Ohadata J-16-111
POURVOI EN CASSATION – DEFAUT DE BASE LEGALE – DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS : CASSATION SAISIE-ATTRIBUTION DE CREANCE – CONTESTATION DE LA SAISIE – CONTESTATION SOULEVEE PAR LE TIERS-SAISI : IRRECEVABILITE – CASSATION DE L’ARRET AYANT RETENU LE CONTRAIRE Le juge saisi d’une demande a l’obligation de répondre à cette demande en motivant sa réponse en fait et en droit. Lorsque la demanderesse a soulevé l’exception d’irrecevabilité de l’action de contestation élevée par la défenderesse, tiers saisi, en invoquant les dispositions des articles 160, 164 et 170 de l’AUPSRVE comme fondement légal de sa requête, la cour d’appel qui a retenu qu’« il est évident que l’action de la demanderesse repose sur les articles 49 et 172 de l’[AUPSRVE] » sans répondre au chef de demande à lui soumis ni motiver en quoi l’action du tiers saisi trouve son fondement dans les dispositions des textes précités et a par ailleurs soulevé d’office un moyen de droit inapplicable en l’espèce a exposé son arrêt à la cassation. Au sens des dispositions de l’article 170 de l’AUPSRVE, le législateur OHADA a régi les rapports entre le débiteur saisi et le créancier saisissant et le tiers saisi en matière de contestation de la saisie-attribution de créances. Le débiteur, pour contester la saisie, doit agir dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie qui lui a été faite, le tiers saisi étant appelé à l’audience. Il en découle que le tiers saisi ne peut, par une action personnelle directe principale, demander à la place du débiteur saisi, la nullité de la saisie-attribution de créances à lui signifiée, surtout lorsqu’il y a eu un paiement même partiel qui illustre l’acquiescement à la saisie-attribution de créances par le débiteur qui n’a élevé aucune contestation. La cour d’appel qui a admis une telle action du tiers-saisi a violé l’article 170 de l’AUPSRVE et exposé son arrêt à la cassation. Sur l’évocation, il y a lieu d’annuler le jugement entrepris en ce qu’il a reçu l’action en contestation de la saisie-attribution de créances émanant du tiers-saisi, mais l’a déclarée irrecevable pour forclusion. Le tiers saisi n’ayant aucune qualité pour initier au principal une telle action, il convient de déclarer son action irrecevable pour défaut de qualité sans qu’il soit besoin d’examiner son action en nullité de l’exploit de saisie-attribution de créances.
ARTICLE 28 BIS REGLEMENT DE PROCEDURE CCJA ARTICLE 49 AUPSRVE ARTICLE 72 AUPSRVE ARTICLE 170 AUPSRVE CCJA, 3ème ch. n° 118/2015 du 22 octobre 2015 ; P. n° 088/2010/PC du 30/09/2010 : Banque Internationale pour le Commerce et l’Industrie de la Côte d’Ivoire dite BICICI S.A c/ Josiane KOFFI BREDOU.
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Arrêt N°118/2015 du 22 octobre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 octobre 2015 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge Birika Jean Claude BONZI, Juge, rapporteur Fodé KANTE, Juge
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier ; Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 septembre 2010 sous le n°088/2010/PC et formé par Maître SOLO PACLIO, Avocat à la cour, demeurant Avenue LAMBLIN, Résidence MATCA Plateau, 04 BP 2227 Abidjan 04, agissant au nom et pour le compte de la BICICI S.A ayant son siège social à l’Avenue Franchet d’Esperey, 01 BP 1298 Abidjan 01, dans la cause l’opposant à Josiane KOFFI BREDOU ayant pour conseils SCPA OUATTARA & BILE, Avocats à la Cour,
en cassation de l’arrêt n°368 CIV 3A du 11 juin 2010 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort ;
Déclare Josiane Koffi BREDOU recevable en son recours ; L’y dit bien fondée ; Infirme la décision attaquée ; Statuant à nouveau ; Dit que la saisie attribution du 16 juin 2008 est nulle ; En ordonne la main levée ; Met les dépens à la charge de l’intimée.» ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi sept moyens de cassation tels qu’ils figurent
à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Birika Jean Claude BONZI, Juge ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ; Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
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Attendu, qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par arrêt n°515 du 08 juin 2006, la Cour d’appel d’Abidjan, dans le litige qui oppose la BICICI à Monsieur YOUSSOUFFOU SERME, condamnait la banque à payer à Youssoufou SERME la somme de 17 746 618 francs en principal et frais pour licenciement abusif ; que pour s’exécuter de sa condamnation, la BICICI remettait à Madame Josiane KOFFI BREDOU, conseil de Youssoufou SERME, un chèque du montant de la créance au profit de son client ; que par exploit d’huissier de justice du 16 juin 2008, la BICICI faisait pratiquer une saisie attribution de créances entre les mains de maître Josiane KOFFI BREDOU portant sur des sommes appartenant à YOUSSOUFOU SERME pour obtenir paiement de la somme de 8.042 923 francs que ce dernier lui doit ; que Maître Josiane KOFFI BREDOU a saisi le juge de l’exécution pour voir déclarer nul l’exploit de saisie attribution de créances à lui signifié sur le fondement de l’article 157, alinéa 3 de de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que par ordonnance n°364 du 1er mars 2010, le juge du contentieux de l’exécution déclarait Maître Josiane KOFFI BREDOU irrecevable en son action ; que sur appel du 10 mars 2010 de Maître Josiane KOFFI BREDOU, la Cour d’appel d’Abidjan, par arrêt n°368 CIV 2A du 11 juin 2010 dont pourvoi, infirmait l’ordonnance n°364 du 1er mars 2010 ;
Sur la recevabilité du pourvoi
Attendu que le pourvoi formé le 30 septembre 2010 contre l’arrêt n°368 rendu le 11 juin
2010 et signé par un avocat muni d’un pouvoir spécial, est intervenu dans les conditions, termes et délai de l’article 28 nouveau du Règlement de procédure de la Cour de céans et est recevable en la forme;
Sur le premier moyen Vu les dispositions de l’article 170 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures
simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution Attendu que le demandeur au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir d’une part, rejeté le
moyen plaidé sur le fondement des articles 160, 164 et 170 de l’Acte uniforme précité pour demander l’irrecevabilité de la contestation formée par Maître KOFFI Bredou, tiers saisi, et, d’autre part, admis l’action du tiers saisi à contester une saisie-attribution de créances alors même que, selon l’article 170 de l’Acte uniforme précité, seule disposition applicable à la contestation de la saisie-attribution de créances, c’est au débiteur seul à qui la loi accorde la possibilité de contester la saisie-attribution de ses avoirs ; que la cour d’appel en décidant que le tiers saisi avait qualité et intérêt pour agir, a violé les dispositions de l’article 170 sus invoqué ; que la Cour d’appel pour rejeter cette demande a retenu qu’il « est évident que l’appelante a basé son action sur les articles 49 et 172 du même Acte Uniforme, en sa qualité de tiers saisi, qu’ainsi elle a qualité et intérêt » alors même que les régimes juridiques des deux dispositions sont contraires et se rapportent nécessairement à deux actions aux procédures différentes ; qu’en statuant comme elle l’a fait , la Cour d’appel n’a pas répondu à la demande présentée pour dire en quoi l’action fondée sur les articles 160, 164 et 170 sus indiqués n’était pas justifiée ; que n’ayant pas répondu en fait comme en droit à la demande, l’arrêt manque de base légale et doit être cassé ;
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Attendu, en effet, qu’il est constant que le juge saisi d’une demande a l’obligation de répondre à cette demande en motivant sa réponse en fait et en droit ; qu’en l’espèce, la BICICI a soulevé l’exception d’irrecevabilité de l’action de contestation élevée par Maître KOFFI Bredou, tiers saisi, en invoquant les dispositions des articles 160, 164 et 170 ci-dessus visés comme fondement légal de sa requête ; que la cour, a retenu qu’ « il est évident que l’action de Maître KOFFI Bredou repose sur les articles 49 et 172 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution » sans répondre au chef de demande à lui soumis ni motiver en quoi l’action du tiers saisi trouve son fondement dans les dispositions des textes précités et a par ailleurs soulevé d’office un moyen de droit inapplicable en l’espèce ; que d’autre part, au sens des dispositions de l’article 170 visé, le législateur OHADA a régi les rapports entre le débiteur saisi et le créancier saisissant et le tiers saisi en matière de contestation de la saisie-attribution de créances ; que le débiteur, pour contester la saisie, doit agir dans un délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie qui lui a été faite, le tiers saisi étant appelé à l’audience ; qu’il en découle que le tiers saisi ne peut, par une action personnelle directe principale, demander à la place du débiteur saisi, la nullité de la saisie-attribution de créances à lui signifiée, surtout lorsqu’il y a eu un paiement même partiel qui illustre l’acquiescement à la saisie-attribution de créances par le débiteur qui n’a élevé aucune contestation ; qu’en statuant comme elle a fait, la cour d’appel, non seulement n’a pas répondu aux chefs de demandes à lui soumis, ni motivé sa décision en la privant ainsi d’une base légale ; mais également a violé les dispositions de l’article 170 invoqué ; que l’arrêt dans ces conditions encourt cassation sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens ;
Sur l’évocation Attendu que suivant exploit d’appel en date du 10 mars 2010, Maître Josiane KOFFI BREDOU a interjeté appel contre l’ordonnance n°364 rendue le 1er mars 2010 et dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé d’heure à heure et en premier ressort ; Déclare Maitre Josiane Koffi- BREDOU irrecevable en son action ; Mettons les dépens à sa charge » ; Qu’elle soutient à l’appui de son appel la nullité de l’acte de saisie attribution de créances sur le fondement de l’article 157 de l’Acte uniforme précité en ce que ledit acte ne contient pas le décompte des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus ; et partant la nullité de la saisie pratiquée ;
Qu’en réplique, la BICICI SA soulève l’irrecevabilité de l’action de Maître Josiane KOFFI BREDOU pour défaut de qualité et d’intérêt aux motifs que l’action en contestation d’une saisie attribution de créances n’est ouverte qu’en faveur du débiteur saisi ; qu’elle soulève également la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l’action de Maître Josiane KOFFI BREDOU sur le fondement de l’article 170 précité qui fixe le délai de la contestation à un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur ;
Sur l’irrecevabilité de l’action de Maître Josiane KOFFI BREDOU
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Attendu que pour les mêmes raisons ayant motivé la cassation de l’arrêt de la Cour d’appel entrepris, il y a lieu d’annuler le jugement entrepris en ce qu’il a reçu l’action en contestation de la saisie attribution de créances émanant de Maître Josiane KOFFI BREDOU, tiers saisi, mais l’a déclarée irrecevable pour forclusion ; qu’ainsi le tiers saisi n’ayant aucune qualité pour initier au principal une telle action, il convient de déclarer son action irrecevable pour défaut de qualité sans qu’il soit besoin d’examiner son action en nullité de l’exploit de saisie attribution de créances ;
PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, après en avoir délibéré, Déclare recevable le pourvoi ; Casse et annule l’arrêt n°368 du 11 juin 2010 de la cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Annule l’ordonnance n°364 du 1er mars 2010 du tribunal de première instance d’Abidjan ; Statuant à nouveau, Déclare irrecevable l’action en contestation de la saisie attribution de créances de Maître Josiane KOFFI BREDOU, tiers saisi, pour défaut de qualité ; La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier