En l’espèce, d’une part, la détermination des caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité que doit revêtir toute créance à recouvrer par la procédure d’injonction de payer relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ; à cet égard, l’arrêt attaqué a considéré « qu’en tout état de cause, la créance objet de l’opposition du sieur ESSOMBA est certaine, liquide et exigible ... qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en adoptant entièrement ses motifs sérieux et pertinents », alors même, d’autre part, que les contrats devant s’exécuter de bonne foi, l’application stricte de la clef de répartition stipulée dans le protocole d’accord notarié précité liant les deux parties litigantes et relative au partage « des bénéfices », concourt à la réalisation des caractères susdits de la créance réclamée ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté.
Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A), Arrêt N° 032/2009 du 30 juin 2009, Audience publique du 30 juin 2009, Pourvoi n° 084/2004/PC du 02 août 2004 – Affaire : ESSOMBA NTONGA Godefroy (Conseil : Maître Denis EKANI, Avocat à la Cour) contre EYANA Dieudonné.- Recueil de Jurisprudence n° 13, Janvier–Juin 2009, p. 91.
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (C.C.J.A.), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (O.H.A.D.A.), Deuxième Chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 30 juin 2009, où étaient présents :
Messieurs Antoine Joachim OLIVEIRA, Président Doumssinrinmbaye BAHDJE, Juge Boubacar DICKO, Juge, rapporteur
Et Maître MONBLE Jean Bosco, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans, le 02 août 2004 sous le n° 084/2004/PC et formé par Maître Denis EKANI, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 5852, Yaoundé, agissant au nom et pour le compte de Monsieur ESSOMBA NTONGA Godefroy, domicilié à Mbankomo (Cameroun), dans la cause opposant celui-ci à Monsieur EYANA Dieudonné, domicilié à Yaoundé Etoudi, titulaire de la carte nationale d’identité n°100054137 du 07 août 1996,
en cassation de l’arrêt n° 186/CIV/03-04 rendu le 12 mars 2004 par la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale, en chambre de conseil, en appel et en dernier ressort ;
En la forme : - Reçoit l’appel interjeté ;
Au fond : - L’y dit non fondé ; - Confirme en conséquence, le jugement entrepris ; - Condamne l’appelant aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO :
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure, que les Etablissements ESSOMBA NTONGA, sis à Yaoundé et ayant pour promoteur Monsieur ESSOMBA NTONGA Godefroy, domicilie à MBANKOMO (Cameroun), bénéficièrent d’un marché relatif à la fourniture de 900 tables-bancs au profit des écoles publiques de la province du Sud Cameroun ; que ne disposant pas de moyens financiers suffisants pour exécuter ledit marché, les Etablissements ESSOMBA NTONGA signèrent le 08 septembre 2000, par-devant Maître ASSO’O Ngono Ze, Notaire à Yaoundé et avec Monsieur EYANA Dieudonné, un contrat aux termes duquel celui-ci « s’engage à financer le susdit marché. A cet effet, il s’engage à ouvrir de concert avec Monsieur ESSOMBA NTONGA, dans les plus brefs délais, un compte à SGBC, Banque, dans lequel il déposera une somme de FCFA 3.000.000, pour un départ ... les bénéfices, déduction faite de toutes les dépenses et charges, seront répartis au pourcentage de 60 % pour Monsieur EYANA, 40 % pour les Etablissements ESSOMBA NTONGA ... » ; que selon le requérant, après la livraison de 300 tables-bancs moyennant le paiement de la somme de 7.508.570 FCFA, sur laquelle les Etablissements ESSOMBA NTONGA ne remirent à leur partenaire que 3.500.000 FCFA, ce dernier, mécontent, introduisit auprès du Président du Tribunal de Première Instance de Yaoundé, une procédure d’injonction de payer relative au paiement d’une somme supplémentaire de 2.350.064 FCFA ; que par ordonnance d’injonction de payer n° 1753 du 18 mai 2001, le Président dudit Tribunal y faisait droit ; que sur opposition de Monsieur ESSOMBA NTONGA Godefroy contre l’ordonnance susvisée, devant le Tribunal de Première Instance de Yaoundé, celui-ci, par jugement n° 256 du 16 janvier 2003, déclarait l’opposition non fondée ; qu’ayant interjeté appel contre ledit jugement, la Cour d’Appel du Centre à Yaoundé, rendait l’arrêt confirmatif n° 186/CIV/03-04 du 12 mars 2004, objet du présent pourvoi en cassation ;
