REPUBLIQUE DU NIGER
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Cour Suprême
Chambre Judiciaire
La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires pénales en son audience publique ordinaire du jeudi seize novembre deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
ENTRE :
Ab B et 1 autre, éleveur demeurant à Atti (Tchad), assisté de la SCPA Aa, avocats associés ;
D'une part
ET :
Ministère Public ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Hassane Hodi, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur le pourvoi formé par déclaration au greffe de la Cour d'Appel de Zinder le 27 juin 2005 par Ab B contre l'arrêt n°44 du 23 juin 2005 de la Cour d'Assises de Zinder qui l' a condamné ainsi que Ab A à la peine de mort pour tentative de meurtre suivie de vol en réunion dans une habitation avec violence;
Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la déclaration de pourvoi, ensemble les pièces du dossier;
Vu les réquisitions du Ministère Public;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI
Attendu que le pourvoi est intervenu dans les forme et délai prescrits par la loi; qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Attendu que Ab B a fait déposer par son conseil Maître Mariama Mamoudou, avocate à la Cour (SCPA Aa), un mémoire dans lequel il est articulé deux moyens de cassation;
Sur le premier moyen pris de la violation de l'article 157 alinéa 1 du Code de Procédure Pénale, en ce que l'expert commis pour examiner l'état mental de Ab B s'est contenté d'établir un certificat médical sommaire attestant que «l'accusé ne présentait aucune anomalie mentale pouvant expliquer l'acte commis», alors que le texte visé au moyen lui fait obligation de rédiger un rapport détaillé contenant les réponses aux questions résultant de l'ordonnance de commission d'expert;
Attendu que le pourvoi critique le rapport d'expertise mentale de l'accusé estimé trop succinct et ne répondant pas à toutes les questions contenues dans l'ordonnance de commission d'expert; qu'il résulte cependant des pièces du dossier que le rapport d'expertise en cause a fait l'objet, conformément aux dispositions de l'article 158 du Code de Procédure Pénale, de notification à Ab B qui a alors déclaré «n'avoir jamais eu de crise de folie et qu'il se porte bien sur le plan mental»; qu'à cette occasion tout comme à l'audience des débats, il lui était alors loisible d'élever toute contestation qu'il jugeait nécessaire à cet effet, dans le cadre de sa défense;
Attendu que le moyen tiré de ce que l'arrêt entrepris se serait fondé sur un rapport d'expertise qualifié de succinct et irrégulier, dont la nullité n'a été invoquée ni devant la juridiction d'instruction ni même devant la Cour d'assises, ne saurait être valablement présenté pour la première fois en cassation;
Qu'en outre, les dispositions de l'article 157 alinéa 1er du Code de Procédure Pénale n'étant pas prescrites à peine de nullité, la Cour d'assises n'a fait que user de son pouvoir d'appréciation en entérinant le rapport critiqué;
Qu'il s'ensuit que le moyen doit être écarté comme étant mal fondé;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l'article 256 du Code de Procédure Pénale, en ce que l'arrêt de renvoi n'a pas été signifié à l'accusé;
Attendu qu'aux termes de l'article 256 visé au moyen «l'arrêt de renvoi est signifié à l'accusé. Il lui en ait laissé copie. Cette signification doit être faite à personne si l'accusé est détenu.»;
Attendu que dans son mémoire, Ab B soutient n'avoir jamais reçu signification de l'arrêt de renvoi dont -il n'a pris connaissance de la teneur qu'à l'audience, alors même qu'il était détenu; que cependant, il ressort des pièces du dossier, notamment l'exploit en date du 6 mai 2005 de Maître Ousmane Brah wazir, huissier de justice à Zinder, que l'arrêt n°74 du 30 mars 2005 de la chambre d'accusation de la Cour d'Appel de Zinder qui prononce sa mise en accusation et son renvoi devant les assises pour les faits objet de son inculpation a été signifié à Ab B qui y a apposé sa signature et reçu copie; que dès lors, le moyen doit être rejeté comme étant mal fondé;
Sur le premier moyen relevé d'office tiré de la violation de l'article 357 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale:
Attendu que l'article 357 alinéa 2 susvisé, qui traite des procédures par défaut dispose que «la Cour d'assises prononce sur pièces sans l'assistance des jurés»;
Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier de la procédure que l'accusé Ab A a été condamné par défaut à la peine de mort, sans mention que cette décision a été prise sans l'assistance des jurés, par conséquent en violation du texte visé au moyen; qu'il s'ensuit que la décision attaquée encourt cassation de ce chef;
Sur le deuxième moyen relevé d'office pris de la violation des articles 260 alinéa 4 et 264 du Code de Procédure Pénale:
Attendu que de la combinaison des textes susvisés relatifs à la phase préparatoire aux sessions d'assises, il ressort que «le Président de la Cour d'assises interroge l'accusé..et il doit être fait appel à un interprète si l'accusé ne parle ou ne comprend pas la langue française. L'accomplissement de cette formalité est constaté par un procès-verbal que signent le Président ou son remplaçant, le greffier, l'accusé et s'il y a lieu l'interprète. Si l'accusé ne sait ou ne veut signer, le procès-verbal en fait mention»;
Attendu qu'il résulte du procès-verbal des débats que l'accusé (Ab B) ne parlant et ne comprenant pas la langue Ac, un interprète a été désigné à cet effet; que cependant, outre le défaut de mention du nom de cet interprète et de sa prestation de serment, il y a lieu de relever que l'article 260 alinéa 4 du Code de Procédure Pénale, en prescrivant l'assistance d'un interprète lorsque l'accusé ne parle ou ne comprend pas la langue française, n'a prévu aucune alternative dans le sens de la conduite des débats en langue nationale, à plus forte raison le recours à un interprète lorsque l'accusé ne parle ni ne comprend cette langue; que c'est donc à tort que la Cour a cru devoir désigner un interprète parce que l'accusé ne parle ni ne comprend la langue nationale, alors que la loi impose d'y procéder seulement lorsqu'il est défaillant en langue française, langue dans laquelle doivent être également menés les débats;
Attendu par ailleurs qu'il ressort d'une part des pièces versées au dossier de la procédure, notamment le procès-verbal d'interrogatoire de curriculum vitae, que l'accusé n'a jamais fréquenté l'école moderne, d'autre part du procès-verbal des débats à l'audience que celui-ci ne parle ni ne comprend la langue française, et enfin du procès-verbal d'interrogatoire préalable en date du 28 mai 2005, qu'aucun interprète n'a été désigné (faute de mention de son nom) pour assister ledit accusé au cours cet interrogatoire, alors qu'il est de jurisprudence que le défaut d'interprète est une cause absolue de nullité;
Attendu que les irrégularités ci-dessus relevées entraînent la cassation de l'arrêt attaqué;
PAR CES MOTIFS
Déclare le pourvoi de Ab B et 1 autre recevable;
Casse et annule l'arrêt n° 44 du 27-6-2005 de la Cour d'Assises de Zinder;
Renvoie la cause et les parties devant la même juridiction autrement composée;
Met les dépens à la charge du Trésor Public;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
ARRÊT N° 06-279/P
Du 16 novembre 2006
MATIERE : Pénale
DEMANDEUR :
Ab B et 1 autre
SCPA Aa
C :
Ministère Public ;
PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Hassane Hodi ; Moussa Idé
Conseillers
Abdou Aouta Aminou
Ministère Public
Me Illiassou Amadou
Greffier
RAPPORTEUR
Hassane Hodi