1134 et 1147 du Code Civil;
Attendu qu'en application de l'article 1134 du Code Civil, le contrat signé entre les parties le 24 janvier 2003 doit être exécuté dans toutes ses lettres et de bonne foi;
Attendu que le vol retour prévu initialement le 15 février a été maintenu à cette même date malgré les «désagréments notables» relevés par le rapport du Hadj 2003 dus par le retard «même léger» (en l'espèce 5 jours) accusé pour le vol aller et qui a fait qu'à l'arrivée en terre Saoudienne, la route de Médine était déjà fermée;
Attendu que les pèlerins dont le but ultime est d'accomplir tous les rites du Hadj (aussi bien les «farilahs» que la «sounna») ont souhaité un report du vol retour en tenant compte du retard accusé à l'aller afin de terminer leur pèlerinage parce que, pour leur écrasante majorité, c'est l'unique occasion de leur vie; que cela n'a pas reçu d'échos favorable; et que c'est ainsi que les pélerins de «Nassaradine» n'ont pu embarquer dans l'avion de la compagnie «AIR UNIVERSAL» du 15 février qui devait assurer leur retour;
Attendu que Elh Ad Aa, représentant de la compagnie aérienne «AIR UNIVERSAL» réclame conformément aux termes de leur contrat paiement de la somme prévue; que Elh Ac Ab se refuse au motif que le premier n'a pas exécuté son obligation, à savoir le transport retour de ses pèlerins (et nonl'affrètement de l'avion), car il s'agit d'une obligation de résultat, celle de ramener les pèlerins à Ae sains et saufs;
Attendu que si la créance de Elh Ad Aa trouve son fondement dans le contrat du 24 janvier 2003, encore faut-il que ce contrat ait été exécuté de bonne foi comme l'exige la loi;
Attendu que les retards accusés sont liés non pas à des causes étrangères à la compagnie aérienne, mais plutôt liées à elle-même du fait du non paiement par elle des taxes d'aéroport aussi bien au Soudan qu'en Arabie Saoudite comme l'atteste le rapport du Hadj 2003 en ses pages 7 et 8;
Attendu que l'application de l'article 1147 du Code Civil est la conséquence du non respect de l'article 1134 du Code Civil; qu'Elh Ad Aa n'ayant pas exécuté son obligation de ramener les pèlerins de «Nassaradine», il ne saurait non seulement pas exiger le paiement des frais de transport prévus à cet effet, mais il devrait supporter toutes les dépenses que pourrait engendrer cette inexécution comme la partie requérante en a fait la preuve; qu'il s'ensuit que ce moyen est fondé;
Attendu en conséquence qu'il y a lieu de casser l'arrêt attaqué et de renvoyer la cause et les parties devant la Cour d'appel de Niamey autrement composée pour y être statué ce que de droit;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de Elh Ac Ab recevable;
Déclare la requête additive de Maître Zekaria irrecevable;
Casse et annule l'arrêt n° 271 du 20-12-2004 de la Cour d'appel de Niamey;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée pour y être jugées conformément à la loi;
Condamne Ad Aa aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-145/C
Du 18 mai 2006
MATIERE : Civile
DEMANDEUR :
Elh Ac Ab
Me Mahaman Moussa
A :
Elh Ad Aa
Me Omar Kondo
PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Issaka Dan Déla ; Nouhou Diallo Mahamadou Albachir
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier
RAPPORTEUR
Nouhou Diallo Mahamadou Albachir