RECUSATION DES ARBITRES – DECISION DE LA COUR – INCOMPETENCE DU TRIBUNAL ARBITRAL : DECISION SANS RECOURS INDEPENDANCE DES ARBITRES – ELEMENT DECLARE PAR UN ARBITRE AVANT L’ACCEPTATION DE SA MISSION ET VISE PAR LES PARTIES : ABSENCE D’ELEMENT NOUVEAU MISSION DES ARBITRES
TRIBUNAL AYANT PRONONCE UNE CONDAMNATION A DOMMAGES-INTERETS - VIOLATION DE SA MISSION : NON CALENDRIER DE PROCEDURE – CARACTERE PREVISIONNEL – NON RESPECT – VIOLATION DE LA MISSION DES ARBITRES : NON
CONTRADICTOIRE – PIECES COMMUNIQUEES A TOUTES LES PARTIES QUI ONT ETE EN MESURE D’EN DISCUTER : CONTRADICTOIRE RESPECTE
Le seul usage du vocable « en dernier ressort » dans la convention des parties n’est pas suffisant pour traduire une renonciation expresse au recours en contestation de validité d’une sentence.
En application de l’article 4 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, régissant les arbitrages institutionnels sous l’égide de ladite Cour, la décision de confirmation, de récusation ou de remplacement d’un arbitre, incombe à la Cour et est insusceptible de recours. En l’espèce, la sentence arbitrale produite pour soutenir la demande d’annulation pour violation de l’ordre public international, n’est pas un élément nouveau susceptible de mettre en cause l’indépendance d’un arbitre qui avait, dans sa déclaration d’acceptation et d’indépendance,
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et dans le curriculum vitae qui l’accompagne, visés par les défendeurs au recours dans l’un de leurs mémoires en réponse, clairement indiqué sa qualité de fonctionnaire et de chargé pendant 14 ans du suivi du contentieux de l’Etat à l’international. Ne viole donc pas ledit Règlement d’arbitrage, le tribunal arbitral, constitué sous l’égide de la CCJA, qui s’est déclaré incompétent pour apprécier une demande de récusation d’un arbitre et qui s’est contenté de prendre acte de la décision de confirmation dudit arbitre par la Cour. Il y a lieu de rejeter conséquemment la demande en annulation de la sentence arbitrale pour violation du principe d’indépendance et d’impartialité d’un arbitre comme étant non fondée.
La violation de la loi et la contrariété des motifs de la sentence ne rentrent pas dans les cas d’ouverture du recours en contestation de validité des sentences tels que prévus aux articles 25 du Traité et 30 du règlement d’arbitrage susvisé.
De même, la violation de «la lex arbitrii française » ne peut non plus prospérer, s’agissant d’un recours en contestation de validité d’une sentence arbitrale rendue sous l’égide de la Cour de céans et pour lequel seul le règlement d’arbitrage de ladite Cour est applicable.
Il est constant, conformément à l’article 10 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, que l’AUA ne figure pas au nombre des textes applicables à l’arbitrage institutionnel spécifique de la CCJA. En en application de l’article 10.1 précité, il y a lieu d’écarter les violations alléguées des articles 14 et 16 de l’AUA, inapplicables en l’espèce.
La violation de l’article 15.4 du Règlement d’arbitrage de la CCJA n’est pas assortie de nullité et il est de jurisprudence que le déroulement du calendrier de la procédure a un caractère prévisionnel, susceptible de modification. Dès lors, la modification d’un tel calendrier faite conformément à l’article 15.4 du Règlement précité ne saurait être valablement considérée comme une violation par le tribunal des termes de sa mission.
Le fait pour le tribunal arbitral de se prononcer sur une demande de condamnation au titre de dommages-intérêts et en ventilant le montant de ladite condamnation ne constitue pas une violation de sa mission.
Le principe du contradictoire suppose que chacune des parties ait été mise en mesure de discuter l'énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés. Il a été respecté lorsqu’il résulte des pièces de la procédure que la pièce invoquée en l’espèce, la lettre d’un notaire, a été communiquée durant les débats aux requérants et qu’ils se sont même librement prononcés sur ladite pièce ; que contrairement aux affirmations des requérants, il ne résulte pas des pièces de la procédure qu’il y ait eu soustraction des pièces ou que les parties n’ont pas été mises en état de faire connaitre tout ce qui est nécessaire au succès de leur demande ou de leur défense ni que la sentence contestée a été rendue sur la base exclusive de la lettre du notaire.
Enfin, il ne résulte aucune contradiction à ce que le tribunal qui a rejeté les demandes reconventionnelles d’une partie tendant à faire supporter par les requérants les frais par eux exposés dans le cadre de la procédure d’arbitrage, comme étant nouvelles et qu’il se soit prononcé sur ces mêmes demandes, car il a l’obligation légale en application de l’article 24 du règlement d’arbitrage de liquider les frais de l’arbitrage et de décider à laquelle des parties le paiement incombe, ou dans quelle proportion ils sont partagés entre elles ; rejet du moyen.
ARTICLE 25 TRAITE OHADA ARTICLE 4 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA ARTICLE 10 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA ARTICLE 15.4 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA ARTICLE 24 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA
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ARTICLE 29.2 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA ARTICLE 30 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA
CCJA, Ass. plén., n° 102/2015 du 15 octobre 2015 ; Req. n° 059/2014/PC du 27/03/2014 : Monsieur Léopold EKWA NGALLE, Madame Hélène NJANJO NGALLE, Société Anonyme LEN HOLDING, Société International Business Corporation SA c/ Société Nationale d’Hydrocarbures (SNH), Personnel SNH.
ARRET N° 102/2015 du 15 octobre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), a rendu, en Assemblée plénière, l’arrêt suivant en son audience publique du 15 octobre 2015 2014 où étaient présents :
Messieurs : Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice-président
Madame : Flora DALMEIDA MELE, Second Vice-présidente Messieurs : Namuano F. DIAS GOMES, Juge Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge Idrissa YAYE, Juge-rapporteur
Djimasna N’DONINGAR, Juge Birika Jean Claude BONZI, Juge Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ;
Sur la requête enregistrée au greffe de la Cour le 27 mars 2014 sous le n° 059/2014/PC, formé par maître La Fortune Pélagie MBENGUE MOUKOURI, avocat au barreau du Cameroun, demeurant à Yaoundé-Cameroun, BP 4922, agissant au nom et pour le compte de monsieur Léopold EKWA NGALLE, madame Hélène NJANJO NGALLE, la société anonyme Len Holding, la société International Business Corporation SA, sis à Douala- Cameroun BP 3629, en contestation de validité de la sentence rendue le 15 janvier 2014 par le tribunal arbitral composé de Maître Benoit Le Bars et du Docteur Joseph Stella Francis Magloire ZOCK ATARA à NGONN, coarbitres, et de Maître Frédérique Chifflot Bourgeois, Présidente, dont le dispositif est le suivant : « Par ces motifs, le Tribunal arbitral : 1. donne acte de la notification par voie d’huissier par les Demandeurs de la Demande d’Arbitrage et d’un bordereau de pièces aux Défendeurs ; 2. dit recevable les Demandeurs et les Défendeurs en leur action ; 3. déclare recevable les prétentions des Demandeurs et des Défendeurs sauf celles qui ont été formulées tardivement ainsi qu’indiqué en Partie V au Titre 5 ; 4. donne acte aux Demandeurs du retrait de leurs demandes de désignation d’un séquestre des actions de la SNH et d’un médiateur ; 5. rejette la demande de violation sur le fondement de l’article 4 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE et de dire et juger que les actes passés par la SNH
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et le Personnel tant lors des Conseils d’Administration, des Assemblées Générales et dans la vie de la Société sont contraires au pacte social liant les actionnaires ; 6. rejette la demande de dire et juger que la SNH a exécuté de mauvaise foi ses obligations ; 7. rejette la demande de dire et juger que la SNH n’a pas respecté ses obligations sur le fondement de l’article 1134 du Code civil ; 8. rejette la demande des Demandeurs de dire et juger que les arguments de la SNH sont contestés et sans fondement au regard des pièces versées au débat ; 9. rejette la prétention des Demandeurs de dire et juger que l’abus de majorité est manifeste et qu’il ne saurait dès lors y avoir abus de minorité