Ohadata J-16-197 INJONCTION DE PAYER – DECISION RENDUE SUR OPPOSITION – APPEL – DEPASSEMENT DU DELAI D’APPEL – RELEVE DE FORCLUSION SUR FONDEMENT DE LA LOI NATIONALE : NON – CASSATION DE L’ARRET AYANT RETENU LE CONTRAIRE
C’est à tort qu’une cour d’appel a « considér[é] qu’il convient de rappeler que, quant à la fin de non recevoir soulevée par [le demandeur] et tirée de l’irrecevabilité de l’appel de la [défenderesse], par ordonnance de référé n°55 du 23 juin 2010 du Premier Président de la Cour d’Appel de Conakry, la [défenderesse] a été relevée de forclusion », pour déclarer recevable un appel interjeté hors délai, exposant ainsi son arrêt à la cassation. Il en est ainsi dès lors que ce délai n’est pas concerné par le renvoi au droit national des Etats-parties opéré par le texte, lequel ne prévoit pas le relevé de forclusion.
ARTICLE 15 AUPSRVE
CCJA, 1ère ch., n° 100/2015 du 23 juillet 2015 ; P. n° 016/2012/PC du 27 février 2012 : Siaka Majolika DELAMOU c/ TOTAL-GUINEE SA.
Arrêt n° 100/2015 du 23 juillet 2015 La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première Chambre, a rendu l’arrêt suivant, en son audience publique du 23 juillet 2015 où étaient présents :
Messieurs : Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président Mamadou DEME, Juge rapporteur Diehi Vincent KOUA, Juge César Apollinaire ONDO MVE, Juge Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 27 février 2012 sous le n°016/2012/PC et formé par Siaka Majolika DELAMOU, demeurant à N’Zérékoré (République de Guinée), ayant pour conseil Maître Elie KONE, avocat au Barreau de la République de Guinée, B.P. 3169-Conakry, dans la cause qui l’oppose à la société TOTAL- Guinée, société anonyme dont le siège social est à Conakry, commune de Matam, quartier Coléah, représentée par son directeur général,
en cassation de l’arrêt n°329 rendu le 14 décembre 2010 par la Cour d’appel de Conakry, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière économique, en second ressort et en appel ;
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Donnant à la société TOTAL GUINEE l’entier bénéfice de ses écritures, déclare irrecevables les fins de non recevoir soulevées par Siaka Majolika DELAMOU et tirées de l’irrecevabilité de l’appel et de la violation des articles 1, 2, 3 de l’AUSC ;
Au fond : infirme en toutes ses dispositions le jugement n°88 du 31 mars 2010 ;
Statuant à nouveau, déclare TOTAL-Guinée recevable en sa demande de dommages- intérêts, l’y déclarant bien fondé ;
Condamne Siaka Majolika DELAMOU à lui payer la somme de 50.000.000 GNF de ce chef ;
Frais et dépens à la charge de Siaka Majolika DELAMOU ; » ;
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu que par correspondance n°177/2012/G2 du 28 mars 2012, reçue le 3 avril 2012, le Greffier en chef de cette Cour a signifié le pourvoi a la société TOTAL, qui n’a cependant ni comparu ni été représentée à l’audience ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il convient d’examiner le recours ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que suivant ordonnance n°23 rendue le 04 août 2009, le Président du Tribunal de Première Instance de Conakry 3 a fait injonction à la société TOTAL-Guinée de payer à Siaka Majolika DELAMOU la somme totale de 615.943.229 francs ; que par jugement n°88 rendu 31 mars 2010, le même tribunal a déclaré mal fondée l’opposition formée par TOTAL-Guinée contre cette ordonnance ; que statuant sur l’appel formé par TOTAL-Guinée contre ce jugement, la Cour d’appel de Conakry a rendu l’arrêt objet du pourvoi ;
Sur le deuxième moyen de cassation :
Attendu que le moyen est pris de la violation de l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que l’arrêt attaqué a déclaré l’appel de TOTAL-Guinée recevable, alors qu’il a été reçu au greffe le 29 juin 2010, que l’article 15 susvisé fixe le délai de l’appel à trente jours à compter de la date de la décision, et que l’ordonnance n°55/CAB/PP/CAC/2010 du 23 juin 2010, par laquelle le Premier Président de la Cour d’appel de Conakry a relevé TOTAL-Guinée de la forclusion, n’est pas prévue par l’Acte uniforme précité ;
Vu les dispositions de l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
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Attendu qu’il résulte de ce texte que « La décision rendue sur opposition est susceptible d’appel dans les conditions du droit national de chaque Etat partie ; toutefois, le délai d’appel est de trente jours à compter de la date de cette décision » ;
Attendu que l’appel de TOTAL-Guinée a été reçu au greffe le 29 juin 2010, soit 2 mois et 29 jours après le prononcé du jugement n°88 du 31 mars 2010 ;
Attendu que pour déclarer tel appel recevable, l’arrêt énonce : « Considérant qu’il convient de rappeler que, quant à la fin de non recevoir soulevée par Siaka Majolika DELAMOU et tirée de l’irrecevabilité de l’appel de la société TOTAL-GUINEE SA, par ordonnance de référé n°55 du 23 juin 2010 du Premier Président de la Cour d’Appel de Conakry, la Société TOTAL Guinée a été relevée de forclusion » ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le délai d’appel contre un jugement statuant sur opposition à une ordonnance d’injonction de payer est fixé à trente jours à compter de la date de la décision par l’article 15 de l’Acte uniforme susvisé, que ce délai n’est pas concerné par le renvoi au droit national des Etats-parties opéré par le texte, lequel ne prévoit pas le relevé de forclusion, la Cour d’appel a violé les dispositions visées au moyen ; qu’il échet en conséquence, sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens du pourvoi, de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer ;
SUR L’EVOCATION
Attendu que par acte reçu au greffe le 29 juin 2010, la société TOTAL-GUINEE a formé appel contre le jugement n°88 rendu le 31 mars 2010, dont le dispositif est ci-dessous reproduit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière d’injonction de payer, sur opposition et en premier ressort ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
En la forme :
Déclare recevable l’opposition formée par la Société TOTAL Guinée SA, représentée par son Directeur Général Monsieur Philippe Chauvin, contre l’ordonnance d’injonction de payer n°23/CAB/P/TPI/Ckry 3 en date du 04/08/2009 ;
Au fond :
Déclare l’opposition mal fondée ;
En conséquence, restitue à l’ordonnance d’injonction de payer n°23/CAB/P/TPI/CKRY 3 en date du 04/08/2009 ses pleins et entiers effets ;
Dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’application de la loi sur les intérêts légaux moratoires ;
Met les dépens à la charge de la société TOTAL Guinée SA ;
Déclare que la présente décision se substitue à l’ordonnance d’injonction de payer ;
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Le tout par application des dispositions des articles 9, 10, 11, 12, 13 et 14 de l’Acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution et 741 du CPEA » ;
Attendu que l’intimé a soulevé l’irrecevabilité de l’appel pour avoir été formé hors le délai fixé à l’article 15 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux ayant conduit à la cassation de l’arrêt, il convient de faire droit à l’exception et de déclarer l’appel irrecevable ;
Attendu que la société TOTAL-Guinée qui a succombé doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l’arrêt n°329 rendu le 14 décembre 2010 par la Cour d’appel de Conakry ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Déclare irrecevable l’appel formé par la société TOTAL-Guinée contre le jugement n°88 rendu le 31 mars 2010 par le Tribunal de Première Instance de Conakry 3 ;
Condamne TOTAL-Guinée aux entiers dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier