REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires coutumières en son audience publique ordinaire du jeudi seize novembre deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ac Ab, cultivateur demeurant à Koté-Koté (Gaya) ;
D'une part
ET :
Ae Ab, ménagère demeurant à Koté-Koté (Gaya) ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Dillé Rabo, président rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi régulièrement formé par déclaration le 13 avril 2005 au greffe du Tribunal Régional de Dosso du sieur Ac Ab contre le jugement n° 22/05 du 13-3-2005 du Tribunal Régional de Dosso qui a confirmé le jugement rendu par le Tribunal de Gaya;
Attendu que suite à un litige de champ sis à Koté-Koté (Gaya) opposant les demi-frères et sour Ac Ab et Ae Ab, cette dernière saisit le juge délégué de Gaya, le 26 février 2004 en revendication de ce champ bien délimité et identifié;
Attendu que par décision n° 16 du 8 avril 2004, le Tribunal de Gaya a reçu dame Ae en sa demande et dit que le champ litigieux est la propriété exclusive de dame Ae Ab qui en a hérité de sa mère Gado Wande;
Attendu que sur appel du sieur Ac Ab, le Tribunal de Dosso a reçu l'appel en la forme, l'a rejeté comme mal fondé et confirmé le jugement attaqué dans toutes ses dispositions;
Que c'est contre ce jugement que Ac Ab s'est pourvu en cassation par déclaration le 13 avril 2005 au greffe du tribunal régional de Dosso;
Attendu que ledit pourvoi a été notifié à la défenderesse Ae Ab le même jour par le greffier en chef de ladite juridiction;
Que toutes les deux parties ont produit leurs mémoires en défense;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la loi 62-11 du 16 mars 1962 remplacée par la loi 2004-50 du 22 juillet 2004 fixant l'organisation, la procédure et la compétence des juridictions en République du Niger;
Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;
EN LA FORME
Attendu que le pourvoi ainsi introduit dans les forme et délai de la loi, est recevable;
AU FOND
Attendu que le requérant a produit deux mémoires. Dans le premier il ne fait que relater les faits, par contre dans le second introduit par un avocat Maître Moussa Kochi Maina qui ne s'est d'ailleurs pas constitué conseil, de l'intéressé, ce dernier soulève deux (2) moyens de cassation;
Sur le premier moyen pris de la violation de l'article 51 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 fixant l'organisation, la procédure, la compétence des juridictions, en ce que la coutume appliquée par le premier juge et le juge d'appel sont différentes à savoir que le premier juge a fait application de la coutume A qui la est vraie coutume des parties alors que le juge d'appel a visé la coutume djerma qui n'est pas celle des parties d'où la décision attaquée mérite annulation;
Sur ce moyen, le défendeur ne se prononce pas;
Attendu qu'en effet, il ressort des mentions des deux décisions des juges de Gaya et Dosso que le premier juge a visé la coutume A et celui d'appel la coutume djerma;
Attendu que de l'examen de la décision attaquée, il ressort que le juge d'appel a confirmé dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le juge de Gaya tout en appliquant la coutume djerma sans justifier toutefois pourquoi il l'a fait;
Qu'en agissant de la sorte, le juge d'appel ne permet donc pas à la Cour de céans d'exercer son contrôle sur l'exacte application de la coutume;
Qu'il y a lieu en conséquence d'accueillir ce moyen et de casser et annuler le jugement attaqué;
Sur le deuxième moyen de cassation tiré de la violation de l'article 2 al 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 pour insuffisance de motifs, en ce que le juge d'appel a fondé essentiellement sa décision sur le témoignage du sieur Aa Ad oncle maternel de la demanderesse, qui ne doivent être recueillis qu'à titre de simples renseignements;
Sur ce moyen, la demanderesse soutient qu'elle dispose et est prête à produire des témoins intègres pour confirmer ses déclarations relatives à ce qu'elle a hérité ce champ de sa mère;
Attendu que l'examen du jugement attaqué fait ressortir que le juge d'appel a bien examiné les moyens produits par les parties et n'a pas uniquement fondé sa décision sur la déclaration du sieur Aa Ad;
Qu'ainsi pour le témoignage de Aa Ad, le jugement litigieux énonce: «mais attendu que même Aa Ad avait déclaré que le champ litigieux est bien celui appartenant à la mère de Ae Ab»;
Que le même jugement a aussi énoncé d'autres éléments sur lesquels il se fonde;
Que dès lors la démonstration par le jugement attaqué est largement suffisante comme motif de la décision; qu'il y a lieu par conséquent d'écarter ce moyen comme mal fondé;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de Ac Ab recevable;
Casse et annule le jugement n° 22/05 du 13-3-2005 du Tribunal Régional de Dosso;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée;
Dit qu'il n'y a pas lieu aux dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-273/C
Du 16 novembre 2006
MATIERE : Coutumière
DEMANDEUR :
Ac Ab
C :
Ae Ab
B :
Dillé Rabo
Président
Adamou Amadou ; Moussa Idé
Conseillers
Ali Karmazi ; Adamou Harouna
Assesseurs
Abdou Aouta Aminou
Ministère Public
Me Illiassou Amadou
Greffier
RAPPORTEUR
Dillé Rabo