ARRET N° 113/2015 du 22 octobre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 octobre 2015 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président, rapporteur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 22 septembre 2011 sous le n°080/2011/PC et formé par la SCPA ESSIS-KOUASSI-ESSIS, sise à Cocody Les II Plateaux, Rue des Jardins, Sainte Cécile, 16 BP 610 Abidjan 16, agissant au nom et pour le compte de d’Etat de Côte d’Ivoire représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor demeurant à Abidjan-Plateau BP V 98 Abidjan, dans la cause l’opposant à Beta Consulting International Société Civile Professionnelle dont le siège est à Abidjan-Plateau, 1, Avenue Marchand,
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Immeuble Longchamp, 16 BP 1776 Abidjan 16, ayant pour conseil Maître Franck TABA, Avocat à la Cour, 08 BP 1183 Abidjan 08,
en cassation de l’arrêt n°158 rendu le 25 mars 2011 par la Cour d’appel d’Abidjan et
dont le dispositif est le suivant : « Statuant sur le siège, publiquement, contradictoirement, en matière de voies
d’exécution et en dernier ressort ; En la forme Déclare l’Etat de Côte d’Ivoire recevable en son appel relevé du jugement n°1536
rendu 03 juin 2010 par le tribunal de première instance d’Abidjan ; Au fond L’y dit mal fondé et l’en déboute ; Confirme ledit jugement… » ; Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation, tel qu’il
figure à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Abdoulaye Issoufi TOURE, Premier Vice Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 21 mars 2000, le
Président de la République de Côte d’Ivoire, signait divers ordres de mission autorisant le Cabinet Beta Consulting à entreprendre des audits de neuf ministères et cent trente sept (137) sociétés d’Etat dans le but de réduire les coûts de fonctionnement et d’améliorer les revenus de ces services ; que lesdits ordres de mission précisaient que la rémunération du cabinet est fixée à 30% net de tous impôts, droits et taxes du montant des économies réalisées et effectivement encaissées et que la mission est prévue pour une durée de deux ans renouvelable et fera l’objet d’un contrat déclaratif ultérieur ; que cependant dès le 09 juin 2000, le Premier Ministre invitait le cabinet à surseoir à cette mission ; que le sursis ayant perduré, Beta a saisi le Président de la République aux fins de dédommagement pour un montant de 3.068.998.400 F sur la base d’une facture en date du 03 août 2000 ; que le 18 août 2000, le Président de la République adressait un courrier au premier Ministre, l’informant de son accord et l’invitant à présenter en conseil des Ministres, une communication motivée en vue du paiement ; que Beta qui n’a plus reçu de suite , saisissait le Président du Tribunal de première instance aux fins d’injonction de payer la somme de 4.955.021.272 ; que l’ordonnance qui a fait droit à cette requête a été déclarée bien fondée par jugement du 03 juin 2010, lui-même confirmé par l’arrêt dont pourvoi ;
Sur le moyen unique tiré de la violation de la loi, de l’erreur dans son application
et son interprétation
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Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir confirmé le jugement n°1536 du 03 juin 2010 au motif que l’indemnité allouée à la société Beta Consulting, étant consécutive à la résiliation du mandat, a une cause contractuelle et que son recouvrement peut faire l’objet des articles 1er et 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution alors que l’accord qui a lié l’Etat de Côte d’Ivoire à la Société Beta a expressément stipulé que le prestataire serait rémunéré à hauteur de 30 % sur les économies effectivement réalisées ; que par ailleurs les réclamations de la société Beta relèvent des règles de la responsabilité administrative ;
Attendu en effet, que, si la société Beta a entrepris des audits sur ordres de mission, il
reste que ces ordres avaient bien prévu que la mission fera l’objet d’un contrat déclaratif ultérieur et que la rémunération sera fixée à 30% des économies réalisées et effectivement encaissées ; que donc la somme de 3.068.998.400 F n’a aucune cause contractuelle ; qu’elle a été unilatéralement fixée par Beta et accordée par le Président de la République sous une réserve jamais réalisée ; que l’arrêt entrepris en reconnaissant le caractère contractuel à cette créance, a, sans nul doute violé l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il échet de le casser et d’évoquer ;
Sur l’évocation Attendu que par exploit d’huissier en date du 05 juillet 2010 l’Etat de Côte d’Ivoire a
relevé appel du jugement n°1536 rendu le 03 juin 2010 par le tribunal de première instance d’Abidjan, qui, statuant sur son opposition, a restitué à l’ordonnance d’injonction de payer du 16 février 2010, son plein et entier effet ;
Attendu qu’au soutien de l’appel, il est exposé que l’indemnisation réclamée ne peut
s’obtenir par la voie de l’injonction de payer ; que seul le tribunal statuant au fond peut connaître de tel contentieux ; que la lettre du Président de la junte militaire en date du 18 août 2000 a bien précisé qu’il s’agit de « dédommagement du cabinet consulting international » ; qu’il est acquis en jurisprudence administrative que la rupture à la charge de l’autorité administrative ne se résout jamais que par l’indemnisation du cocontractant ; que l’Etat de Côte d’Ivoire conclut à l’infirmation du jugement querellé et à l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer ;
Attendu que la société Beta a répliqué que sa créance consacrée par le courrier du 18
août 2000 du Président de la République a une cause contractuelle ; que des documents produits en première instance, l’Agent judiciaire du Trésor reconnaît que la créance n’est pas contestable ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier que la somme de 3.068.998.400 F n’a pas
été prévue dans le cadre contractuel ; qu’elle est une sollicitation de Beta suite à la rupture des missions à lui confiées par le président de la République ; que cette demande acceptée par celui-ci n’a jamais fait l’objet d’une communication du conseil des Ministres ; que donc cette créance ne remplissant pas les conditions de l’article 2 visé ne peut être poursuivie par la voie de l’injonction de payer ; qu’en infirmant le jugement entrepris, il échet renvoyer Beta consulting à mieux se pourvoir ;
Attendu que Beta consulting succombant, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
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Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Casse l’arrêt n°158 rendu le 25 mars 2011 par la Cour d’appel d’Abidjan ; Evoquant et statuant sur le fond ; Infirme le jugement du 03 juin 2010 rendu par le tribunal de première instance
d’Abidjan Plateau ; Statuant à nouveau, dit qu’il n’y a pas lieu à procédure d’injonction de payer ; Renvoie la société Beta Consulting à mieux se pourvoir ; Condamne la Société Beta Consulting aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier