REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du jeudi treize juillet deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Société Béninoise de Représentation CB) ayant son siège social à Ag (République du Bénin), représentée par son Directeur Général , assistée de Maître Marc Lebihan, avocat à la Cour ;
D'une part
ET :
Ac Ab, Directeur Général des Etablissements Négoce Général à Ae A 12 162 ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Dillé Rabo, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur la requête en date du 5 mai 1998, enregistrée au greffe de la Cour le même jour sous le n° 449, par laquelle la Société Béninoise de Représentation CB) ayant son siège social à Ag (République du Bénin), représentée par son Directeur Général et assistée de Maître Marc Le Bihan, avocat à la Cour, a formé pourvoi en cassation contre l'arrêt n° 88 en date du 27 février 1998 de la Cour d'appel de Ae qui a infirmé un jugement n° 145 du 19 mars 1997 du Tribunal de Commerce de Ae et condamné la B à payer à Ab Ac la somme de 43882150 francs représentant le reliquat de sa commission de courtage et confirmé ledit jugement du Tribunal de Commerce de Ae dans toutes ses autres dispositions;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la loi 63-18 du 22 février 1963;
Vu le Code de Procédure Commerciale;
Vu la requête de pourvoi et le mémoire en défense;
Vu les autres pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;
EN LA FORME
Attendu que la requête de pourvoi a été régulièrement introduite. Elle a été signifiée au défendeur dans le délai imparti en l'étude de Maître Cissé Ibrahim, domicile élu du défendeur; que le pourvoi est donc recevable en la forme;
Sur la procédure
Attendu que suivant exploit en date du 15 mai 1995, Monsieur Ac Ab, Directeur Général des Etablissements Négoce Général à Ae, assisté de Maître Alidou Adam, avocat à la Cour, a assigné la Société Béninoise de Représentation CB) ayant son siège social à Ag (République du Bénin) devant le Tribunal de Commerce de Ae à l'effet de voir celle-ci condamnée à lui payer la somme de 44882150 francs, au titre de reliquat de sa rémunération de courtage, avec intérêts de droit au taux légal à compter du 7 juillet 1993 ainsi que la somme de 5000000 francs de dommages-intérêts pour résistance abusive;
Attendu que par jugement n° 258 du 26 juillet 1995 rendu par défaut à l'égard de la B le Tribunal de Ae a dit que la B a confié un contrat de courtage à Ab Ac et l'a condamné à lui payer la somme de 44882150 francs;
Attendu que suivant exploit en date du 5 décembre 1995 la B a formé opposition contre ce jugement;
Que par jugement n° 145 du 15 mars 1997 le Tribunal de Ae a reconduit sa décision du 26 juillet 1995;
Attendu que sur appel de la B, la Cour d'appel de Ae a rendu le jugement dont opposition et s'est déclarée incompétente;
Attendu que suite à l'opposition formé par Ab Ac contre cet arrêt la Cour d'appel a infirmé le jugement n° 145 du 19 mars 1997 du Tribunal de Ae, en ce qui concerne le quantum de la condamnation et condamné la B à payer à Ab Ac la somme de 43882150 francs représentant le reliquat de sa commission de courtage et confirmé ledit jugement dans toutes ses autres dispositions;
Que c'est contre cette décision que la B s'est pourvue en cassation. Elle présente trois moyens à l'appui de son pourvoi;
AU FOND
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 9 de la loi n° 63-18 du 22 février 1963, 1er alinéa 3 du décret du 8 janvier 1903 et 70 du Code de Procédure Civile, en ce que la Cour d'appel a déclaré l'opposition de Ab Ac régulière en la forme alors que les dispositions légales applicables en la matière ont été manifestement violées;
Attendu que la demanderesse relève que les règles régissant les délais d'ajournement en matière civile et celles relatives au droit de la défense n'ont pas été respectées;
Sur les délais d'ajournement
