ARRET N°111/2015 du 22 octobre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 octobre 2015 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
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Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 19 août 2010 sous le n°073/2010/PC et formé par la SCPA Kakou & Doumbia, Avocats à la cour, demeurant à Abidjan, Cocody Saint Jean, 77, Boulevard de France, Villa n°13, 16 B.P. 153 Abidjan 16, agissant au nom et pour le compte de Monsieur DIALLO SEKOU, Directeur de société, exerçant sous la dénomination de l’Entreprise Individuelle Technique Sécurité Auto, sise à Abidjan Treichville, 15 BP 815 Abidjan 15, dans la cause qui l’oppose à Monsieur FALL Ibnou et 4 autres, ayant élu domiciles en l’Etude de leur conseil, Maître Koffi A. Anne Dominique, Avocat à la cour, sise à Abidjan, 35, Rue de Commerce, Immeuble Colina Africa- Vie, 04 BP 460 Abidjan 04, et Maître Ayepo Vincent, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan Plateau, Avenue Daudet, Immeuble Daudet, 4ème étage, porte 41
En cassation de l’Arrêt n°476, rendu le 31 juillet 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan et
dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme :
- Reçoit Diallo Sékou en son appel ;
Au fond : - L’y dit mal fondé ; l’en déboute ; - Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions ; - Le condamne aux dépens »
Attendu que le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de
cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en date du 13 juin 2007, les consorts FALL, ayants-droit de feu FALL Abdoulaye, donnaient à leur locataire, sieur DIALLO Sékou, un congé à l’issue duquel il devait libérer les locaux loués afin de leur permettre de « démolir le bâtiment qui existe actuellement pour le remplacer par un autre plus moderne répondant aux normes de sécurité » ; que le preneur a, par exploit d’huissier du 16 octobre 2007, contesté ledit congé ; que le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau, sur saisine des consorts FALL, a validé le congé et ordonné l’expulsion du locataire par jugement n°3143/CIV4B du 30 décembre 2008 ; que, sur appel du locataire, la Cour d’Abidjan a rendu l’arrêt confirmatif n°476 du 31 juillet 2009 dont pourvoi ;
Sur l’exception d’irrecevabilité tirée de l’article 28 du Règlement de Procédure de la Cour de céans
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Attendu que dans leur mémoire en réponse, les défendeurs sollicitent de la Cour qu’elle déclare irrecevable le pourvoi formé par sieur Sékou DIALLO, aux motifs que celui-ci n’a pas indiqué dans la requête, comme l’exige l’article 28 susmentionné, son domicile propre mais plutôt l’adresse de l’entreprise individuelle « Technique Sécurité Auto », entité dépourvue de la personnalité juridique ;
Mais attendu que l’entreprise individuelle, n’ayant pas de personnalité juridique, se confond avec la personne de son promoteur ; qu’ainsi le fait pour le requérant d’indiquer l’adresse de « Technique Sécurité Auto » comme étant son domicile ne contrevient en rien aux dispositions de l’article 28 susvisé ; qu’il échet donc de dire que le pourvoi est recevable ; Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 95 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général (non révisé)
Attendu que monsieur DIALLO Sékou reproche à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article visé au moyen, en ce qu’il a validé le congé et son expulsion des lieux loués, motif pris de ce que le congé est régulier et que rien dans le texte de la loi n’impose que la nature et la description des travaux envisagés soient précisées par un architecte ou un expert en la matière, alors, selon le moyen, que lesdits travaux ne nécessitent pas l’expulsion de l’occupant et qu’aux termes de la loi, le bailleur ne peut priver le preneur de l’usage des locaux que s’il envisage de démolir l’immeuble pour le reconstruire et, dans ce cas, il devra justifier de la nature des travaux et en donner une description précise ;
Attendu en effet qu’aux termes de l’article 95, alinéa 1er -2) de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, « le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail (…) sans avoir à régler d’indemnité d’éviction, dans les cas suivants : (…) s’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués et de le reconstruire. Le bailleur devra, dans ce cas, justifier de la nature et de la description des travaux projetés » ;
Attendu qu’en l’occurrence, le bailleur a lui-même spécifié qu’il s’agit d’une
démolition ; que, dès lors, le régime prévu à l’article 74 du même Acte uniforme doit être exclu ; qu’or il ressort des pièces du dossier de la procédure que la nature et la description des travaux envisagés à la suite de la démolition de l’immeuble ne sont pas justifiées conformément à l’article 95 précité ; que, contrairement aux énonciations de l’arrêt attaqué, cette justification ne peut se faire que par un homme de l’art ; qu’en approuvant la validité du congé et l’expulsion corrélative du locataire, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 95 et fait encourir la cassation à sa décision ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser le deuxième moyen ;
Sur l’évocation
Attendu que, par exploit en date du 21 janvier 2009, monsieur DIALLO Sékou relevait appel contre le jugement n°3143/CIV4B rendu le 30 décembre 2008 par le tribunal de première Instance d’Abidjan Plateau dans l’affaire l’opposant aux consorts FALL et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;
- Déclare irrecevable l’exception d’irrecevabilité soulevée par monsieur DIALLO
SEKOU ;
- Reçoit en revanche l’action des ayants-droit de FALL ABDOULAYE ;
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- Les y dit fondés ;
- Valide le congé en date du 13 juin 2007 servi à DIALLO SEKOU ;
- Ordonne son expulsion des lieux qu’il occupe tant de sa personne, de ses biens
que de tout occupant de son chef ;
- Le condamne à payer aux demandeurs la somme de de 200 000 FCFA au titre d’arriérés de loyers ;
- Ordonne l’exécution provisoire de la décision nonobstant toutes voies de
recours ;
- Condamne le défendeur aux dépens » ;
Qu’au soutien de son appel, il demande à la Cour d’infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de dire et juger non valide le congé servi à monsieur DIALLO Sékou et de dire et juger qu’il n’est redevable d’aucune somme au titre d’arriérés de loyer ; qu’il expose qu’en date du 13 juin 2007, les intimés lui ont donné congé aux fins de libérer un local à usage commercial, à lui donné à bail par feu FALL Abdoulaye ; qu’estimant que ce congé était le pendant d’une action précédente en expulsion dans laquelle les intimés ont été déboutés par la Cour d’appel d’Abidjan, il l’a contesté ; que c’est suite à cette contestation qu’il a été assigné à nouveau en expulsion pour cause de démolition ; que le congé servi revêt un caractère fantaisiste et ne comporte aucun justificatif de la nature et de la description des travaux à effectuer ; que la religion des premiers juges a été surprise sur la base d’un document établi par une personne qui n’est ni architecte, ni expert immobilier agréé dont les actes feraient foi ; qu’en plus, le tribunal l’a condamné à payer un arriéré de loyer du mois de juillet 2008, alors qu’il a effectivement payé ce loyer ainsi que le prouve le reçu de payement versé au dossier ; qu’il sollicite l’infirmation du jugement querellé, rendu sans base légale et en violation de l’article 95 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;
Attendu que les consorts FALL, en réplique, expliquent que l’immeuble donné à bail étant dans un état de dégradation très avancée, ils ont servi un exploit de congé de six mois au locataire d’avoir à libérer les lieux aux fins de les réhabiliter pour éviter tout risque d’effondrement ; que l’Acte uniforme ne prescrit pas que l’état de dégradation du bâtiment à réhabiliter soit établi par un expert agréé ou par un architecte ; que, s’agissant des loyers, ils estiment que le locataire n’a pas rapporté la preuve des paiements effectués ; qu’ils concluent à la confirmation jugement déféré ;
Attendu qu’il ressort de l’examen des pièces versées au dossier de la procédure que, non seulement la description des travaux envisagés à la suite de la démolition de l’immeuble n’est pas faite conformément à l’article 95 ci-dessus cité, mais que les travaux réalisés sur l’immeuble sont des travaux de réfection qui ne peuvent s’analyser en la démolition prescrite par la loi ; qu’en outre, le locataire a prouvé le paiement du loyer de juillet 2008 ; qu’ainsi, pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, tiré de la méconnaissance de l’article 95, il y a lieu d’infirmer le jugement n°3143/CIV4B rendu le 30 décembre 2008 par le Tribunal de première instance d’Abidjan Plateau en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, d’invalider le congé servi le 13 juin 2007 à monsieur DIALLO Sékou ; qu’en conséquence, il n’y a pas lieu à son expulsion ;
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Attendu que les consorts FALL ayant succombé, seront condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
- Casse l’Arrêt n°476 rendu le 31 juillet 2009 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond :
- Infirme en toutes ses dispositions le jugement n°3143/CIV4B rendu le 30 décembre 2008 par le Tribunal de première Instance d’Abidjan Plateau ;
- Dit n’y avoir lieu à expulsion de Monsieur DIALLO Sékou des locaux loués ;
- Condamne les consorts FALL aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier