INTERRUPTION – COMMANDEMENT - COMMANDEMENT N’ENJOIGNANT PAS DE PAYER : ABSENCE D’EFFET INTERRUPTIF POINT DE DEPART – DERNIERE TRANSACTION ENTRE LES PARTIES
Il n’y a pas de dénaturation des faits dès lors que le demandeur prétend être associé du défendeur sans en rapporter aucune preuve ; que le bilan du restaurant dont il se prévaut pour prétendre avoir fait des apports d’un montant de 42 221 100 FCFA figurant audit bilan au compte “47” qui représente le compte ordinaire des créanciers et débiteurs d’une société ne prouve nullement qu’il est un associé du défendeur ; que seule la créance sur les appareils électroménagers reposant sur des bons d’expédition et des reçus de western union, non contestés par le demandeur au pourvoi, est justifiée. En l’absence de toute preuve contraire sur les apports faits dans la création du restaurant en cause, société individuelle immatriculée au seul nom du défendeur, la cour d’appel, appréciant souverainement les faits sans les dénaturer, a légalement justifié sa décision. La cour d’appel qui a retenu que le commandement mettant en demeure « d’avoir à communiquer immédiatement et au plus tard dans les QUARANTE HUIT (48) HEURES, le bilan et les pièces comptables au requérant et de surseoir à sa gestion jusqu’à la reddition des comptes », n’est pas un commandement de payer puisque n’enjoignant pas au débiteur de payer et n’interrompt pas, de ce fait, la prescription, n’a en rien violé l’article 219 du Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal. La cour d’appel qui a retenu que la première assignation date du 5 août 2005 et que la prescription de deux ans est acquise pour avoir couru depuis le 3 janvier 2002, date des dernières transactions commerciales entre les parties, n’a pas violé l’article 274 [devenu] 301 de l’AUDCG. Le grief fait à la cour d’appel d’avoir violé l’article 274 précité en ce qu’il a constaté que sa créance est couverte par la prescription alors que celle-ci ne relève pas d’une vente commerciale et ne peut donc se voir appliquer la prescription de deux ans fixée à l’article sus indiqué n’est pas fondé, dès lors que le compte 47 du grand livre général et la balance général font ressortir un compte créditeur au profit du demandeur et qu’en l’absence de preuve d’un apport fait au GIE, le montant inscrit a été considéré comme une créance sur le restaurant résultant de la vente des appareils électroménagers.
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ARTICLE 28 BIS REGLEMENT DE PROCEDURE CCJA ARTICLE 274 [DEVENU 301] AUDCG ARTICLE 219 CODE DES OBLIGATIONS CIVILES ET COMMERCIALES (SENEGAL) CCJA, Ass. plén., n° 071/2015 du 29 avril 2015 ; P n° 125/2009/ PC du 03/12/2009 : Monsieur YOUCEF AOUADENE c/ Monsieur ABDEL AZIZ MOUZAIA.
Arrêt N°071/2015 du 29 avril 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique foraine tenue le 29 avril 2015 à Ouagadougou au Burkina Faso où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président Abdoulaye Issoufi TOURE, 1er Vice-président Madame Flora DALMEIDA MELE, Snde Vice-présidente, rapporteur Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge Idrissa YAYE, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ; Sur le renvoi en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit
des affaires en Afrique devant la Cour de céans de l’affaire Monsieur YOUCEF AOUADENE, demeurant au 104, avenue Roger Salengro à Marseille – France, ayant pour conseil maître Ousmane DIAGNE, avocat à la Cour, 141 avenue lamine Guèye à Dakar contre monsieur ABDEL AZIZ MOUZAIA, demeurant et domicilié au lot n°6 , rue de Ngor à Dakar, ayant pour conseil maître Youssoupha CAMARA, avocat à la cour, 35 bis avenue Malick SY, Dakar , par arrêt N°41 du 19 août 2009 de la Cour suprême du Sénégal, saisie d’un pourvoi initié le 3 septembre 2008 sous le 2001 par monsieur YOUCEF AOUADENE, renvoi enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°125/2009/ PC du 3 décembre 2009,
en cassation de l’arrêt n°771 rendu le 24 décembre 2007 par la cour d’appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort ;
En la forme
Reçoit l’appel de Abdel Aziz Mouzaia;
Au fond
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
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Vu les articles 219 du Code des obligations civiles et commerciales ;
Vu l’article 274 de l’acte uniforme sur le Droit Commercial Général ;
Dit que le montant de la créance de Youcef Ouadéne s’élève après défalcation de la somme de 23 300 000 payée par Abdel Aziz Mouzaia à la somme de 18 921 000 francs ;
Dit que l’obligation de Abdel Aziz Mouzaia correspond au reliquat de la dette déterminée à la somme de 18 921 100 est éteinte par la prescription ;
Condamne Youcef Ouadéne aux dépens. » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice-présidente ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces de la procédure que monsieur Abel Aziz MOUZAIA était en relation d’affaires avec monsieur Youcef AOUADENE, domicilié en France ; que ce dernier lui envoyait des appareils électroménagers d’occasion en vue de leur vente au Sénégal et le prix lui était reversé par des envois western union après déduction des commissions de Abel Aziz MOUZAIA ; que pour donner plus de visibilité à leurs activités, les deux compères décidaient de créer, courant janvier 2003, un GIE dénommé KATIA ; qu’entre temps, monsieur Abel Aziz MOUZAIA avait créé, courant 2001, un restaurant et une pâtisserie glacier sous la dénomination KATIA ; que les relations entre les partenaires s’étant dégradées, le tribunal régional hors classe