Sur le moyen unique
Attendu que le défendeur au pourvoi, Monsieur EYANA Dieudonné, ne s’est pas fait assister d’un Conseil devant la Cour de céans, en dépit d’un courrier en ce sens, en date du 07 décembre 2004, que lui avait adressé le Greffier en chef de ladite Cour, et qui est demeuré à ce jour sans réponse ; que seules seront donc exposées et analysées les écritures du requérant ;
Attendu que le requérant fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir violé les dispositions de l’article 1er de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, aux termes desquelles « le recouvrement d’une créance certaine, liquide et exigible peut être demandé suivant la procédure d’injonction de payer » ; que si, selon lui, la condition d’exigibilité ne pose pas en l’occurrence problème, il en va autrement de la liquidité, l’article 3 du protocole d’accord notarié du 05 septembre 2000 signé par les parties litigantes ayant stipulé que « les bénéfices, déduction faite de toutes les dépenses et charges, seront repartis au pourcentage de : 60 % pour Monsieur EYANA Dieudonné, 40 % pour les Etablissements ESSOMBA NTONGA » ; qu’il s’évince dudit
article, que cette déduction de dépenses et de charges constituait un préalable pour la détermination de la créance de chaque partie ; qu’aucune des parties ne pouvait donc déterminer le montant de sa créance avant la déduction des dépenses et charges ; qu’après le paiement de la somme de 7.508.570 FCFA par l’Etat du Cameroun, suite à la livraison de 300 tables-bancs, les Etablissements ESSOMBA NTONGA et Monsieur EYANA Dieudonné n’ont procédé à aucune déduction des dépenses et charges sur ladite somme ; qu’ainsi, ni la créance des Etablissements ESSOMBA NTONGA, ni celle de Monsieur EYANA Dieudonné ne sont déterminées à ce jour quant à leur montant ; que dès lors, la créance réclamée n’est pas liquide ; que sur le défaut de certitude de la créance réclamée, Monsieur EYANA Dieudonné ayant déjà reçu paiement de 3.500.000 francs FCFA, en raison de l’absence de liquidité de la créance intégrale du susnommé, comme démontré ci-dessus, une alternative se présente : soit que ledit paiement a entraîné l’extinction de la créance de Monsieur EYANA Dieudonné envers le requérant, d’une part, soit alors que, malgré le paiement de ladite somme, le requérant reste encore redevable envers ce dernier, d’un montant qui reste à déterminer, d’autre part ; qu’ainsi, l’incertitude de la créance réclamée par Monsieur EYANA Dieudonné est avérée, et nul ne saurait dire avec exactitude si le requérant reste encore redevable ou non envers son partenaire, au regard des prescriptions de l’article 1er sus énoncé de l’Acte uniforme précité ; qu’il suit que l’arrêt attaqué étant entaché « de violations flagrantes de la loi », il encourt la cassation ;
Mais attendu en l’espèce, d’une part, que la détermination des caractères de certitude, de liquidité et d’exigibilité que doit revêtir toute créance à recouvrer par la procédure d’injonction de payer relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ; qu’à cet égard, l’arrêt attaqué a considéré « qu’en tout état de cause, la créance objet de l’opposition du sieur ESSOMBA est certaine, liquide et exigible ... qu’il y a lieu de confirmer le jugement entrepris, en adoptant entièrement ses motifs sérieux et pertinents », alors même, d’autre part, que les contrats devant s’exécuter de bonne foi, l’application stricte de la clef de répartition stipulée dans le protocole d’accord notarié précité liant les deux parties litigantes et relative au partage « des bénéfices » concourt à la réalisation des caractères susdits de la créance réclamée ; d’où il suit que le moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Attendu que le requérant ayant succombé, doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
- Rejette le pourvoi ;
- Condamne le requérant aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus, et ont signé :
Le Président Le Greffier
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