REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi vingt cinq mai deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Z B X, détenu s/c du régisseur de la prison civile de Zinder, assisté de Maître Moussa Kochi Maina avocat au cabinet Manou Kimba, Avocat à la Cour, et 5 autres ;
D'une part
ET :
MINISTERE PUBLIC
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe de la Cour d'Appel de Zinder le 16 juin 2005 par Z B X contre l'arrêt n°007 du 15 juin 2005 de la Cour d'Assises de Zinder qui a condamné:
Z B X à l'emprisonnement à vie pour meurtre, vol de nuit en réunion de numéraires dans des véhicules de transport public, port illégal d'armes à feu, association de malfaiteurs;
Ac Aa dit Binguel à cinq (5) ans d'emprisonnement pour détention illégale d'arme à feu et de munitions, association de malfaiteurs;
Ag Ai Ah et Ae X Ae Ac à deux (2) ans d'emprisonnement chacun pour association de malfaiteurs;
La Cour a en outre relaxé Ab Al pour cause d'immunité légale par application des dispositions de l'article 206 al.2 du code pénal;
SUR LA RECEVABILITE
Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Attendu que Z B X a fait déposer par son conseil Maître Moussa Kochi, avocat à la cour, un mémoire ampliatif dans lequel il soulève quatre (4) moyens de cassation:
Sur le premier moyen pris de la violation de l'article 278 du code de procédure pénale, en ce que ni lui-même, ni son conseil n'étaient présents lors du tirage au sort des jurés du 31 mai 2005, alors que le texte susvisé fait de leur présence une obligation;
Attendu que l'article 278 visé au moyen dispose que «le tirage au sort a lieu en audience publique, en présence du ministère public, des accusés et de leurs défenseurs et des interprètes. La présence des parties civiles régulièrement constituées ou de leurs conseils n'est pas obligatoire»; qu'il ressort de ce texte que la présence de l'accusé et de son conseil est obligatoire pour l'opération de tirage au sort;
Attendu qu'il résulte des pièces du dossier que le tirage au sort des jurés pour la session de la Cour d'Assises de Zinder ouverte le 15 juin 2005, a effectivement eu lieu le 31 mai 2005; qu'à cette date, l'accusé Z B X était détenu à Aj YAdA et n'avait été transféré à Zinder (siège de la Cour) que le 2 juin 2005, soit après le tirage au sort, alors que l'article 257 du code de procédure pénale fait obligation, dès que l'arrêt de renvoi est rendu, de transférer l'accusé détenu dans l'établissement pénitentiaire où se tiendront les assises;
Attendu que les dispositions de l'article 278 du code de procédure pénale, en ce qu'elles rendent obligatoire la présence de l'accusé lors du tirage au sort des jurés, contrairement à la partie civile, sont d'ordre public (Crim. 23-12- 1955, B.608; Arrêt du 4/5/1972, BPACS N°7); qu'en outre, les principes généraux qui concernent et régissent en matière criminelle l'exercice du droit de la défense suffisent à établir que la présence de l'accusé et de son défenseur lors du tirage des assesseurs est une condition absolue de la validité de cette opération (Cass. Arrêt du 5/8/1972 Penant Janvier 1953, P.14);
Attendu qu'il ne résulte pas du procès-verbal du 31 mai 2005 que Z B X ait assisté au tirage au sort; que du fait de cette absence involontaire, il n'a pu exercer son droit de récusation;
Attendu que relativement à la présence du conseil de l'accusé à l'opération de tirage au sort, l'article 278 susvisé prescrit les mêmes obligations; que cependant, dans le cas d'espèce, l'accusé n'a fait choix de son conseil que le 3 juin 2005 au cours de l'interrogatoire préalable, c'est-à-dire après le tirage au sort; qu'ainsi la constitution en cours d'information dont tente de se prévaloir Me Moussa Kochi pour dire qu'il n'a même pas été averti de la date du tirage au sort ne peut être utilement invoquée pour la phase des assises, l'article 262 du Code de procédure pénale disposant que «l'accusé (au cours de l'interrogatoire préalable) est ensuite invité à choisir un conseil pour l'assister dans sa défense, et qu'à défaut, le président ou son remplaçant lui en désigne un d'office»; qu'en conséquence du choix tardif du conseil, les prescriptions de l'article 278 du code de procédure pénale ne pouvaient être respectées en ce qui le concerne;
Attendu que de ce qui précède, il s'ensuit que le moyen doit être accueilli, mais seulement en ce qu'il a été procédé au tirage au sort des jurés hors la présence de l'accus» Z B X;
Sur le deuxième moyen pris de la violation de l'article 269 du code de procédure pénale, en ce que la liste des jurés devrait être notifiée à chaque accusé au plus tard l'avant-veille du tirage au sort;
Attendu que le demandeur reproche en particulier au président de la Cour d'Assises de ne lui avoir pas notifié la liste des jurés afin de lui permettre d'exercer son droit de récusation; que cependant, il importe de relever que la notification de la liste des jurés aux accusés est, conformément aux dispositions des articles 255 et 269 du code de procédure pénale, une prérogative du ministère public et non du présent des Assises;
Attendu que l'article 269 du code de procédure pénale dont la violation est invoquée dispose que «la liste des jurés, telle qu'elle a été arrêtée conformément aux prescriptions de l'article 254, est notifiée à chaque accusé au plus tard l'avant-veille du tirage au sort»;