dont les conditions ne sont pas réunies ; 10. rejette la prétention des Demandeurs de dire et juger qu’il n’y a pas abus de minorité ; 11. constate que le Procès verbal du 16 décembre 2011 contient des éléments de droit pénal ; 12. dit et juge que cette matière relève du droit pénal 13. se déclare en conséquence incompétent pour statuer sur la validité du Procès verbal du 16 décembre 2011 ; 14. dit et juge que l’article 3 du pacte d’actionnaires est contraire aux dispositions de l’article 484 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE et qu’en conséquence cette clause est réputée non écrite ; 15. dit et juge que la proposition de réaménagement de l’équipe dirigeante d’IBC faite par la SNH est conforme à l’article 3 du pacte d’actionnaires ; 16. dit et juge que la SNH n’a pas violé l’article 6 du pacte d’actionnaires en proposant un avenant ; 17. dit et juge que la dénonciation du pacte d’actionnaires par la SNH est conforme à l’article 9 de ladite convention. 18. rejette en conséquence la demande de violation des dispositions des articles 3, 6 et 9 du pacte d’actionnaires ; 19. dit et juge que la demande d’arbitrage n’est pas une action sociale en vertu des articles 165, 166 et 171 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE. 20. rejette les prétentions des Demandeurs formées sur le fondement des articles 562, 573 et 593 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE ; 21. déboute les Demandeurs de l’intégralité de leurs demandes ; 22. rejette en conséquence, la demande de dommages et intérêts des Demandeurs d’un montant total de 21 678 674 580 FRANCS CFA ; 23. rejette la demande des Demandeurs de dire et juger que la SNH supportera l’ensemble des condamnations pécuniaires prononcées ; 24. rejette la demande des Défendeurs de condamner le Président Directeur Général, M. Léopold Ekwa Ngalle, à signer le procès-verbal du Conseil d’Administration du 16 décembre 2011 ; 25. rejeter la demande des Défendeurs de condamner les Demandeurs à signer le nouveau pacte d’actionnaires proposé par la SNH ; 26. dit et juge que les fautes reprochées aux Demandeurs par les Défendeurs relèvent du droit pénal et en conséquence se déclare incompétent ; 27. dit et juge que les Demandeurs ont commis un acte constitutif d’un abus de minorité ; 28. déclare en conséquence recevable la demande de dommages-intérêts formée à titre reconventionnel par les Défendeurs ; 29. condamne en conséquence solidairement les Demandeurs à verser à la SNH la somme de 1 912 877 218 FRANCS CFA et au PERSONNEL DE LA SNH la somme de 233 897 414 FRANCS CFA ; 30. rejette pour le surplus la demande de dommages et intérêts des Défendeurs ; 31. prend acte de la production des documents relatifs à l’existence de la SOCIETE LEN HOLDING ; 32. constate la réalité du prêt d’un montant de 400 000 euros consenti par la SOCIETE LEN HOLDING à la SOCIETE IBC SA et l’absence de preuve du versement des sommes dudit prêt ;
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33. dit et juge que les conditions de la validité du prêt ne sont pas réunies ; 34. dit et juge que la Demande d’Arbitrage ne constitue pas une action sociale aux termes des articles 165, 166, 167 et 171 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE et en conséquence exclut la SOCIETE IBC SA de toute condamnation ; 35. rejette la demande des Défendeurs visant à écarter le rapport d’expertise de M. Jean-Paul Ndemba ; 36. rejette pour le surplus les prétentions des Demandeurs et des Défendeurs. 37. dit et juge que les Demandeurs prendront solidairement à leur charge 100% des coûts de l’arbitrage fixés par la Cour, soit la somme de 162 024 265 FRANCS CFA sous déduction des frais exposés en lieu et place des Défendeurs par les Demandeurs ; 38. dit et juge que les Demandeurs prendront solidairement à leur charge une partie des frais exposés par les Défendeurs pour assurer la défense de leurs intérêts et qu’elles sont condamnées à payer solidairement en conséquence aux Défendeurs la somme de 20 000 000 FRANCS CFA ; 39. rejette la demande d’exécution provisoire sur l’intégralité de la sentence à venir nonobstant tout recours. » ; Les requérants invoquent à l’appui de leur recours les trois motifs d’annulation tels qu’ils figurent à leur requête en contestation de validité contre la sentence arbitrale rendue le 15 janvier 2014 annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Idrissa YAYE, Juge ;
Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique en ses articles 21 à 26 ;
