REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du jeudi neuf novembre deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
C A, revendeur domicilié à Malamville (Bénin), assisté de Maître Souleye Oumarou, Avocat à la Cour
D'une part
ET Z
Y B, revendeur domicilié à Malanville (Bénin), assisté de Maître Mounkaila Yayé, Avocat à la Cour
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Issaka Dan Déla, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par requête en date du 25 février 2002 enregistré au greffe de la Cour d'Appel de Niamey le 19 avril 2002, de Maître Soulèye OUMAROU avocat au barreau de Niamey, conseil constitué de C A, contre l'arrêt n° 273 en date du 26 octobre 2001 de la Cour d'Appel de Niamey statuant en matière civile et en dernier ressort qui a:
Reçu l'appel de Y B, régulier en la forme;
déféré le serment coranique à chacune des parties en ces termes:
* pour Y B: «je juge avoir livré les marchandises d'une valeur de 1197500 à C A que celui-ci n'a pas payés;
* pour C A: «je jure que Y B et moi avons mis en commun de l'argent aux fins d'achat de friperies; Y B reste me devoir au titre de ma part de bénéfice les sommes de 994906,3 F et 600000 francs.
désigne l'association islamique pour recueillir les serments et en dresser rapport;
Renvoie à l'audience du 23 Novembre 2001;
réserve les dépens;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la cour suprême;
Vu les articles 1315, 1341, 1347, 1357, 1358 et 1366 du code civil;
Vu la requête de pourvoi et les mémoires produits par les parties;
Vu les pièces du dossier;
Vu les conclusions de Monsieur le Procureur Général;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI EN CASSATION:
Attendu que le défendeur au pourvoi Y B assisté de Maître YAYE MOUNKAILA, avocat au barreau de Aa, conclut à la déchéance du demandeur au pourvoi pour non respect des dispositions de l'article 36 de la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la cour suprême;
Attendu qu'aux termes de l'article 36 de la loi susvisée, « à peine de déchéance le demandeur au pourvoi est tenu dans un délai d'un mois à compter du dépôt du pourvoi de signifier sa requête au défendeur par un acte extrajudiciaire contenant élection de domicile»;
Attendu que la requête de pourvoi a été signifiée avant l'expiration du délai d'un mois prévu par l'article 36 suscité; qu'il y a lieu de déclarer le pourvoi recevable;
AU FOND
Attendu que le demandeur au pourvoi soulève deux moyens de cassation à l'appui de sa requête;
Sur le premier moyen de cassation tiré de la violation des articles 1315, 1341 et 1358 du code civil, manque de base légale;
Attendu qu'il est reproché aux juges d'appel d'avoir fait recours au serment coranique devant les autorités religieuses pour un contrat civil de vente de marchandises pour une valeur de 1197500 f qui oppose Y B à son adversaire C A alors que les seuls cas où le serment est prêté devant les autorités religieuses sont:
Le serment du Président de la République et du Premier Ministre pour la Constitution du 9 août 1999;
le serment des membres de la Cour Constitutionnelle prévu par la loi du 11 août 2000;
les matières régies par la coutume devant les délégations judiciaires;
Attendu que C A soutient qu'en autorisant Y B à faire valoir comme moyen de preuve de sa créance, la prestation de serment décisoire prévu par l'article 1358 du code civil, mélange d'une formule coranique que la loi n'a pas prévu, les juges d'appel ont violé les dispositions des textes visés aux moyens;
Attendu que Y B soutient quant à lui que la formule de serment contestée a été ordonnée par la cour dans le souci d'une bonne administration de la justice; qu'en faisant appliquer pour asseoir leur décision le serment judiciaire prévu par les articles 1357 et suivants du code civil, les juges d'appel, loin de violer la loi en ont fait une juste application;
Attendu que la prestation de serment sur le coran devant les autorités religieuses pour régler un litige est un procédé qui n'est utilisé qu'en matière coutumière; qu'en faisant application des règles coutumières pour régler un litige régi par le code civil, notamment en déférant le serment coranique et en désignant l'Association Islamique pour le recueillir , les juge d'appel ont fait une mauvaise application de la loi et n'ont pas donné de base légale à leur décision; que l'arrêt attaqué encourt cassation de ce chef;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation des articles 1347, 1357 et 1366 du code civil;
Attendu qu'il est reproché aux juges d'appel d'avoir déféré le serment coranique aux deux parties nonobstant les auditions des témoins devant le premier juge alors que le juge ne peut déférer d'office le serment décisoire, dont la délation relève de la seule initiative des parties; que le juge ne peut déférer le serment au deux parties sans violer les dispositions des articles 1357 et 1366 du code civil; qu'en infirmant le jugement frappé d'appel , les serments déférés sont nécessairement des serments décisoires et ne peuvent s'assimiler à des mesures d'instruction;
Attendu que Y B soutient que la décision du premier juge a été rendue sur la base de l'audition des seuls témoins de son adversaire après le refus du juge de lui accorder un renvoie pour lui permettre de produire ses témoins; que les témoignages du commissaire et du juge de GAYA ont conduit le juge à infirmer la décision du premier juge et d'opter pour la formule du serment par application pure et simple de l'article 1366 du code civil parce que les éléments fournis par chacune des parties ne lui permettent pas de trancher convenablement le litige;
Attendu que l'article 1357 du code civil stipule que «le serment judiciaire est de deux espèces:
1°) celui qu'une partie défère à l'autre pour en faire dépendre le jugement de la cause; il est appelé décisoire;
2°) Celui qui est déféré d'office par le juge à l'une ou l'autre des parties»;
Attendu enfin que l'article 1366 de code civil stipule que le juge peut déférer à l'une des parties le serment, ou pour faire dépendre la décision de la cause, ou seulement pour déterminer le montant de la condamnation»;
Attendu que dans le cas d'espèce, il s'agit du serment déféré d'office par le juge pour en faire dépendre la décision de la cause;
Attendu qu'il résulte des articles 1357 et 1366 que le serment est déféré à l'une ou à l'autre des parties et non à toutes les parties à la fois ; qu'en statuant comme il l'a fait, le juge d'appel a vidé les textes susvisés; qu'il s'ensuit que la décision attaquée encourt cassation;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de C A recevable;
Casse et annule l'arrêt n°273 du 26-10-2001 de la cour d'appel de Niamey;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée;
Condamne le requérant aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-269/Civ
Du 9 novembre 2006
MATIERE : Civile
DEMANDEUR :
C A
Me Souleye Oumarou
X Z
Y B
Me Mounkaila Yayé
PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Issaka Dan Déla ; Abdourahamane Ghousmane
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Illiassou Amadou
Greffier
RAPPORTEUR
Issaka Dan Déla