Attendu que la notification de la liste des jurés, en tant qu'acte obligatoire, est une formalité substantielle qui intéresse les droits de la défense, puisqu'elle a pour but de faciliter le droit de récusation de l'accusé prévu à l'article 281 du code de procédure pénale; qu'elle doit par conséquent intervenir conformément aux prescriptions de l'article 269 du code de procédure pénale, à savoir au plus tard l'avant-veille du tirage au sort sous peine de cassation (Arrêt n°83-6/P du 15-3-1983, BPACE N°15 à 18 P.131 et 132);
Attendu qu'en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Z B X ait été convoqué pour l'opération du tirage au sort du 31 mai 2005; qu'il en résulte seulement que la liste des jurés lui a été notifiée le 3 juin 2005, formalité à l'occasion de laquelle il a déclaré «renoncer à tout délai et qu'il désire être juge pendant la session»;
Attendu toutefois que la nullité résultant de l'inobservation du délai ne peut être couverte par l'adhésion de l'accusé (Crim.6-6-1890, DP 1890, 1, 492; 30-01-1892, ibid.1892, 1, 495); qu'il s'ensuit que la notification tardive de la liste des jurés à l'accusé Z B X n'a pu suppléer les dispositions d'ordre public de l'article 269 du code de procédure pénale qui imposent qu'il y soit procédé au plus tard de l'avant-veille du tirage au sort; qu'en conséquence le moyen doit être accueilli comme étant fondé;
Sur le troisième moyen pris de la violation de l'article 260 alinéa 3 du Code de procédure pénale, en ce que l'interrogatoire du 3 juin2005 est irrégulier, du fait qu'il n'a pas été fait appel à un interprète pour lui traduire les dispositions du code procédure pénale car il ne comprend ni ne parle la langue française;
Attendu qu'il convient de relever que ce moyen comporte une erreur relativement à l'alinéa visé; qu'en effet, le demandeur a sans doute voulu viser dans son mémoire l'alinéa 4 du même article, lequel impose la désignation d'un interprète pour interroger l'accusé avant l'ouverture de la session, lorsque celui-ci ne parle pas ou ne comprend pas la langue française;
Attendu qu'il a été procédé à l'interrogatoire préalable de l'accuse Z B X le 3 juin 2005 sans qu'aucune mention ne soit portée relative à l'interprète, alors qu'il est établi par les pièces de la procédure notamment le procès-verbal d'enquête préliminaire (E35) et celui d'interrogatoire au fond à l'occasion duquel un interprète a été désigné, que ledit accusé ne parle pas et ne comprend pas la langue française et qu'il ne pouvait par conséquent faire aucune déclaration, ni donner aucune signature sans l'assistance d'un interprète apte à lui indiquer le sens et la portée de ces formalités; que les dispositions de l'article 260 al.4 du code de procédure pénale, en tant qu'acte obligatoire, sont d'ordre public et doivent être observées sous peine de cassation; qu'en conséquence, il y a lieu d'accueillir le moyen comme étant fondé;
Sur le quatrième moyen pris de la violation de l'article 357 du code de procédure pénale, en ce que la condamnation de Ari Aa C Ak Af ne figure pas dans le dispositif de l'arrêt du 15 juin 2005 et qu'aucune précision de sa condamnation sans l'assistance des jurés n'est mentionnée;
Attendu qu'il résulte de l'examen de l'arrêt du 15 juin 2005 que Ari Aa C Ak Af a été jugé par défaut au cours de la session; qu'aux termes de l'article 361 du code de procédure pénale «le recours en cassation contre les arrêts de défaut rendus par la Cour d'Assises n'est ouvert qu'au Procureur Général et à la partie civile en ce qui la regarde»;
Attendu qu'en l'espèce, Z B X, co-assusé de Ari Aa, n'est donc pas une des personnes que la loi qualifie pour exercer un tel recours; qu'il s'ensuit que le moyen n'est donc pas recevable;
Sur le premier moyen à relever d'office, pris de la violation de l'article 357 alinéa 2 du code de procédure pénale
Attendu qu'aux termes du texte susvisé qui traite des procédures par défaut «la Cour d'Assises se prononce sur pièces sans l'assistance des jurés et ne peut, en cas de condamnation, accorder le bénéfice de circonstances atténuantes»;
Attendu qu'il ressort de la feuille des questions que la Cour d'Assises a statué sur le cas de l'accusé Ari Aa C Ak Af, qui a fait défaut, avec l'assistance des jurés, les votes ayant eu lieu à la majorité; qu'il y a ainsi violation de l'article 357 al.2 visé au moyen, et l'arrêt encourt cassation;
Sur le deuxième moyen à relever d'office tiré de la violation de l'article 265 alinéa 1 du code de procédure pénale
Attendu que le texte susvisé dispose que «les débats ne peuvent s'ouvrir moins de quinze jours après l'interrogatoire par le président de la Cour d'Assises. L'accusé et son conseil peuvent renoncer à ce délai»;
Attendu que l'accusé Z B X a été interrogé par le président de la Cour d'Assises (acte préparatoire obligatoire) le 3 juin 2005, soit moins de quinze jours avant l'ouverture des débats (15 juin2005), sans que le procès-verbal des débats ait fait mention de sa renonciation à se prévaloir du délai prévu à l'article visé au moyen; que de ce fait, l'arrêt encourt également cassation;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de Z B X et 5 autres recevable;
Casse et annule l'Arrêt n°07 du 15 juin 2005 de la Cour d'Assises de Zinder;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée;
Met les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-152
Du 25 mai 2006
MATIERE : Pénale
DEMANDEUR :
Z B X
Me Moussa Kochi Maina avocat au cabinet Manou Kimba
AG :
MINISTERE PUBLIC
PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Hassane Hodi ; Moussa Idé
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Illiassou Amadou
Greffier
RAPPORTEUR
Hassane Hodi