Attendu que selon la demanderesse qui cite l'article 9 de la loi n° 63-18 du 22 février 1963 le délai entre la convocation et la comparution est de 60 jours si la partie convoquée demeure en Afrique ou en France. Or l'exploit délaissé au parquet de Ae est du 5 novembre 1997 pour une audience devant la Cour d'appel de Ae fixée au 26 décembre 1997 soit un délai de 52 jours;
Attendu que Monsieur Ab Ac rétorque que l'huissier instrumentaire a été obligé de servir son exploit à parquet, le conseil de la B l'ayant gardé par dévers lui sans réagir pendant une semaine. De même Maître Alfred Pognon, conseil de la B, avocat à la Cour à Ag a élu domicile en l'étude de Maître Marc Le Bihan, c'est en cette étude que tous les actes de la procédure concernant sa cliente doivent être servis;
Que la Société B ayant un représentant au Niger en la personne d'un certain Ad Af, la théorie «des gares principales» permet au défendeur de délaisser l'exploit d'opposition au parquet d'instance de Ae;
Attendu qu'il est à noter de prime abord que le défendeur n'apporte pas la preuve de l'existence au Niger d'une succursale de la B, ni a fortiori celle de son représentant le sieur Ad Af;
Attendu qu'aux termes de l'article 9 de la loi n° 63-18 du 22 février 1963 fixant les règles de procédure à suivre devant les justices de paix statuant en matière civile et commerciale: «il y aura, entre le jour de la remise de la convocation et celui fixé pour la comparution, un délai qui sera de huit jours au moins, si la partie demeure dans la ville où siège la juridiction;
Ce délai est porté à 15 jours si elle demeure dans la circonscription administrative où siège le tribunal, à 30 jours si elle demeure dans une circonscription administrative limitrophe et à 45 jours si elle demeure en tout autre lieu du territoire de la République;
Si la partie convoquée demeure hors du territoire le délai est porté:
a) à 60 jours si elle demeure en Afrique ou en France;
b) à 90 jours si elle demeure en tout autre pays du monde»;
Attendu que de même l'article 4 du décret n° 60-176/MJ du 24 août 1960 fixant les délais d'ajournement en matière civile et commerciale stipule: «si les délais d'ajournement n'ont pas été observés, les règles suivantes sont appliquées:
1) dans le cas où la partie assignée ne se présente pas, l'exploit doit être jugé nul;
2) dans le cas où la partie assignée se présente, l'exploit n'est pas nul, mais le tribunal doit, si le défendeur le requiert, ordonner le renvoi à une audience ultérieure. Cette demande doit être présentée avant toute défense au fond»;
Attendu qu'à l'audience de la Cour d'appel du 26 décembre 1997 à laquelle l'affaire a été enrôlée pour la première fois suite à l'opposition du sieur Ab Ac, Maître Souleymane Yankori, collaborateur de Maître Marc Le Bihan, conseil de la B, n'a ni soulevé la nullité de l'exploit tiré de son mode de transmission et des délais d'ajournement, ni demandé le renvoi de l'affaire à une audience ultérieure. Il a plaidé au fond et demandé à ce que les demandes de Ab Ac soient déclarées sans fondement (Cf. Relevé notes d'audience);
Que dès lors le moyen tiré de la violation de l'article 9 de la loi n° 63-18 du 22 février 1963 et de l'article 1er alinéa 3 du décret du 8 janvier 1903 ne saurait donc être retenu;
Sur la violation des droits de la défense;
Attendu que la demanderesse fait valoir que l'inobservation des dispositions relatives aux délais d'ajournement porte atteinte aux intérêts de la défense; qu'il résulte de ce qui vient d'être exposé que cette question est résolue du fait de l'acceptation de la B de plaider au fond;
Attendu quant à la demande de réouverture des débats présentée par le conseil de la B par télégramme depuis Ag, la Cour d'appel l'a rejetée estimant non seulement que le délibéré a même été prorogé pour permettre à la B de verser des notes en cours de délibéré et qu'elle ne l'a pas fait mais encore, usant de son pouvoir d'appréciation, elle a estimé qu'elle était suffisamment éclairée grâce aux conclusions antérieures produites par les parties. Que ce moyen tiré de la violation des droits de la défense doit également être rejeté;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 420 du Code de Procédure Commerciale, mauvaise application de la loi, violation de l'article 38 de la Convention Générale de Coopération en matière de Justice du 12 septembre 1961;
Sur la première branche du moyen;
Attendu le requérant allègue que l'article 420 du Code de Commerce a été violé en ce que les dispositions de cet article ne sont pas applicables lorsque l'existence ou la validité du marché est sérieusement contestée, le défendeur, lui soutient au contraire qu'il n'y a pas une contestation sérieuse de la validité du marché puisque B avait déjà commencé à payer à Ab Ac;
Attendu que l'article 420 du Code de Commerce en question dispose: «la demanderesse pourra assigner à son choix;
Devant le tribunal du domicile du défendeur;
Devant celui dans l'arrondissement duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée;
Devant celui de l'arrondissement duquel le paiement devrait être effectuée»;
Attendu qu'il apparaît à travers les pièces du dossier:
Les marchandises ont été livrées à Ae et le paiement a été effectué par la Balinex-Niamey;
Il n'y a pas une contestation sérieuse de la validité du marché puisque B a commercé à payer à Ab Ac ses commissions au moyen d'un chèque Ecobank-Bénin d'un montant de 400000 francs payable à Aa Ae, reconnaissant ainsi à Ab Ac sa qualité de courtier;
Qu'ainsi il en résulte qu'il s'agit là d'une application effective de l'article 420 en ses paragraphes 2 et 3 qui se rapportent à la livraison de la marchandise et au paiement, que par conséquent la Cour d'appel de Ae en se déclarant compétente a fait une bonne application de l'article 420 du Code de Commerce, que cette première branche du moyen ne saurait être retenue;
Sur la deuxième branche du moyen
Attendu que le requérant conteste à Ab Ac sa qualité de courtier, il prétend qu'il n'y a jamais eu de contrat de courtage entre eux, ce que conteste le défendeur;
Attendu qu'aux termes de l'article 497 du Code de Commerce: «le courtier est celui qui fait habituellement profession de mettre en rapport des personnes en vu de faciliter ou de faire aboutir la signature de convention, opérations ou transactions entre lesdites personnes»;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des correspondances échangées entre B et Ab Ac que ce dernier a bien joué le rôle de courtier entre B et un certain Mansour en vue de faciliter la vente de cigarettes, de plus en rémunération de ses services, B a bien établi un chèque de 400000 francs au profit de Ab Ac; que c'est donc à tord que B conteste à Ab Ac sa qualité de courtier, sinon à quoi correspond ce chèque si ce n'est la commission versée à Ab Ac en sa qualité de courtier, cette deuxième branche du moyen est aussi inopérante et ne saurait également être retenue;
Troisième moyen tiré de la violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi 62-11, défaut de motifs, manque de base légale;
Attendu que ce moyen de cassation est identique à la deuxième branche du deuxième moyen par lequel B conteste à Ab Ac sa qualité de courtier; or il vient d'être dit et démontré ci-haut que Ab Ac a bien la qualité de courtier conformément aux articles 497 et 498 du Code de Commerce, que par conséquent il n'est plus nécessaire d'examiner ce troisième moyen de cassation;
Attendu qu'au vu de tout ce qui précède, nous pensons qu'il n'y a pas lieu à cassation de l'arrêt attaqué;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de la Société B recevable;
Rejette ledit pourvoi;
Condamne la Société B aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-197/C
Du 13 juillet 2006
MATIERE : Civile
DEMANDEUR :
Société Béninoise de Représentation CB) ayant son siège social à Ag (République du Bénin)
Me Marc Lebihan
X :
Ac Ab
Y :
Dillé Rabo
Président
Issaka Dan Déla ; Nouhou Diallo Mahamadou Albachir
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier
RAPPORTEUR
Dillé Rabo