de Dakar prononçait, par jugement n°085 du 9 avril 2004, la dissolution et la liquidation du GIE et désignait un syndic et un juge commissaire ; que les comptes du restaurant faisait ressortir un solde créditeur de 42 221 100 FCFA au profit de monsieur Youcef AOUADENE ; que par ordonnance N°206 /2005 du 17 février 2005, le juge commissaire jugeait que le restaurant KATIA faisait partie de l’actif du GIE KATIA ; que sur opposition de monsieur Abel Aziz MOUZAIA, le tribunal régional hors classe de Dakar annulait , par jugement du 8 avril 2005, l’ordonnance précitée au motif que la somme créditée au profit de monsieur Youcef AOUADENE est inscrit au compte “47“ intitulé en comptabilité “créditeur et débiteur divers“, représentant le compte ordinaire des créanciers et débiteurs de la société et qu’en l’absence de tout acte , monsieur Youcef AOUADENE ne pouvait prétendre être un associé de monsieur Abel Aziz MOUZAIA dans la gestion du restaurant KATIA ; que sur assignation en paiement de monsieur Youcef AOUADENE, le tribunal régional hors classe de Dakar rendait le 28 juillet 2006, le jugement n°1723 condamnant monsieur Abel Aziz MOUZAIA à payer à monsieur Youcef AOUADENE la somme de 42 221 100 FCFA et celle de 1 000 000 FCFA à titre de dommages et intérêts le tout assorti de l’exécution provisoire à concurrence de 500 000 FCFA après avoir rejeté la demande de prescription fondée sur les articles 274 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général et 226 du code des obligations civiles et commerciales ; que sur appel de monsieur Abel Aziz MOUZAIA, la cour d’appel de Dakar a rendu le 24 décembre 2007, l’arrêt n°771 dont pourvoi ;
Sur le premier moyen
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Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’être entaché de dénaturation des faits aux motifs que la preuve de l’origine de la créance n’a pu être rapportée alors que cette créance figure bien au bilan du restaurant KATIA déposé par le défendeur au pourvoi, au service des impôts pour sa déclaration fiscale ;
Mais attendu que monsieur Youcef AOUADENE prétend être associé de monsieur Abel Aziz MOUZAIA sans en rapporter aucune preuve ; que le bilan du restaurant KATIA dont il se prévaut pour prétendre avoir fait des apports d’un montant de 42 221 100 FCFA figurant audit bilan au compte “47“ qui représente le compte ordinaire des créanciers et débiteurs d’une société ne prouve nullement qu’il est un associé de monsieur Abel Aziz MOUZAIA ; que seule la créance sur les appareils électroménagers reposant sur des bons d’expédition et des reçus de western union, non contestés par le demandeur au pourvoi, est justifiée ; qu’ en l’absence de toute preuve contraire sur les apports faits dans la création du restaurant KATIA, société individuelle immatriculé au seul nom de Abel Aziz MOUZAIA , la cour d’appel, appréciant souverainement les faits sans les dénaturer, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur la première branche du second moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 219 du code des obligations civiles et commerciales au motif que la cour d’appel a considéré que le commandement servi le 28 juillet 2003 n’est pas un commandement de payer puisque ne visant pas directement le recouvrement du montant de la créance et n’interrompt pas ainsi la prescription alors, selon le moyen, que ledit commandement tendait à préserver le paiement de la créance ;
Mais attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 219 du code des obligations civiles et commerciales que le commandement de payer interrompt la prescription ; or le commandement servi le 28 juillet 2003 met en demeure monsieur Abdel Aziz MOUZAIA « d’avoir à communiquer immédiatement et au plus tard dans les QUARANTE HUIT (48) HEURES, le bilan et les pièces comptables au requérant et de surseoir à sa gestion jusqu’à la reddition des comptes. » ; que ce commandement n’enjoint nullement le débiteur de s’acquitter de sa dette ; qu’en retenant que le commandement servi le 28 juillet 2003 ne produit pas les effets indiqués à l‘article 219 du code précité, la cour d’appel n’a en rien commis le grief visé au moyen ; qu’en conséquence, le moyen ne peut être accueilli ;
Sur la seconde branche du second moyen
Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 274 de l’Acte uniforme relatif au droit commercial général en ce qu’il a constaté que sa créance est couverte par la prescription alors que celle-ci ne relève pas d’une vente commerciale et ne peut donc se voir appliquer la prescription de deux ans fixée à l’article sus indiqué ;
Mais attendu que le compte 47 du grand livre général et la balance général font ressortir un compte créditeur au profit de monsieur Youcef AOUADENE ; que ne rapportant pas la preuve d’un apport fait au GIE, le montant inscrit a été considéré comme une créance sur le restaurant KATIA résultant de la vente des appareils électroménagers ; que la cour, en retenant que la première assignation date du 5 août 2005 et que la prescription de deux ans est acquise pour courir depuis le 3 janvier 2002, date des dernières transactions commerciales entre les parties , n’a pas violé l’article sus indiqué ; qu’il s’ensuit que le moyen n’est pas non plus fondé ;
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Attendu qu’ayant succombé, monsieur Youcef AOUADENE doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare recevable le pourvoi ;
Le rejette comme non fondé;
Condamne monsieur Youcef AOUADENE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef