ARRET N°117/2015 du 22 octobre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 octobre 2015 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
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Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l’affaire Société SIFCA-CI contre SISSOKO ALIOU, par arrêt n°476/04 du 07 octobre 2004 de la Cour suprême de la République de Côte d’Ivoire, saisie d’un pourvoi formé par la SCPA FDKA, Avocats à la cour, cabinet sis au boulevard Carde, Avenue du Docteur Jamot, Immeuble Les Harmonies, 01 BP 2297 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société SIFCA-CI, SA sise au boulevard du Havre, 01 BP 1289 Abidjan 01, dans la cause qui l’oppose à monsieur SISSOKO ALiou, Acheteur de produits domicilié à Gadouan, BP 333, Daloa, Côte d’Ivoire, ayant pour Conseil Maître Mawa FOFANA, Avocat à la Cour, demeurant à Abidjan Plateau, Rue du Commerce, Immeuble « la Maison du Mali », Porte 115 ;
En cassation de l’Arrêt n°1209, rendu le 02 novembre 2001 par la Cour d’appel
d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Vu l’arrêt de recevabilité n°1110 du 27 juillet 2001 de la cour d’appel de ce siège ; - Déclare la SIFCA mal fondée en son appel relevé du jugement civil n°555 rendu
le 22 juin 2001 par le Tribunal de première instance d’Abidjan ;
- Confirme ledit jugement en toutes ses dispositions ;
- Condamne l’appelante aux dépens » ; Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de
cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit
des affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le sieur SISSOKO ALiou, muni d’une ordonnance d’injonction de payer délivrée le 08 juillet 1999 contre la Société JEAN ABIL GAL (JAG) à lui payer la somme de 18 640 741 FCFA, procédait le 02 mai 2000 à des opérations de saisies vente sur les biens mobiliers de la Société SIFCA-JAG, entité créée suite à la scission de la société JAG intervenue le 19 juillet 1999 ; que la société SIFCA-JAG, s’estimant tiers à ce litige et propriétaire des biens saisis, a intenté une action en distraction d’objets saisis devant le Tribunal de première instance d’Abidjan, qui la rejeta ; que la Cour d’appel d’Abidjan, sur appel de SIFCA-JAG devenue entretemps SIFCA-CI, a rendu, le 02 novembre 2001, l’arrêt confirmatif n°1209 sus énoncé, objet du présent pourvoi ; Sur le premier moyen tiré de la violation de l’article 246 du code de Procédure civile Ivoirienne
Attendu qu’au soutien de son recours, la requérante reproche à l’arrêt d’avoir ignoré les dispositions de l’article 246 du code de Procédure Civile en retenant que, dans la mesure où la saisie a eu lieu dans les locaux de JAG-CI et non dans ceux de la société SIFCA-CI, la preuve que les biens saisis appartiennent à la Société SIFCA-CI n’a pas été rapportée, alors, selon le moyen qu’il ressort clairement des différents actes de procédure qu’ils ont été délivrés à la
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société JAG-CI, dans les locaux de la société SIFCA-CI ; que ces deux sociétés sont deux personnes distinctes et, par conséquent, la requérante ne saurait être valablement destinataire des actes délivrés à la société JAG-CI ;
Mais attendu que le moyen ne précise pas en quoi l’article 246, qui ne détermine que les
mentions devant figurer dans un exploit, a été violé ; qu’il échet de le déclarer irrecevable ; Sur le deuxième moyen tiré de la violation des articles 189 et 190 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et GIE (non revisé) Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les dispositions des articles visés au moyen, en ce qu’il a estimé qu’une fusion était intervenue entre la société JAG et la société SIFCA, à la suite de la création de SIFCA-JAG, alors, selon le moyen, qu’il est établi que les actifs et passifs de la société JAG ont été repartis entre deux sociétés existantes et une troisième nouvellement créée, la SIFCA-JAG ; que cette opération de scission, qui suppose que le patrimoine de la société scindée soit d’abord divisé, puis ensuite apporté à d’autres sociétés, ne peut être assimilée à la fusion, laquelle implique que l’intégralité du patrimoine d’une société soit apportée à un seul bénéficiaire qui, dans ces conditions, est également tenu de l’intégralité du passif ;
Attendu que si les articles 189 et 190 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales font un distinguo entre les opérations de fusion et de scission, il reste que ces deux opérations ont toutes deux pour conséquence juridique majeure la transmission à titre universel du patrimoine de la société, qui disparaît de ce fait, aux sociétés bénéficiaires ;
Attendu qu’en l’occurrence la scission n’a été affectée d’aucune modalité ; qu’en effet, il ne ressort nulle part du traité de scission de JAG-CI, établi le 19 juillet 1999 en l’Etude notariale de Maître Marcelle Denise-Richmond, déposé au greffe du tribunal le 14 août 1999 et publié dans un journal d’annonces légales, que seul le passif bancaire est transmis à la charge de SIFCA-JAG ; que dudit traité de scission, il est apparu une transmission à SIFCA-JAG des actifs évalués à 19.798.000.000 FCFA et un passif de 13.788. 000.000 FCFA, sans autre précision sur la nature des dettes ainsi transférées ; qu’en estimant, dans ces conditions, que la créance de monsieur SISSOKO ALiou sur la société JAG-CI est transférée et opposable à la société SIFCA-JAG, la cour d’appel d’Abidjan a fait une saine application des articles visés au moyen ; qu’il s’ensuit que ce moyen n’est pas fondé et doit être rejeté ;
Sur le troisième moyen tiré de la violation des articles 91 et 141 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt déféré d’avoir violé les dispositions susvisées en déclarant mal fondée l’action en distraction des objets saisis, au motif que la société SIFCA-CI n’a pas rapporté la preuve que les biens lui appartenaient en propre, alors, selon le moyen, qu’il résulte des dispositions du traité de scission que les actifs de la société JAG-CI transmis à la requérante incluaient le bénéfice du bail emphytéotique des locaux où est situé son siège social et des biens mobiliers garnissant ces locaux ; qu’il apparaît ainsi que les saisies pratiquées sur ces biens, pour paiement d’une dette de la société JAG-CI, sont illégales et abusives ;
Mais attendu que, suivant les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 190 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales, « la scission entraîne transmission à titre universel du patrimoine de la société, qui disparaît du fait de la scission, aux sociétés existantes ou nouvelles » ; que, s’il n’est pas contesté que les actifs de JAG-CI sont transmis à SIFCA- JAG, devenue par la suite SIFCA-CI, et que, de ce fait, les biens saisis appartiennent à la société absorbante, il l’est tout aussi pour une partie du passif de JAG-CI dont la charge est
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désormais dévolue à SIFCA-CI ; qu’en considération de cette universalité du patrimoine, la cour d’appel, en estimant que les biens saisis sont ceux du débiteur poursuivi, n’a pas méconnu les dispositions des articles 91 et 141 visés au moyen ; qu’il y a également lieu de rejeter le moyen comme étant non fondé ;
Attendu qu’il échet en conséquence de rejeter le pourvoi ;
Attendu que la Société SIFCA-CI ayant succombé sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
- Rejette le pourvoi formé par la Société SIFCA-CI ;
- La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier