La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/10/2015 | OHADA | N°104/2015

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 15 octobre 2015, 104/2015


MISSION DES ARBITRES - CONCILIATION PREALABLE – DEMANDE DE CONCILIATION FORMULEE PAR UNE PARTIE – PAS DE MANQUEMENT A LA MISSION DU TRIBUNAL
CONTRADICTOIRE – PIECES COMMUNIQUEES A TOUTES LES PARTIES QUI ONT ETE EN MESURE D’EN DISCUTER : CONTRADICTOIRE RESPECTE ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL – ANNULATION D’UN DECRET PAR LA SENTENCE – VIOLATION DE L’ORDRE PUBLIC : ANNULATION DE LA SENTENCE - REJET DU RECOURS EN CONTESTATION DE VALIDITE : EXEQUATUR DE LA SENTENCE
Il y a lieu pour la CCJA, saisie sur la même sentence d’une requête en exequatur et d’un recours en contesta

tion de validité, d’ordonner la jonction de ces procédures pour être statué...

MISSION DES ARBITRES - CONCILIATION PREALABLE – DEMANDE DE CONCILIATION FORMULEE PAR UNE PARTIE – PAS DE MANQUEMENT A LA MISSION DU TRIBUNAL
CONTRADICTOIRE – PIECES COMMUNIQUEES A TOUTES LES PARTIES QUI ONT ETE EN MESURE D’EN DISCUTER : CONTRADICTOIRE RESPECTE ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL – ANNULATION D’UN DECRET PAR LA SENTENCE – VIOLATION DE L’ORDRE PUBLIC : ANNULATION DE LA SENTENCE - REJET DU RECOURS EN CONTESTATION DE VALIDITE : EXEQUATUR DE LA SENTENCE
Il y a lieu pour la CCJA, saisie sur la même sentence d’une requête en exequatur et d’un recours en contestation de validité, d’ordonner la jonction de ces procédures pour être statué par une seule et même décision conformément à l’article 30.3 du Règlement d’arbitrage, eu égard au lien étroit de connexité de ces deux procédures et pour une bonne administration de la justice. C’est à bon droit que le demandeur a sollicité l’exéquatur au Président de la CCJA et non à la Cour, dès lors qu’à la date de sa demande, le recours en contestation de validité de la sentence arbitrale n’avait pas encore été introduit par la partie adverse ; dans ces conditions, aux termes des dispositions des articles 30.2, 30.4 et 30.5 du Règlement d’arbitrage de la Cour de céans, seul le Président de ladite CCJA ou le Juge par lui délégué à cet effet est habilité, par une procédure non contradictoire, à accorder ou refuser l’exéquatur par ordonnance motivée. Il échet donc de déclarer, en la forme, cette requête aux fins d’exéquatur recevable. Le tribunal arbitral n’a pas statué sans se conformer à sa mission relativement à la recherche d’un règlement amiable, dès lors qu’il résulte de la sentence qu’une partie a sollicité un règlement amiable du différent par lettres et qu’à l’inverse, l’autre partie a suspendu unilatéralement la convention, entraînant ainsi l’impossibilité de l’exécuter. Le principe du contradictoire a été respecté à l’égard de la partie qui a eu connaissance de la procédure et a déposé un mémoire en réponse. S’il est constant qu’une juridiction arbitrale est compétente pour connaître des litiges engendrés par l’exercice par un Etat de ses prérogatives de puissance publique, autant que cet Etat peut recourir à l’arbitrage relativement à ses droits, ce pouvoir juridictionnel ne doit se limiter qu’à la question des réparations dues à une personne physique ou morale privée, consécutives à des dommages résultant de l’exercice de ces prérogatives de puissance publique, sans avoir à juger de la validité des actes pris par l’Etat dans l’exercice de ses prérogatives. Il s’ensuit que la sentence qui, au lieu de se limiter aux condamnations
2
pécuniaires, a déclaré qu’un décret est de nul effet sur la convention des parties et par conséquent, décidé que ladite convention n’est pas suspendue du fait de ce décret a contrarié l’ordre public international et encourt l’annulation. Il y a lieu de rejeter la demande d’exequatur d’une sentence devant être annulée. ARTICLE 25 TRAITE OHADA ARTICLE 19.3 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA ARTICLE 29.2 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA ARTICLE 30 REGLEMENT D’ARBITRAGE CCJA CCJA, Ass. plén., n° 104/2015 du 15 octobre 2015 ; Req. n° 094/2014/PC du 21/05/2014 ; Rec. n° 099/2014/PC du 30/05/2014 : Etat du Bénin représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor c/ Société Commune de Participation, Patrice TALON.

Arrêt N° 104/2015 du 15 octobre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), en Assemblée plénière, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 15 octobre 2015 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE SAMBA, Président, rapporteur Abdoulaye Issoufi TOURE Premier Vice-président Madame Flora DALMEIDA MELE, Seconde Vice-présidente Messieurs Namuano Francisco Dias GOMES, Juge
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge Idrissa YAYE, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge Birika Jean-claude BONZI, Juge Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ;
Sur les procédures suivantes : 1/ - la requête, enregistrée au greffe de la Cour de céans le 21 mai 2014 sous le n° 094/2014/ PC, introduite par Maîtres Jules AVLESSI, Avocat à la cour d’appel d’Abidjan, demeurant au II Plateaux, boulevard des Martyrs, résidence Sicogi Latrille B, bâtiment O, porte 174, 01 BP 8643 Abidjan 01 ; SCPA FDKA, avocats à la Cour d’appel d’Abidjan, demeurant et domicilié ès qualité à la résidence « Les Harmonies », rue du Docteur Jamot, Abidjan-Plateau (Côte d’Ivoire), 01 BP 2297 Abidjan 01 ; Maître Bernard PARAÏSO, Avocat près la Cour d’appel de Cotonou (Benin) demeurant et domicilié ès qualité à Cotonou, 137/A, avenue Mgr STEINMETZ, 01 BP 50, RP, Cotonou, élisant domicile pour la suite de la procédure au cabinet de Maître Jules AVLESSI, avocat à la cour d’appel d’Abidjan, agissant au nom et pour le compte de :
- la Société Commune de Participation dont le siège social est sis à l’immeuble SDI, Toklégbé PK 7 route de Porto-Novo (Cotonou) et immatriculée au RCCM de Cotonou sous le n° RB/COT/07B 1968,
3
Et - Patrice TALON, né le 01er mai 1958 à ABOMEY, de nationalité béninoise,
Administrateur de Société, domicilié à l’immeuble SDI, Toklégbé PK 7 route de Porto-Novo (Cotonou),
aux fins d’exequatur de la sentence arbitrale rendue le 13 mai 2014 par le tribunal arbitral composé de Maître KOYO Sylvère, Docteur DIENG Amadou, co-arbitres et Docteur THERA Fatoma, Président ;
2/- le recours, enregistré au greffe de la Cour le 30 mai 2014 sous le numéro 099/2014/PC, formé par l’Etat du Bénin représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor, demeurant et domicilié en ses bureaux sis à la Direction Générale du Trésor et de la Comptabilité Publique, route de l’aéroport 01 BP 410 Cotonou et assisté de Maître Sadikou Ayo ALAO, avocat inscrit au Barreau du BENIN, résidence Ayo, Haie-Vive Cotonou, 01 BP 4424, agissant au nom et pour le compte de l’Etat du Bénin, en contestation de validité de la sentence sus-indiquée, dont le dispositif suit :
« Par les motifs analysés et exposés ci-dessus ; LE TRIBUNAL ARBITRAL, Ecartant et rejetant toutes autres demandes et défenses,
• Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par le défendeur ; • Constate les manquements et la faute contractuelle de l’Etat du Bénin ; • Constate que ces manquements ont causé des préjudices financiers et un
préjudice moral ; • Dit les demandes de la SCP et de Monsieur Patrice TALON recevables et bien
fondées ; • Enjoint à l’Etat du Bénin de permettre à la SODECO d’exercer son objet
principal qui a nécessité sa création, dans les termes et conditions convenus, notamment l’achat du coton-graine, son égrenage et la vente des fibres et graines de coton issues de l’égrainage avec notification expresse au plus tard le 01er octobre 2014, date de démarrage des activités de la prochaine campagne cotonnière pour les sociétés d’égrenage, et ce, sous astreintes comminatoires de sept cent cinquante millions (750.000.000) de Francs CFA par jour de retard à compter du 01er octobre 2014 ;
• Dit que le Tribunal ne peut être saisi pour ce qui est de la liquidation de l’astreinte ;
• Constate que la totalité des 48,9% des actions détenues par l’Etat du Bénin a été automatiquement cédée à la date du 2 octobre 2013 à la SCP qui en est devenue propriétaire et en a la pleine jouissance depuis cette date ;
• Autorise que le règlement du prix de cession automatique des actions, soit douze milliards quatre cent cinquante quatre millions cent quarante mille cinq cent dix(12.454.140.510) francs CFA, soit opéré par compensation avec les créances liquides et exigibles que la SCP détient ou détiendra sur l’Etat du Bénin, telles qu’elles résultent des condamnations ci-après prononcées ;
• Rejette la demande de la SCP et de Monsieur Patrice TALON aux fins de conférer à la présente sentence un titre de propriété de ces actions ;
• Déclare la décision prise par l’Etat du Bénin de reprise des 17,5% d’actions de nul effet juridique ;
• Décide que le décret n° 2013-485 du 18 novembre 2013 est de nul effet sur la convention de création de la SODECO en date du 10 octobre 2008 et par conséquent, décide que ladite convention n’est pas suspendue du fait de ce décret ;
• Condamne le Défendeur à payer aux Demandeurs les sommes ci-après :
4
• Treize milliards deux cent quarante six millions neuf cent quarante neuf mille deux cent cinquante(13.265.949.250) Francs CFA à la SCP et à Monsieur Patrice TALON, au titre du préjudice financier pour la campagne 2012-2013 ;
• Cinq milliards huit cent quatre vingt huit millions cinq cent soixante huit mille huit cent quarante sept(5.888.568.847) Francs CFA à la SCP et à Monsieur Patrice TALON, au titre du préjudice financier pour la campagne 2013-2014 ;
• Trois milliards(3.000.000.000) Francs CFA au titre du préjudice moral subi par Monsieur Patrice TALON ;
• Dit que les frais d’arbitrage, fixés à quatre vingt dix neuf millions quatre cent quarante quatre mille (99.444.000) Francs CFA seront intégralement supportés par le Défendeur ;
• Condamne le Défendeur à payer aux demandeurs la somme de quatre cent cinq millions (405.000.000) Francs CFA au titre de leurs frais raisonnables de défense. » ;
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président ;
Vu le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Vu le Règlement d’arbitrage de ladite Cour ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’au courant de l’année
1995, l’Etat du Bénin a procédé à la libéralisation de la filière coton en l’ouvrant au secteur privé et a lancé un appel d’offres ;
Que la Société Commune de Participation S.A (SCP), dont le capital est détenu en
totalité par Monsieur Patrice TALON, a été déclarée adjudicataire pour l’acquisition de 33,5% des parts sociales qu’elle a libérées en numéraires, tandis que l’Etat conserve 66,5% du capital, constitués d’apports en nature portant sur l’outil industriel de l’ancienne société SONAPRA ;
Que le 07 octobre 2008, un décret a constitué « une société d’économie mixte
dénommée SODECO » (Société pour le Développement du Coton) ; Que le 10 octobre 2008, l’Etat du Bénin et Monsieur Patrice TALON ont conclu,
conformément aux dispositions du règlement de l’appel d’offres, la « Convention de création de la Société pour le Développement du Coton » (SODECO), dont l’objet social principal est l’égrenage du coton- graine, la commercialisation et la transformation de produits et sous- produits du coton-graine ainsi que la contribution au développement durable de la production du coton ; que l’article 4 du décret du 07 octobre 2008 soumet la SODECO à une gestion de type privé ;
Attendu qu’en application de l’article 3 de la convention déterminant une répartition
des actions, évolutive dans le temps, il a été procédé le 24 décembre 2009 par devant Maître Francine E. VITTIN, Notaire à Cotonou, à la cession au bénéfice de la SCP, de 17,5% d’actions que l’Etat détenait en portage pour le compte du public, celui-là n’ayant pas réalisé la « promesse irrévocable et sans réserve » de cession à la SCP desdites actions en portage ;
Que les 25, 28, 29 avril 2012 et le 27 juin 2012, l’Etat du Bénin a pris une série d’actes règlementaires remettant en cause les différents Accords conclus avec les partenaires sociaux de la filière-coton et a ressuscité la SONAPRA qui a repris le monopole des activités
5
cotonnières en assurant pour le compte de l’Etat l’approvisionnement et la distribution des intrants, le suivi de la campagne de production, l’organisation et le suivi de la commercialisation du coton-graine et la gestion de flux physiques et financiers ;
Que dès juillet 2012, la SODECO et d’autres sociétés d’égrainage ont adressé plusieurs
correspondances aux membres du Gouvernement compétents pour s’enquérir du déroulement des activités cotonnières de la campagne 2012-2013 ;
Que de son côté, la SCP et Monsieur Patrice TALON ont adressé successivement les
14, 16 et 24 mai 2013 des lettres à l’Agent Judiciaire du Trésor pour lui solliciter, suite à la décision du 27 juin 2012, un règlement amiable du différend qui les oppose ;
Que par lettre du 17 septembre 2013, le Secrétaire Général du Gouvernement a notifié à
la SCP la décision de l’Etat du Bénin de renoncer à la cession des 48,9% d’actions qu’il détient en propre et en portage dans le capital de la SODECO ;
Qu’en réponse à cette renonciation, la SCP a écrit à l’Etat du Bénin le 10 octobre 2013,
non seulement pour contester la renonciation, mais surtout pour l’inviter encore à un règlement amiable dans le respect de l’article 11 de la convention de création de la SODECO ;
Que c’est alors qu’en réplique, l’Etat du Bénin a décidé le 12 novembre 2013, au
détriment de la SCP, du retrait et la reprise du portage par lui des 17,5% d’actions de la SODECO ;
Que le 22 novembre 2013, la SCP s’est vue notifier le décret 2013-485 portant
suspension de la Convention portant création de la SODECO ;
Attendu que la SCP et Patrice TALON, se fondant sur l’article 11 de la convention, ont saisi le centre d’arbitrage de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage d’une demande d’arbitrage ;
Que le tribunal arbitral constitué sous l’égide de ladite Cour, a rendu la sentence sus-
énoncée ;
Sur la jonction des procédures Attendu que la Cour de céans étant saisie sur la même sentence arbitrale d’une requête
en exequatur et d’un recours en contestation de validité, il y a lieu, conformément à l’article 30.3 du Règlement d’arbitrage et au regard du lien de connexité entre les deux procédures, d’ordonner leur jonction pour être statué par une seule et même décision ;
Sur la recevabilité de la requête aux fins d’exequatur Attendu que par mémoire en défense en date du 21 juillet 2014, reçu au greffe de la
Cour de céans le 22 juillet 2014, signé par le Bâtonnier Joachim BILE-AKA, l’Etat du Bénin soulève, in limine litis, l’irrecevabilité de la requête aux fins d’exequatur, motifs pris de ce qu’elle est adressée au Président de la Cour et non à la Cour ; que subsidiairement, il sollicite la jonction des deux procédures et le rejet de la demande d’exequatur en application des dispositions de l’article 30.6 du Règlement d’arbitrage de la Cour de céans ;
Mais attendu qu’il résulte des pièces de la procédure que la Société Commune de
Participation et Monsieur Patrice TALON ont sollicité l’exequatur de la sentence arbitrale
6
litigieuse par la requête sus évoquée enregistrée à la Cour de céans le 21 mai 2014 ; qu’à cette date le recours en contestation de validité de la sentence arbitrale n’avait pas encore été introduite par l’Etat du Bénin ; que dans ces conditions, aux termes des dispositions des articles 30.2, 30.4 et 30.5 du Règlement d’arbitrage de la Cour de céans, seul le Président de ladite Cour ou le Juge par lui délégué à cet effet est habilité, par une procédure non contradictoire, à accorder ou refuser l’exequatur par ordonnance motivée ; que c’est donc à bon droit que les demandeurs ont sollicité l’exequatur au Président de la Cour et non à la Cour ; qu’il échet dès lors déclarer, en la forme, cette requête aux fins d’exéquatur recevable ;
Sur la contestation de la validité de la sentence
Attendu que pour contester la validité de la sentence arbitrale du 13 mai 2014, l’Etat du Bénin soulève trois motifs : le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée ; le tribunal a violé le principe du contradictoire ; le tribunal a violé l’ordre public international ;
Attendu que par correspondance en date du 20 juin 2014, confirmée par une autre du 08
juillet 2014, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 358 et versées au dossier, la SCP et Monsieur Patrice TALON « n’estiment pas utile de déposer un mémoire en réponse, préférant s’en remettre à la clairvoyance de la Haute Cour pour constater que ledit recours est irrecevable » ; que cependant, à l’audience du 18 juin 2015 où l’affaire a été retenue et plaidée, en l’absence des avocats de l’Etat du Bénin ayant préféré quitter la salle d’audience après la décision d’irrecevabilité de leur requête en récusation de tous les juges de la CCJA, la Société Commune de Participation et Monsieur Patrice TALON ont conclu, par le canal de leurs conseils, au rejet du recours en contestation de validité de la sentence introduit par l’Etat du Bénin ;
Sur le premier motif de contestation tiré du non-respect par le tribunal
arbitral de sa mission Attendu que l’Etat du Bénin conteste la validité de la sentence, estimant que le
Tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée, en ce que le Tribunal relève, d’une part, que la recherche de règlement amiable ne constitue pas un préalable obligatoire au recours à l’arbitrage ; que d’autre part, il y a eu de la part des demandeurs une réelle volonté de rechercher de bonne foi un règlement amiable ; alors que le Tribunal arbitral devait, d’abord, s’assurer du respect par les deux parties du préalable obligatoire de règlement amiable prévu à l’alinéa 1er de l’article 11 de la Convention de création de la SODECO du 10 octobre 2008 et ensuite, rechercher et apprécier la volonté de règlement amiable auprès des deux parties et non d’une seule ;
Mais attendu qu’il résulte de la sentence arbitrale querellée que :
- les demandes d’éclaircissements formulées en juillet 2012 par la SODECO et d’autres sociétés d’égrainage adressées aux membres du Gouvernement compétents pour s’enquérir du déroulement des activités cotonnières de la campagne 2012-2013 ,
- les lettres de la SCP et Monsieur Patrice TALON adressées successivement les 14, 16 et 24 mai 2013 à l’Agent Judiciaire du Trésor pour demander, suite à la décision du 27 juin 2012, un règlement amiable du différend qui les oppose,
- la lettre de la SCP du 10 octobre 2013 contestant la renonciation de l’Etat du Bénin à la cession des 48,9% d’actions en portage et invitant celui-ci à un règlement amiable dans le respect de l’article 11 de la Convention de création de la SODECO,
sont toutes des éléments qui prouvent à suffisance la volonté réelle des défendeurs à la contestation d’aboutir à un règlement amiable ;
7
Et qu’à l’inverse :
- la lettre du 17 septembre 2013 du Secrétaire Général du Gouvernement notifiant à la SCP la décision de renoncer à la cession des 48,9% d’actions,
- le retrait et la reprise du portage par l’Etat du Bénin des 17,5% d’actions au détriment de la SCP,
- le décret 2013-485 du 22 novembre 2013 portant suspension de la Convention portant création de la SODECO,
traduisent l’impossibilité d’exécuter ce préalable ; qu’ainsi, en statuant comme il l’a fait, le tribunal arbitral ne s’est pas écarté de sa mission ; qu’il y a lieu de rejeter comme non fondé ce premier motif de contestation ;
Sur le deuxième motif de contestation tiré du non-respect du principe du
contradictoire Attendu que l’Etat du Bénin fait grief au tribunal arbitral d’avoir violé le principe du
contradictoire, en ce qu’il a attribué aux demandeurs à la procédure arbitrale des préjudices qui leur sont étrangers, alors que le principe du contradictoire implique que même en l’absence d’une partie, le juge ou l’arbitre s’assure de ce que la demande formulée par la partie comparante est justifiée ;
Mais attendu qu’il y a lieu de relever que ce motif est conçu en de termes vagues, sans
spécifier de quelle « demande formulée par la partie comparante » il s’agit, ni de quels « préjudices qui leur sont étrangers » ont profité aux demandeurs ;
Qu’en outre, le principe du contradictoire a été respecté à l’égard de l’Etat du Bénin qui, a eu connaissance de la procédure, a même déposé un mémoire en réponse ; que le deuxième motif doit également être rejeté comme non fondé ;
Sur le troisième motif de contestation tiré de la contrariété de la sentence à l’ordre public international Attendu que l’Etat du Bénin reproche au tribunal arbitral d’avoir violé l’ordre public international, en ce qu’il a, non seulement fait injonction à l’Etat d’exécuter une obligation, notamment de laisser poursuivre l’exécution du contrat, mais surtout en allant plus loin pour annuler le décret n° 2013-485 du 18 novembre 2013, pris par un Etat souverain ;
Attendu en effet que s’il est constant qu’une juridiction arbitrale est compétente pour connaître des litiges engendrés par l’exercice par un Etat de ses prérogatives de puissance publique, autant que cet Etat peut recourir à l’arbitrage relativement à ses droits, ce pouvoir juridictionnel ne doit se limiter qu’à la question des réparations dues à une personne physique ou morale privée, consécutives à des dommages résultant de l’exercice de ces prérogatives de puissance publique, sans avoir à juger de la validité des actes pris par l’Etat dans l’exercice de ses prérogatives ;
Qu’en l’espèce, la sentence arbitrale du 13 mai 2014, au lieu de ne se limiter qu’aux condamnations pécuniaires, a déclaré que « le décret n° 2013-485 du 18 novembre 2013 est de nul effet sur la convention de création de la SODECO en date du 10 octobre 2008 et par conséquent, décide que ladite convention n’est pas suspendue du fait de ce décret »; que ce faisant, cette sentence a contrarié l’ordre public international ; qu’il échet de prononcer son annulation ;
Sur la demande d’exequatur
8
Attendu que la sentence arbitrale devant être annulée, il y a lieu de rejeter la demande d’exequatur de ladite sentence ;
Sur les dépens Attendu que la SCP et Patrice TALON ayant succombé, il y a lieu, en application de
l’article 43-3 du Règlement de procédure de la Cour de céans, de les condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Ordonne la jonction des procédures de demande d’exéquatur et en contestation de
validité de la sentence arbitrale attaquée ; Annule la sentence arbitrale du 13 mai 2014 ; Rejette la demande d’exequatur ; Dit que la procédure arbitrale sera reprise à la requête de la partie la plus diligente ; Condamne la SCP et Patrice TALON aux dépens ; Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président Le Greffier en chef


Synthèse
Numéro d'arrêt : 104/2015
Date de la décision : 15/10/2015

Analyses

ARBITRAGE - INSTITUTIONNEL CCJA JONCTION DE PROCÉDURES - REQUÊTE EN EXEQUATUR SUIVIE D'UN RECOURS EN CONTESTATION DE VALIDITÉ - CONNEXITÉ : JONCTION REQUÊTE EN EXÉQUATUR ADRESSÉE AU PRÉSIDENT AVANT RECOURS EN CONTESTATION DE VALIDITÉ : RECEVABILITÉ MISSION DES ARBITRES - CONCILIATION PRÉALABLE - DEMANDE DE CONCILIATION FORMULÉE PAR UNE PARTIE - PAS DE MANQUEMENT À LA MISSION DU TRIBUNAL CONTRADICTOIRE - PIÈCES COMMUNIQUÉES À TOUTES LES PARTIES QUI ONT ÉTÉ EN MESURE D'EN DISCUTER : CONTRADICTOIRE RESPECTE ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL - ANNULATION D'UN DÉCRET PAR LA SENTENCE - VIOLATION DE L'ORDRE PUBLIC : ANNULATION DE LA SENTENCE - REJET DU RECOURS EN CONTESTATION DE VALIDITÉ : EXEQUATUR DE LA SENTENCE


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2015-10-15;104.2015 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award