Arrêt N°069/2015 du 29 avril 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant, en son audience publique foraine tenue le 29 avril 2015 à Ouagadougou au Burkina Faso où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président Abdoulaye Issoufi TOURE, 1er Vice-Président Madame Flora DALMEIDA MELE, Snde Vice Présidente Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Mamadou DEME, Juge Idrissa YAYE, Juge, rapporteur
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ;
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Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le numéro 067/2009/PC en
date du 16 juillet 2009 et formé par la SCPA Guédel NDIAYE & Associés, avocat au Barreau du Sénégal, cabinet sis 73 bis rue Amadou Assane NDOYE à Dakar, agissant au nom et pour le compte de la société Bougainvilliers SA, dont le siège social est à Dakar, 47 rue Carnot, BP 1686, la société Immobilière Thiam Banda, devenue société d’Investissements Thiam Banda, dont le siège est à Dakar, 55 rue Carnot, BP 2791, représentées par leurs représentants légaux et les héritiers de feu Mayoro Wade, dans la cause les opposant à monsieur Paul Mochet, demeurant à Dakar, 07 avenue Hassan II, ayant pour conseils, maitre Abdoul Aziz Ngom, la SCPA Lo & Kamara et la SCPA Kanjo, Koita & Houda, Avocats au Barreau du Sénégal, dont les cabinets sont situés respectivement à Scat urbain Grand Yoff, villa n°13/T Dakar BP 11206 Dakar-Peytain, 38 rue Wagane Diouf à Dakar et 66 boulevard de la République immeuble Seydou Nourou Tall à Dakar,
en cassation de l’arrêt n°485 rendu le 3 juin 2008 par la Cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort ;
- Vu l’ordonnance d’irrecevabilité du Conseiller de la mise en état du 14 août 2007 ; - Déclare recevable l’appel contre l’ordonnance d’irrecevabilité ; - Infirme l’ordonnance de clôture en toutes ses dispositions ; - Déclare recevable le recours en annulation contre les sentences arbitrales ;
Au fond
- Rejette le recours en annulation comme mal fondé ; - Met les dépens à la charge des requérants. » ;
Les recourants invoquent à l’appui de leur pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils
figurent dans leur requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Idrissa YAYE, Juge ; Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique (OHADA) ; Vu les articles 10 à 27 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure qu’en vertu de l’article 7 de la
convention de compte courant bloqué, conclue le 5 août 1997 entre monsieur Paul Mochet et la société les Bougainvilliers SA, celui-là a saisi, le 15 février 2004, le Centre d’Arbitrage, de Médiation et de Conciliation de la Chambre de Commerce, d’Industrie et d’Agriculture de la Région de Dakar, d’une demande d’arbitrage ; que le tribunal arbitral constitué sous l’égide dudit centre a rendu les sentences partielle et définitive respectivement le 5 mai 2005 et 7 novembre 2005 ; que suivant exploit en date des 26 mai 2005 et 13 janvier 2006, la société Bougainvilliers, Mayoro Wade et la société civile Immobilière Thiam Banda ont saisi la cour
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d’appel de Dakar d’un recours en annulation contre lesdites sentences arbitrales ; que la cour d’appel de Dakar a rendu le 3 juin 2008, l’arrêt de rejet n°485, objet du présent pourvoi ;
Sur le premier moyen
Attendu que les recourants font grief à la Cour d’appel d’avoir violé les dispositions des
articles 5, 10, 11, 13 et 25 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage en considérant que le fait pour une partie de désigner un arbitre et de participer à la procédure d’arbitrage, constitue pour elle, un obstacle à pouvoir plaider, dans la procédure d’arbitrage, la nullité de la convention d’arbitrage ; que l’arrêt attaqué en statuant comme il l’a fait a violé l’article 11 de l’Acte uniforme précité et a donné aux dispositions organisant la procédure d’arbitrage un sens et une portée qu’elles ne peuvent avoir ;
Mais attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 11 de l’Acte uniforme précité :
« Le tribunal arbitral statue sur sa propre compétence, y compris sur toutes questions relatives à l’existence ou à la validité de la convention d’arbitrage.
L’exception d’incompétence doit être soulevée avant toute défense au fond, sauf si les
faits sur lesquels elle est fondée ont été révélés ultérieurement. Le tribunal arbitral peut statuer sur sa propre compétence dans la sentence au fond ou
dans une sentence partielle sujette au recours en annulation. » ; que l’article 4 du même Acte uniforme pose le principe de l’autonomie de la convention d’arbitrage en ces termes : « La convention d’arbitrage est indépendante du contrat principal
Sa validité n’est pas affectée par la nullité de ce contrat et elle est appréciée d’après la
commune volonté des parties, sans référence nécessaire à un droit étatique. Les parties ont toujours la faculté, d’un commun accord, de recourir à une convention
d’arbitrage, même lorsqu’une instance a déjà été engagée devant une autre juridiction. » ; qu’il s’en suit que ces dispositions posent le principe de la « compétence-compétence » des arbitres et du principe de la validité de la convention d’arbitrage qui doit s’apprécier, sans référence nécessaire à un droit étatique, donc d’après la commune volonté des parties ;
Attendu qu’en l’espèce la cour d’appel de Dakar qui, « Considérant que les parties qui excipent du caractère nul de la convention d’arbitrage et qui en poursuivent l’annulation, l’ont exécuté en partie en participant à la conférence préparatoire à l’arbitrage même pour avoir désigné un arbitre et déposé leurs conclusions et même souhaité l’extension de l’arbitrage à d’autres qui ne sont pas parties à la convention d’arbitrage ; », n’a, contrairement aux affirmations des recourants, en rien commis les reproches qui lui sont faits ; que ladite cour d’appel qui en refusant d’annuler les sentences arbitrales soumises à sa censure aux motifs que le tribunal arbitral a dû souverainement déduire des faits de la cause, dont notamment, le fait de souhaiter « l’extension de l’arbitrage à d’autres qui ne sont pas parties à la convention d’arbitrage ; », une volonté commune des parties d’accepter ledit arbitrage nonobstant l’annulation de la convention de compte courant, n’a en rien violé la loi ; qu’il s’ensuit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le second moyen
Attendu que les recourants reprochent à la cour d’appel de Dakar d’avoir violé les
articles 11, 13 alinéa 1 et 26 de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage en ce qu’elle a exigé une procédure préalable à l’arbitrage proprement dit dans laquelle la convention
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d’arbitrage devrait d’abord être annulée, pour que la sentence arbitrale rendue sur la procédure d’arbitrage proprement dite puisse être attaquée d’annulation ;
Mais attendu que le moyen d’annulation tiré de la nullité de la convention d’arbitrage
ayant été ci-dessus rejeté, il convient, nonobstant lesdites affirmations de la cour d’appel qui n’ont aucun effet sur le bien fondé des motifs d’annulation limitativement fixés par l’article 26 de l’Acte uniforme précité, d’écarter ledit moyen comme mal fondé ;
Attendu que les recourants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Rejette le pourvoi ; Condamne la société Bougainvilliers, les héritiers de feu Mayoro Wade et la société d’Investissements Thiam Banda aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier en chef