Vu le Règlement d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Vu le Règlement de procédure de ladite Cour ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que courant année 1993, monsieur Léopold EKWA NGALLE a créé la société à responsabilité limitée dénommée IBC, transformée en 1999 en société anonyme ; que depuis 2005, cette société entretient des relations commerciales avec la SNH ayant abouti, à l’entrée au capital d’IBC à hauteur de 51% de la SNH, de son personnel à hauteur de 10% et, le 12 janvier 2006, à la conclusion d’un protocole d’accord pour la construction d’une usine de transformation des aciers industriels au Cameroun aux termes duquel les parties se sont engagées à :
- Rechercher les financements nécessaires pour la construction de ladite usine ; - Rechercher des partenaires techniques et financiers en vue de la création en joint
venture d’une unité de transformation des aciers industriels ; Que malgré plusieurs prêts consentis à IBC, en 2006 et 2007, par la SNH, en vue de la
réalisation de cet objectif, des multiples difficultés de fonctionnement et de financement des activités de la société IBC l’ont conduite à la quasi cessation de paiement ; que les requérants, estimant que la SNH devenue majoritaire n’avait pas respecté ses engagements et avait multiplié des actes illégaux à l’effet de prendre le contrôle total de la société, ont décidé, le 18 juin 2012, de mettre en œuvre la convention d’arbitrage en saisissant le centre d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage d’une demande d’arbitrage ayant abouti à la constitution d’un tribunal arbitral, lequel a rendu la sentence arbitrale contestée ;
Sur la recevabilité du recours en contestation de validité
Attendu que la SNH et son personnel sollicitent de la Cour de céans de déclarer irrecevable le recours en contestation de validité, motifs pris de ce qu’en application de l’article 29.2 du Règlement d’arbitrage de la Cour, la contestation de la validité de la sentence
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n’est recevable que si les parties n’y ont pas renoncé, alors même qu’il résulte des termes de l’article 45 des statuts de la société IBC que les parties ont expressément renoncé à ce recours par l’usage de la mention « en dernier ressort » ; que dès lors aucune instance ou procédure n’est plus possible après que la sentence arbitrale ait été rendue le 15 janvier 2014 ;
Mais attendu qu’il ne résulte pas des termes de l’article 45 des statuts que les parties aient renoncé expressément à tout recours en contestation de validité ; qu’en effet le seul usage du vocable « en dernier ressort » n’est pas suffisant pour traduire une renonciation expresse audit recours ; qu’il échet dès lors de déclarer ledit recours recevable ;
Sur la recevabilité du mémoire en duplique des demandeurs du 18 mars 2015
Attendu que dans leur mémoire en réponse n°3, du 29 avril 2015, reçu au greffe de la Cour de céans le 30 avril 2015, la SNH et son personnel soulèvent l’irrecevabilité du mémoire en duplique des demandeurs en date du 18 mars 2015 et reçu au greffe de la Cour le 20 mars 2015, motifs pris de ce qu’il n’a été signé que de Maître TAPE MANAKALE Ernest, seul, alors qu’il n’est que domicile élu et qu’il n’est titulaire d’aucun mandat spécial de représentation des demandeurs au recours en contestation de validité de la sentence arbitrale ;
Mais attendu qu’il résulte de l’examen des pièces versées au dossier de la procédure que, par courrier en date du 30 octobre 2014, le mandat spécial de représentation, daté du même jour, de Maître TAPE MANAKALE Ernest, avocat à la cour, est produit ; qu’il échet dès lors de déclarer cette exception irrecevable ;
Sur la contestation de validité de la sentence
Attendu que pour contester la validité de la sentence, les requérants, excipent des trois motifs d’annulation tirés de la violation de l’ordre public international, de ce que le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée, et de ce que le tribunal arbitral a violé le principe du contradictoire ; que la SNH et le personnel de la SNH ont conclu, par le canal de leurs conseils, au rejet dudit recours en contestation de validité comme non fondé ;
Sur la violation de l’ordre public international
Attendu que les requérants contestent la validité de la sentence et en demandent l’annulation, arguant, d’une part, du fait que le tribunal a évacué par fraude, la question fondamentale de l’impartialité et de l’indépendance de l’arbitre Joseph Stella Francis Magloire ZOCK ATARA A NGONN, nommé par les défendeurs ; que d’autre part, arguant des énonciations contradictoires, le tribunal, qui a feint d’écarter l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage, a appliqué les dispositions de son article 1er pour conclure à l’inapplication de l’article 7 du même Acte uniforme en ces termes : « Le Tribunal arbitral rappelle sur le fond que l’Acte Uniforme du 11 mars 1999 relatif au droit de l’arbitrage est applicable aux termes de son article 1 ainsi qu’il suit : « le présent acte uniforme a vocation à s’appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l’un des Etats parties.
Le siège de l’arbitrage ayant été fixé par la Cour à Paris, cet acte uniforme n’a pas vocation à s’appliquer à la présente procédure et, en conséquence, il en est à fortiori de même de son article 7 » ; que par ces énonciations contradictoires, le tribunal ne met pas la Cour en mesure
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d’exercer son contrôle sur la légalité de sa décision et viole l’ordre public international ; qu’en plus, le tribunal, en insinuant que, du fait de la fixation à Paris du siège de l’arbitrage, il était affranchi du respect de cet Acte uniforme au profit de la loi française dont les dispositions, sur l’indépendance et l’impartialité des arbitres, sont d’ordre public et, en méconnaissant curieusement et paradoxalement ces dispositions en estimant que la demande de récusation ne pouvait pas être portée devant le tribunal arbitral, la sentence attaquée viole la lex arbitrii française ; qu’il est enfin reproché à la sentence attaquée une violation de l’ordre public international pour, notamment, violation du principe d’indépendance et d’impartialité d’un arbitre par manquement des défendeurs à leur obligation procédurale de loyauté et pour tardiveté, pour violation de la loi dans la désignation d’un administrateur par le conseil d’administration, pour contrariété des motifs de la sentence, pour violation de la loi dans la désignation par le conseil d’administration, d’un administrateur, en cours de vie sociale et pour abus de minorité ;
Mais attendu qu’en application de l’article 4 du Règlement d’arbitrage de la CCJA, régissant les arbitrages institutionnels sous l’égide de ladite Cour la décision de confirmation, de récusation ou de remplacement d’un arbitre, incombe à la Cour, sa décision est insusceptible de recours ; qu’en l’espèce, la sentence arbitrale du 16 février 2010, produite pour soutenir la demande d’annulation pour violation de l’ordre public international, n’est pas un élément nouveau susceptible de mettre en cause l’indépendance de l’arbitre ZOCK ATARA, lequel avait dans sa déclaration d’acceptation et d’indépendance en date du 23 octobre 2012 et dans le curriculum vitae qui l’accompagne, visés par les défendeurs au recours dans leur mémoire en réponse n°3 du 29 avril 2015, clairement indiqué sa qualité de fonctionnaire et de chargé pendant 14 ans du suivi du contentieux de l’Etat à l’international ; qu’il y a lieu dès lors de dire que ne viole pas ledit Règlement d’arbitrage, le tribunal arbitral, constitué sous l’égide de la CCJA, qui s’est déclaré incompétent pour apprécier une demande de récusation d’un arbitre et qui s’est contenté de prendre acte de la décision de confirmation dudit arbitre par la Cour ; qu’il y a lieu de rejeter conséquemment la demande en annulation de la sentence arbitrale pour violation du principe d’indépendance et d’impartialité d’un arbitre comme étant non fondée ;
Attendu enfin que, la violation de la loi et la contrariété des motifs de la sentence ne rentrent pas dans les cas d’ouverture du recours en contestation de validité des sentences tels que prévus aux articles 25 du Traité et 30 du règlement d’arbitrage susvisé ;
Attendu au surplus que la violation de « la lex arbitrii française » ne peut non plus prospérer ; que s’agissant d’un recours en contestation de validité d’une sentence arbitrale rendue sous l’égide de la Cour de céans, seul le règlement d’arbitrage de ladite Cour est applicable ; qu’il échet dès lors de rejeter ce moyen comme étant non fondé ;
Sur le fait de statuer sans se conformer à sa mission
Attendu que les requérants contestent, par une argumentation en trois branches, la validité de ladite sentence ; que d’une part, ils estiment que le tribunal arbitral, en retenant - dans sa sentence - que les documents produits par les conseils des défendeurs, en l’occurrence, la lettre par courriel du notaire à monsieur BAYIHA, contenant le projet des procès-verbaux des assemblées générales des 23 et 28 décembre 2011, sans qu’ils aient été à même d’en débattre contradictoirement, a méconnu les dispositions impératives de l’article 14
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de l’Acte uniforme précité et ne s’est par conséquent pas conformé à sa mission procédurale ; que d’autre part, les requérants reprochent au tribunal d’avoir statué en violation de l’article 16 de l’Acte uniforme précité et de l’article 16 du Règlement d’arbitrage de la Cour, en ce que le tribunal arbitral a, rendu sa sentence le 15 janvier 2014, alors que cette sentence n’aurait pas pu et n’aurait pas dû être rendue au-delà du 16 décembre 2013, date ultime fixée par la Cour ; que cette méconnaissance de sa mission arbitrale est fondée et doit entrainer l’annulation de la sentence entreprise ; qu’enfin, estimant que la sentence arbitrale querellée a été rendue ultra petita, motifs pris de ce que la mission des arbitres consiste exclusivement à trancher le litige qui leur est soumis, pas plus, ni moins ; que les limites de ce litige sont déterminées par le procès-verbal de cadrage, ainsi que les mémoires ultérieurs des parties et leurs plaidoiries ; que s’agissant de la demande précise de dommages et intérêts formulée à titre reconventionnel par les défendeurs, celle-ci est libellée comme suit :
« Condamner les demandeurs à payer solidairement à la SNH et au personnel la somme de 10.000.000.000 de francs CFA au titre de dommages-intérêts, toutes causes de préjudices confondus. » ; que le tribunal a cru pouvoir, préciser les postes de préjudice dont la réparation est demandée, et ventiler le montant des condamnations prononcées entre la SNH et son personnel sans que cela lui soit demandé et sans avoir au préalable invité les parties, en application de l’article 14 dudit Acte uniforme, à présenter leurs observations sur ce projet unilatéral ; qu’ainsi le tribunal en se prononçant sur la notion de perte subie, non demandée et non débattue par les parties et en procédant à la ventilation du montant de la condamnation, a excédé les limites de sa mission et sa décision encourt la cassation ;
Mais attendu qu’aux termes de l’article 10.1 du règlement d’arbitrage susvisé de la Cour de céans : « lorsque les parties sont convenues d’avoir recours à l’arbitrage de la Cour, elles se soumettent par là-même aux dispositions du titre IV du Traité de l’OHADA, au présent règlement, au règlement intérieur de la Cour, à leurs annexes et au barème des frais d’arbitrage dans leur rédaction en vigueur à la date de l’introduction de la procédure d’arbitrage…… » ; qu’il est constant que l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage ne figure pas au nombre des actes juridiques précités qui sont applicables en l’espèce à l’arbitrage institutionnel spécifique de la CCJA ; qu’ainsi en application de l’article 10.1 précité, il y a lieu d’écarter les violations alléguées des articles 14 et 16 de l’Acte uniforme sur l’arbitrage, inapplicables en l’espèce ; que s’agissant de la branche du moyen fondée sur la violation de l’article 15.4 dudit Règlement d’arbitrage, il y a lieu de relever que la violation dudit article n’est pas assortie de nullité et qu’il est de jurisprudence que le déroulement du calendrier de la procédure a un caractère prévisionnel, susceptible de modification ; que dès lors la modification d’un tel calendrier fait conformément à l’article 15.4 du Règlement précité ne saurait être valablement considérée comme une violation par le tribunal des termes de sa mission ; qu’en outre, le fait pour le tribunal arbitral de se prononcer sur une demande de condamnation au titre de dommages-intérêts et en ventilant le montant de ladite condamnation ne constitue pas une violation de sa mission ; qu’il s’en suit que ce moyen ne peut être accueilli ;
Sur la violation du principe du contradictoire
Attendu que les requérants contestent la validité de la sentence arbitrale, motifs pris de ce que, d’une part, la procédure contradictoire entraine l’obligation pour le tribunal de veiller à ce qu’une discussion s’établisse entre les parties à la procédure, et que chacune puisse, en
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temps utile, non seulement discuter les arguments présentés par l’autre partie, mais aussi faire valoir ses propres arguments ; que par conséquent encourt une annulation automatique, la sentence dans laquelle a été retenu par les arbitres un argument non soumis à la libre discussion de toutes les parties, comme c’est le cas en l’espèce où une pièce importante leur a été dissimulée et que le tribunal a fondé exclusivement sa décision sur ladite pièce ; que d’autre part, le tribunal arbitral, statuant sur l’abus de minorité reproché aux requérants, a cru devoir s’appuyer sur un document versé au dossier de la procédure après la clôture des débats, en l’occurrence, la lettre du notaire, sans prendre aucune disposition dans le cadre de leur ordonnance de procédure n°4, pour permettre que s’établisse entre les parties, une libre discussion sur ce document ; qu’il s’est écoulé six mois entre la production de ce document et la transmission du projet de sentence, temps largement suffisant pour permettre aux arbitres de requérir leurs observations sur cette pièce ; que c’est de manière délibérée que le tribunal arbitral s’est permis de soustraire ladite pièce qu’il avait jugée essentielle à la détermination de sa décision sur l’abus de minorité, à leur observation ; qu’enfin, les requérants reprochent au tribunal arbitral d’avoir accepté les demandes reconventionnelles des défendeurs tendant à leur faire supporter les frais exposés par les défendeurs, incluses- pourtant- au nombre de celles que le tribunal prétendait avoir rejetées comme nouvelles et tardives, ce qui est constitutif d’un manquement au principe du contradictoire et constitue une contrariété entre les motifs et le dispositif de la décision attaquée et donnera lieu à l’annulation de la sentence en cause ;
Mais attendu que le principe du contradictoire suppose que chacune des parties ait été mise en mesure de discuter l'énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés ; qu’en l’espèce, il résulte des pièces de la procédure que la lettre du notaire leur a été communiquée durant les débats et qu’ils se sont même librement prononcés sur ladite pièce ; qu’ainsi, contrairement aux affirmations des requérants, il ne résulte pas des pièces de la procédure qu’il y ait eu soustraction des pièces ou que les parties n’ont pas été mises en état de faire connaitre tout ce qui est nécessaire au succès de leur demande ou de leur défense ni que la sentence contestée a été rendue sur la base exclusive de la lettre du notaire ;
Attendu qu’enfin, il ne résulte aucune contradiction à ce que le tribunal qui a rejeté les demandes reconventionnelles de la SNH et de son personnel tendant à faire supporter par les requérants les frais par eux exposés dans le cadre de la procédure d’arbitrage, comme étant nouvelles et qu’il se soit prononcé sur ces mêmes demandes, car il a l’obligation légale en application de l’article 24 du règlement précité de liquider les frais de l’arbitrage et de décider à laquelle des parties le paiement incombe, ou dans quelle proportion ils sont partagés entre elles ; qu’il suit que ce moyen, non plus, ne saurait prospérer ;
Sur les dépens
Attendu que les requérants succombant, il y a lieu en application de l’article 43-3 du Règlement de procédure de la Cour de céans, de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré,
En la forme
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Déclare le recours en contestation de validité de la sentence arbitrale du 15 janvier 2014 recevable ;
Au fond
Le rejette comme non fondé ;
Condamne les requérants aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef