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CCJA, 2ème ch., n° 087/2015 du 08 juillet 2015 ; P n° 039/2010/PC du 19/04/2010 : Société Crédit et Epargne pour le financement du Commerce et de l’Industrie du Cameroun (CECIC) c/ Société AES SONEL, Société CHELCOM CAMEROUN.
ARRET N°087/2015 du 08 juillet 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 juillet 2015 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, Sur le pourvoi enregistré au greffe de la cour de céans le 1er juillet 2011 sous le n°057/2011/PC et formé par Maître TCHUENTE Paul, Avocat à la cour, demeurant au 1204, Boulevard de la Liberté, B.P. 5674, Douala, agissant au nom et pour le compte de la Société Crédit et Epargne pour le financement du Commerce et de l’Industrie du Cameroun (CECIC), S.A. dont le siège social sis à l’Immeuble CICAM, Boulevard Ahmadou Ahidjo, BP 10071, Douala, dans la cause qui l’oppose à la Société AES SONEL, S.A. dont le siège social est à Douala, Avenue De Gaulle, BP 4077, ayant pour Conseil Maître AYATOU Gaston, Avocat à la Cour, demeurant immeuble LIPACAM, Boulevard Ahmadou Ahidjo, BP 15080, Douala, d’une part, et à la Société CHELCOM CAMEROUN, S.A. ayant son siège social à NDOKOTI- Douala, BP 7197,
en cassation de l’arrêt n°207/REF, rendu le 10 décembre 2008 par la cour d’appel du
Littoral à Douala et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de contentieux d’exécution, en appel ;
En la forme :
- Reçoit l’appel ;
- Déclare irrecevable l’intervention volontaire de la société CHELCOM CAMEROUN S.A. ;
Au fond :
- Annule la décision entreprise ;
- Evoquant et statuant à nouveau, dit le juge du contentieux incompétent à statuer en l’espèce ;
- Renvoie les parties à se mieux pourvoir ;
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- Condamne la société CECIC aux dépends distraits au profit de Me AYATOU, avocat aux offres de droit » ;
Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de
cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur DJIMASNA N’doningar, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en date du 14 juillet 2006, en exécution d’une grosse notariée, la Société CECIC S.A. a pratiqué une saisie- attribution au préjudice de la Société CHELCOM CAMEROUN S.A., entre les mains de la Société AES SONEL ; que, suite à la déclaration de AES SONEL qu’elle estime incomplète, la Société CECIC l’a attraite devant le Président du tribunal de première instance de Douala- Ndokoti, statuant comme juge du contentieux de l’exécution, aux fins de la voir condamnée au paiement des causes de la saisie ; que, par ordonnance n°170 du 03 juillet 2007, la juridiction présidentielle a fait droit à cette demande et condamné AES SONEL à payer la somme de 100 246 744 FCFA, représentant les causes de la saisie et les dommages-intérêts ; que, suite à l’appel de AES SONEL et à la demande d’intervention volontaire de la Société CHELCOM CAMEROUN, la cour d’appel du Littoral à Douala, a rendu, sous la référence n°207/REF du 10 décembre 2008, l’arrêt infirmatif dont pourvoi ; Sur l’exception d’irrecevabilité tirée des articles 27.1 et 28.5 du Règlement de Procédure de la Cour de céans
Attendu que dans son mémoire en réponse à la requête, AES SONEL demande à la cour de déclarer irrecevable le pourvoi formé par la CECIC, aux motifs que les copies des pièces produites n’ont pas été certifiées conformes par cette dernière ; que ce défaut de certification est une violation manifeste de l’article 27.1 du Règlement de procédure de la cour de céans, entraînant ainsi la non-conformité du recours aux conditions exigées par ledit Règlement et sanctionnée à l’article 28.5 ;
Mais attendu que la prescription de l’article 27.1 susvisé suivant laquelle « …ces copies sont certifiées conformes par la partie qui les dépose. » n’est assortie d’aucune sanction ; que l’éventualité d’une irrecevabilité du recours prévue à l’article 28.5 du Règlement n’est envisagée que suite à une demande de régularisation du Greffier ; que cela n’étant pas fait et l’authenticité de ces pièces n’étant pas contestée dans le cas d’espèce, il s’en suit que cette exception ne peut être accueillie ; qu’il échet donc de dire que le pourvoi est recevable ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution
Attendu que la CECIC reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article visé au moyen, en ce qu’il a conditionné la compétence du juge du contentieux à
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l’existence d’une décision de justice, alors, selon le moyen, que l’article 49 donne compétence au Président de la juridiction statuant en matière d’urgence, ou au magistrat délégué par lui, pour statuer sur tout litige ou toute demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie-conservatoire, sans distinguer l’origine du titre exécutoire en vertu duquel elle est poursuivie ; qu’en recherchant le socle de la mesure d’exécution pour déterminer la juridiction compétente, les juges d’appel de Douala ont ajouté à l’article 49 une condition qu’il n’a pas posée ;
Attendu en effet qu’aux termes de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, tout litige relatif à une mesure d’exécution forcée, quelle que soit l’origine du titre exécutoire en vertu duquel elle est poursuivie, relève de la compétence du Président de la juridiction statuant en matière d’urgence ;
Attendu que pour annuler l’ordonnance entreprise, la cour d’appel a retenu que « la
saisie-attribution querellée n’ayant pas pour socle une décision du tribunal de Première Instance de Douala-Ndokoti ou d’ailleurs, le Juge du contentieux de cette juridiction n’était pas compétent pour connaître des contestations soulevées » ; qu’en liant ainsi la compétence du juge du contentieux de l’exécution à la nature judiciaire du titre exécutoire, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 49 et fait encourir la cassation à sa décision ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres moyens ;
Sur l’évocation
Attendu que, par requête en date du 12 juillet 2007, la Société AES SONEL relevait appel contre l’ordonnance n°170/07 rendue le 03 juillet 2007 par la juridiction présidentielle du tribunal de première instance de Douala-Ndokoti dans l’affaire l’opposant à la Société CECIC et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière du contentieux de l’exécution conformément à l’article 49 de l’Acte uniforme OHADA n°6 et en premier ressort ;
- Recevons la demanderesse en son action ;
- Constatons que la déclaration affirmative de AES SONEL du 19 juillet 2006 est
inexacte et incomplète ;
- En conséquence, condamnons la Société AES SONEL à payer à la Société CECIC la somme de 100 246 744 FCFA ventilée comme suit :
• 94 246 744 FCFA causes de la saisie-attributions ;
• 6 000 000 FCFA dommages-intérêts ;
- Condamnons AES SONEL aux dépens distraits au profit de Maître TCHUENTE,
avocat aux offres de droit » ;
Qu’au soutien de son appel, elle demande à la cour d’infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et de déclarer le juge du contentieux de l’exécution du tribunal de première instance de Douala-Ndokoti incompétent ratione loci pour statuer dans la présente cause ; qu’elle expose que suite à une saisie-attribution par la CECIC au préjudice de la Société CHELCOM entre ses mains, elle a fait, par courrier adressé à l’huissier instrumentaire, une
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déclaration aussi complète qu’exacte, dans le délai prescrit par l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution ; que de par son siège social sis à l’avenue De Gaulle, AES SONEL se trouve dans le ressort territorial du tribunal de Première Instance de Douala-Bonanjo ; que le juge du contentieux de l’exécution du tribunal de première instance de Douala-Ndokoti statuant dans une autre procédure qui oppose les mêmes parties s’étant déclaré incompétent ratione loci pour connaître de la cause, il ne pouvait avoir compétence territoriale pour statuer dans la procédure ayant généré l’ordonnance n°170/07 entreprise, en application l’article 3 alinéa 2 de la loi n°2007/001instituant le juge du contentieux de l’exécution et du décret n°2001/361 portant ouverture des tribunaux de première instance dans les villes de Douala et Yaoundé ; qu’elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée et le débouté de la société CECIC ;
Attendu que la Société CHELCOM CAMEROUN, intervenant volontaire dans la
procédure, expose que toute action contre le défendeur doit être introduite devant le tribunal de son domicile ; que AES SONEL étant domiciliée Avenue De Gaulle, dans l’arrondissement de Douala 1er qui relève de la compétence du Tribunal de première instance de Douala-Bonanjo, l’action initiée par CECIC est mal orientée ; qu’elle sollicite l’infirmation de l’ordonnance querellée, rendue par un juge incompétent ;
Attendu que la Société CECIC, en réplique, demande de déclarer l’intervention de CHELCOM CAMEROUN irrecevable et de constater que la déclaration affirmative de AES SONEL est incomplète et inexacte en ce que le livre comptable produit était tronqué et que le contrat entre AES SONEL et CHELCOM n’était pas communiqué lors de la déclaration; qu’elle conclut à la confirmation de l’ordonnance condamnant AES SONEL au paiement des causes de la saisie ;
Attendu que l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, tout en retenant la compétence du Président du tribunal ou du magistrat par lui délégué, n’a pas déterminé le tribunal compétent, lorsqu’ il y a, comme c’est le cas, deux tribunaux de même degré dans la même ville ; qu’il y a manifestement une insuffisance, nécessitant l’application, en complément, des dispositions de la loi nationale ; qu’aux termes de l’article 4 de la Loi Camerounaise n°2007/001, lorsque l’exécution porte sur un titre exécutoire autre qu’une décision de justice, le juge du contentieux de l’exécution est « le Président du Tribunal de Première Instance du lieu où l’exécution a lieu ou est envisagée » ; qu’en l’espèce l’action étant dirigée contre AES SONEL dont le siège social dépend du ressort territorial du Tribunal de première instance de Douala- Bonanjo, conformément au Décret n°2001/361 portant ouverture des tribunaux de première instance dans les villes de Douala et Yaoundé, c’est à tort que le tribunal de Douala-Ndokoti s’est déclaré compétent ; qu’en conséquence, il echet d’annuler l’ordonnance querellée et de renvoyer la CECIC à mieux se pourvoir ;
Attendu que la société CECIC ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
- Casse l’Arrêt n°207/REF, rendu le 10 décembre 2008 par la Cour d’appel du Littoral à Douala ;
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Evoquant et statuant sur le fond :
- Annule l’ordonnance n°170/07, rendue le 03 juillet 2007 par la juridiction présidentielle du tribunal de première Instance de Douala-Ndokoti ;
- Renvoie la société CECIC à mieux se pourvoir ;
- La condamne aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier