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23/11/2006 | NIGER | N°06-282-C

Niger | Niger, Cour suprême, Chambre judiciaire, 23 novembre 2006, 06-282-C


Texte (pseudonymisé)
REPUBLIQUE DU NIGER

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Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du jeudi vingt trois novembre deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Société Nigérienne de Banque (SONIBANK), représentée par son Directeur Général, assistée de Maître Kimba Manou, avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
Société d'Exploitation Commerciale du Niger (Y), représentée par son gérant, assistée d

e la SCPA Mandela, avocats associés et
La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Z), représe...

REPUBLIQUE DU NIGER

-----------------
Cour Suprême
Chambre Judiciaire

La Cour Suprême, Chambre Judiciaire, statuant pour les affaires civiles en son audience publique ordinaire du jeudi vingt trois novembre deux mille six, tenue au palais de ladite Cour, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

ENTRE :
Société Nigérienne de Banque (SONIBANK), représentée par son Directeur Général, assistée de Maître Kimba Manou, avocat à la Cour ;
D'une part

ET :
Société d'Exploitation Commerciale du Niger (Y), représentée par son gérant, assistée de la SCPA Mandela, avocats associés et
La Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Z), représentée par son directeur nationale, assistée de Maître Marc Lebihan, avocat à la Cour ;
D'autre part
Après lecture du rapport de Monsieur Nouhou Mounkaila, conseiller rapporteur, les conclusions de Monsieur le Procureur Général et après en avoir délibéré conformément à la loi :

Statuant sur la requête en date du 08 novembre 2004, enregistrée au greffe de la Cour d'appel de Niamey le même jour sous le n° 27 par laquelle Me Moussa Kochi Maina, avocat à la Cour, conseil constitué de SONIBANK formait pourvoi principal et le pourvoi incident formé par Me Marc Lebihan, avocat à la Cour, conseil constitué de Z par mémoire enregistré au greffe de la Cour Suprême sous le n° 253 du 17 mai 2005 contre l'arrêt n° 78 du 19 mai 2003 de la Cour d'appel de Niamey, Chambre Civile qui a statué publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort ainsi qu'il suit:
-Reçoit l'appel principal de Y et incident de Z réguliers en la forme;
-Infirme le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Y de sa demande dirigée contre la SONIBANK;
-Déclare la SONIBANK responsable du préjudice subi par la Y et la condamne à lui payer la somme de 5892327,5 francs en principal, outre les intérêts de droit à compter de la demande;
-La condamne en outre à lui payer la somme de 1000000 francs à titre de dommages et intérêts;
-Confirme la décision attaquée sur ses autres dispositions;
-Condamne la SONIBANK aux dépens;

Vu la loi 2000-10 du 14 août 2000 sur la Cour Suprême;
Vu la loi 62-11 du 16 mars 1962 sur l'organisation judiciaire;
Vu le traité constitutif de l'UMOA;
Vu la requête de pourvoi, ensemble les pièces du dossier;
Vu les conclusions du Procureur Général;
EN LA FORME
Attendu que la requête de SONIBANK a été signifiée à Y et à Z par exploit d'huissier du 18 novembre 2004; qu'elle doit être déclarée recevable comme étant formée dans les conditions prévues par la loi;
Attendu que la procédure du pourvoi incident n'étant pas règlementée son sort dépend de celui du pourvoi principal;
Attendu que Z a intérêt à agir, son pourvoi incident est donc recevable;

AU FOND
Attendu que la SONIBANK soulève deux moyens de cassation à l'appui de sa requête:
Premier moyen pris de la violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 pour défaut ou absence de motifs;
Deuxième moyen pris de la non prise en compte de la force majeure;
Attendu que de son côté la Z invoque un moyen unique de cassation tiré de la violation des textes accordant l'immunité de juridiction à la Z: article 132 de la Constitution, 4 et 17 du Traité constitutif de l'UMOA, 4 des statuts sur les privilèges et immunité des institutions financières sur le territoire de l'UMOA;
Sur le 1er moyen pris de la violation de l'article 2 alinéa 2 de la loi 62-11 du 16 mars 1962 pour défaut ou absence de motifsen ce que l'arrêt avance «que si les instructions de l'autorité monétaire s'impose au banquier, elle ne le libère pas de son devoir d'information et de conseil à son client, que ce dernier doit en effet être tenu informé des contraintes liées au transfert qu'il a sollicité afin de les intégrer au mieux de ses intérêts ce qui peut permettre le cas échéant de prendre d'autres dispositions pour atténuer les conséquences préjudiciables d'une telle mesure de suspension» alors que Y savait que la Banque Centrale bloquait ou filtrait les transferts vers la France et qu'il n'y avait aucune alternative, le blocage concernant tous les pays de l'UMOA;
Attendu que la Y dans son mémoire en défense du 29 janvier 2005 réfute ce moyen et soutient que A prétend sans apporter la moindre preuve qu'elle était au courant de la nouvelle donne; que dans tous les cas après avoir ordonné à son banquier le transfert sollicité, ce dernier se devait obligatoirement de l'informer «sur les contraintes liées au transfert afin de les intégrer au mieux de ses intérêts» comme l'a relevé les premiers juges;
Qu'aucune correspondance n'est versée au dossier pour attester que A a honoré son obligation d'information et de conseil;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la SONIBANK a reçu l'ordre de virement le 3 janvier 1994 mais qu'il ne l'a pas exécuté jusqu'à l'avènement de la dévaluation le 12 janvier 1994;
Attendu que dans l'exposé du moyen A soutient que la Banque Centrale bloquait ou filtrait les transferts vers la France sans dire quand et comment elle a saisi la Banque Centrale pour obtenir l'autorisation de transfert et quelle a été la réponse de ladite banque;
Attendu que dans tous les cas la BECAO dans ses conclusions d'appel du 28 novembre 2002 décline toute responsabilité faisant du coup tomber l'impossibilité absolue d'exécuter qui est alléguée par la requérante;
Attendu que c'est donc a bon droit que la Cour d'Appel a décidé souverainement car il s'agit de déductions des faits de la cause, que la Banque qui n'a pas exécuté avec promptitude l'ordre reçu de transférer des fonds, qui garde le silence et qui n'est même pas en mesure de dire à quelle date elle a fait la transmission demandée et quelle est la réponse qui lui a été donnée doit réparer le préjudice causé à son client;
Attendu que le moyen étant mal fondé il doit donc être rejeté;
Sur le deuxième moyen pris de la non prise en compte de la force majeure en ce que la Cour d'appel a prononcé la condamnation de SONIBANK sans prendre en compte la situation de force majeure qui avait contraint la SONIBANK à ne pas faire le transfert avant la dévaluation;
Attendu que la SONIBANK soutient qu'elle n'avait aucun moyen de droit pour contraindre la Z à exécuter les ordres de transfert, qu'elle était confrontée à un fait du prince équivalent à la forme majeure qui elle-même est exonératoire;
Attendu que l'examen de ce moyen est devenu sans objet compte tenu des développements faits dans le 1er moyen;
Sur le moyen unique de cassation invoqué par la Z tiré de la violation des textes accordant l'immunité de juridiction à la Z: article 132 de la Constitution, 4 et 17 du traité constitutif de l'UMOA, 4 des statuts sur les privilèges et immunité des institutions financières sur le territoire de l'UMOA en ce que l'arrêt entrepris a rejeté l'exception de l'immunité de juridiction au motif qu'il résulterait de la lecture de ses dispositions statutaires qu'elle disposait de la capacité juridique la plus large qui lui permettait certes d'ester en justice, mais également d'être traduite en justice:
Attendu que l'arrêt déféré à la censure de la Cour a rejeté l'immunité de juridiction de la Z aux motifs suivants:
«Attendu qu'il résulte des dispositions statutaires de la Z que cette institution jouit de la personnalité juridique la plus large reconnue aux personnes morales, en particulier la capacité d'ester en justice mais aussi d'être attraite en justice; que cela est d'autant plus vrai que l'article 4 al 5 et 6 du Traité dispose que «les biens et avoirs de la Banque centrale, en quelque lieux où ils se trouvent et quelque en soient les détenteurs, sont à l'abri de toute forme de saisie, d'opposition ou d'exécution avant qu'un jugement définitif ne soit rendu contre elle; que les biens et avoirs de la Banque centrale ainsi définis sont exempts de perquisition, réquisition, confiscation, expropriation ou toute autre forme de saisie ordonnée par le pouvoir exécutif ou par le pouvoir législatif ..»;
Attendu que de l'analyse de ces dispositions, il en résulte que la Banque centrale jouit d'une immunité relative et non absolue, car ses biens et avoirs sont à l'abri de saisie, expropriations ou d'exécution avant qu'un jugement définitif ne soit rendu contre elle, ce qui enduit qu'elle peut être attraite en justice; que la décision du 1er juge ayant écarté cette fin de non recevoir, doit être confirmé sur ce point»;
Attendu cependant que l'article 4 des statuts de la Z versés au dossier indiqueque : «en vue de permettre à la Banque centrale de remplir les fonctions qui lui sont confiées, le statut, les immunités et privilèges habituellement reconnus aux institutions financières internationales lui seront concédés sur le territoire de chacun des états membres de l'union dans les conditions précisées par le protocole annexé aux présents statuts, qui fait partie intégrante desdits statuts;
La Banque centrale jouit, notamment de la pleine personnalité juridique et, en particulier de la capacité de contracter, d'acquérir des biens mobiliers et immobiliers d'en disposer et d'ester en justice;
A cet effet elle bénéficie dans chacun des états membres de l'union de la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales»;
Qu'auparavant l'article 17 du traité constituant l'Union Monétaire Ouest Africaine du 14 novembre 1973 a prévu que: «en vue de permettre à la Banque Centrale de remplir les fonctions qui lui sont confiées, les immunités et privilèges habituellement reconnus aux institutions financières internationales lui seront concédés sur le territoire de chacun des états membres de l'union dans les conditions précisées par ses statuts»;
Que par la suite l'article 8 du protocole relatif aux privilèges et immunités de la Banque Centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest précise que: «la Banque Centrale jouit en toutes matières de l'immunité de juridiction et d'exécution, sauf renonciation expresse de sa part, dans un cas particulier, notifiée par le gouverneur ou son représentant»;
Attendu que de ce qui précède il y a lieu d'admettre que l'immunité qui couvre la Z présente un caractère quasi absolue, la seule ouverture étant sa renonciation expresse même s'il n'est pas exclu que cette situation soit susceptible à certaines occasions d'être la source de déni de justice;
Attendu que l'arrêt querellé mérite donc cassation sur ce point;
Attendu que la Z demande une cassation sans renvoi;
Attendu que cette procédure est règlementée par l'article 66 de la loi 2000-10 du 14-8-2000 sur la Cour Suprême qui dispose que: la chambre peut cependant par arrêt motivé, cassé tout ou partie d'une décision sans qu'il ait lieu à renvoi:
1 Lorsque l'arrêt de cassation rendu ne laisse rien à juger au fond,
2 Lorsque la nullité constatée ne frappe qu'une disposition accessoire et indépendante des dispositions principales du jugement; dans ce cas, il y a simplement lieu à cassation par voie de retranchement;
3 Lorsque, en matière pénale, elle estime la peine prononcée justifiée encore qu'elle ait relevé une erreur de qualification des faits punissables;
Attendu que cette demande peut être accueillie sur la base du point 1 de l'article 66 car l'arrêt attaqué n'ayant pas condamné la Z et son pourvoi étant un pourvoi de principe, le renvoi ne présente aucune utilité;

PAR CES MOTIFS

Déclare les pourvois de SONIBANK et Z recevables;

Rejette le pourvoi de SONIBANK;

Casse et annule l'arrêt n° 78 du 19 mai 2003 de la Cour d'appel de Niameysans renvoi;

Condamne A aux dépens;

Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.

ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.

ARRÊT N° 06-282/C
Du 23 novembre 2006

MATIERE : Civile

DEMANDEUR :
SONIBANK
Me Kimba Manou

C X
Y
Z
B Aa
Me Marc Lebihan

PRESENTS :
Dillé Rabo
Président
Nouhou Mounkaila ; Adamou Amadou
Conseillers
Ousmane Oumarou
Ministère Public
Me Gado Fati Founou
Greffier

RAPPORTEUR
Nouhou Mounkaila


Synthèse
Formation : Chambre judiciaire
Numéro d'arrêt : 06-282-C
Date de la décision : 23/11/2006
Civile

Parties
Demandeurs : SONIBANK Me Kimba Manou
Défendeurs : SECOM BCEAO SCPA Mandela Me Marc Lebihan

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ne;cour.supreme;arret;2006-11-23;06.282.c ?
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