Est irrecevable un moyen nouveau mélangé de fait et de droit et présenté pour la première fois en cassation. Il ne ressort pas du Règlement de procédure de la CCJA, l’obligation d’indiquer dans le recours ou dans le mémoire ampliatif, le nom de la personne physique représentant le recourant au pourvoi. L’exception d’irrecevabilité pour forclusion est irrecevable, dès lors que l’arrêt soumis à cassation devant la CCJA est différent de l’arrêt frappé de forclusion et qu’il n’est pas prouvé qu’il a fait l’objet de signification laquelle, par ailleurs, n’est pas une condition de recevabilité du pourvoi au sens de l’article 28 alinéa 1 du Règlement de procédure de la Cour mais marquant plutôt le point de départ de la computation du délai de deux mois dans lequel le recours doit être exercé.
L’exception d’irrecevabilité tirée de l’autorité de la chose jugée doit être rejetée, en ce que l’irrecevabilité de l’appel n’affecte pas la régularité de la procédure du pourvoi conformément à l’article 28 du Règlement de Procédure de la CCJA. Il est de principe qu’une affaire ayant fait l’objet de décision sur le fond, dessaisit le juge qui ne peut plus à nouveau être saisi de la même affaire en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à sa décision. La cour d’appel qui a souverainement déclaré l’appel de la recourante irrecevable au regard des pièces produites aux débats, notamment le document en date du 15 février 2001 comportant cachet et signature de MAERSK CAMEROUN, selon lesquelles les sociétés MAERSK SEALAND SA et MAERSK CAMEROUN SA, constituent en réalité une seule et même personne, a justifié sa décision, et le moyen, doit être rejeté.
ARTICLE 28 REGLEMENT DE PROCEDURE CCJA
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CCJA, 3ème ch. n° 121/2015 du 22 octobre 2015 ; P. n° 047/2012/PC du 11/05/2012 : Société MAERSK CAMEROUN SA c/ MODI KOKO BEBEY et NJOUONANG YOUMBI.
Arrêt N° 121/2015 du 22 octobre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 22 octobre 2015 où étaient présents :
Madame Flora DALMEIDA MELE, Présidente Messieurs Victoriano OBIANG ABOGO, Juge
Idrissa YAYE, Juge Birika Jean Claude BONZI, Juge Fodé KANTE, Juge, rapporteur
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 11 mai 2012, sous le n° 047/2012/PC et formé par Maître Irenée Célestin NTAMACK PONDY, Avocat au Barreau du Cameroun, étude sise au 807, rue BOUE DE LAPEYRERE, “rue Mermoz“ Akwa – DOUALA , BP 8943, agissant pour le compte de la société MAERSK CAMEROUN S.A, représentée par monsieur David WARE, directeur général et dont le siège social est à Douala BP. 12414, Douala-CAMEROUN, dans la cause l’opposant à messieurs MODI KOKO BEBEY et NJOUONANG YOUMBI, tous agissant ès qualités de co-syndics représentant la liquidation des biens de l’ex société SITAGRI S.A, ayant pour conseil Maître NJOUONANG YOUMBI, Avocat au Barreau du Cameroun BP 15122 Douala-Cameroun,
en cassation de l’arrêt n°180/CC rendu le 17 décembre 2010 par la cour d’appel du Littoral à DOUALA-CAMEROUN dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de la société MAERSK CAMEROUN SA, et de sieurs MODI KOKO BEBEY et NJOUONANG YOUMBI, en matière civile et commerciale, en appel, et en dernier ressort ; Y faisant droit ;
Déclare l’appel de la société MAERSK CAMEROUN SA irrecevable pour chose déjà jugée ;
La condamne aux dépens dont distraction au profit de Maître NJOUONANG, Avocat aux offres de droit » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les six moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Fodé KANTE, Juge ;
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Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par jugement n°01/CC du 16 octobre 2001, rendu par le tribunal de grande instance du MOUNGO à NKONGSAMBA, la société SITAGRI S.A dont le siège social est situé à Nkongsamba (République du Cameroun), a été admise au bénéfice de la liquidation des biens ; que ledit jugement a nommé pour y procéder trois co-syndics à savoir Messieurs MODI KOKO BEBEY, NJOUONANG YOUMBI et YIMGNA BONDIA ; que par jugement n°48/CIV du 18 avril 2002, le co-syndic YIMGNA BONDJA a été révoqué de ses fonctions ; qu’avant le prononcé de sa décision de liquidation, la défunte SITAGRI avait signé le 27 février 2001, un procès-verbal de conciliation sous le n°183/PV/2000-2001 avec la société MAERSK CAMEROUN S.A BP 12414 Douala ; qu’il ressort du point 9 de ce procès-verbal de conciliation, que l’ex SITAGRI avait des brûleurs, ventilateurs et séchoirs entreposés dans l’enceinte de la société MAERSK que cette dernière conservait pour elle, étant convenu que SITAGRI devait retirer lesdits objets de ces lieux dès que la société MAERSK en faisait la demande ; que par un autre procès-verbal n°284/PCV/00- 01 signé le 17 juillet 2001, les mêmes parties à savoir l’ex SITAGRI et la société MAERSK, ont spécifié au point 4 de ce procès-verbal que la société SITAGRI s’engageait à prendre possession dans les 07 jours de la signature dudit procès-verbal, de tous ses biens d’équipement se trouvant dans les entrepôts de la société MAERSK ; qu’au point 6 du même document, elles précisent que : « passé ce délai de 7 jours, le véhicule, la machine de séchage ainsi que le conteneur deviendront la propriété de MAERSK CAMEROUN, le présent procès-verbal valant acte de cession » ;
Que les co-syndics de la liquidation SITAGRI, estimant que les termes du dernier procès- verbal en ses points 4 et 6 ne leur sont pas opposables, ont fait servir à la société MAERSK, un commandement de restituer en date du 07 juillet 2003 qui est resté sans effet ; que sur la saisine des co-syndics susnommés, le tribunal de grande instance du MOUNGO à NKONGSAMBA a, par jugement n°21/CIV du 15 janvier 2004, ordonné à la société MAERSK SA, la restitution à la liquidation SITAGRI, des effets suivants : 14 brûleurs, 04 ventilateurs et 08 séchoirs sous astreinte de 500 000 francs par jour de retard ; que sur appel de la société MAERSK Sealand dont le siège social est à Douala B.P : 12414, par l’entremise de Maître Eshemot Gérard FOTABONG, avocat au Barreau du Cameroun, la cour d’appel du Littoral à DOUALA a confirmé le jugement entrepris par arrêt n°150/C rendu le 19 mai 2006 ; que par déclaration faite au greffe de la cour d’appel du Littoral à DOUALA le 30 juin 2006, Maître N’TAMACK PONDY, avocat au Barreau du Cameroun, agissant pour le compte de la société MAERSK SEALAND, a formé pourvoi contre ledit arrêt devant la cour suprême du Cameroun ; qu’après avoir formé ce pourvoi par l’entremise d’un nouvel Avocat, la société MAERSK CAMEROUN a interjeté un deuxième appel contre le jugement n°21/CIV du 15 janvier 2004 suivant requête d’appel en date du 10 septembre 2008 ; que statuant sur le mérite de cet appel, la cour d’appel du Littoral siégeant à DOUALA, a rendu le 17 décembre 2010, l’arrêt n°180/CC dont pourvoi est formé devant la Cour de céans, par lequel elle a déclaré l’appel de la société MAERSK CAMEROUN SA irrecevable pour chose déjà jugée ;
Sur la recevabilité du recours
Attendu que les défendeurs au pourvoi soulèvent in limine litis dans leur mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour le 25 octobre 2012, l’irrecevabilité du pourvoi pour absence
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d’indication dans le recours et dans le mémoire ampliatif de la personne physique représentant la société MAERSK CAMEROUN d’une part, et d’autre part pour forclusion en ce que le délai pour former pourvoi contre l’arrêt n°150/C signifié le 03 septembre 2008 expirait le 04 novembre 2008, et que le pourvoi formé contre l’arrêt n°180/C, rendu à la suite d’un second appel contre le même jugement n’est qu’une diversion de la part de la recourante ; qu’elle soulève également l’irrecevabilité du pourvoi au motif que la cour d’appel du Littoral a, dans l’arrêt 180/C déféré devant la Cour de céans, constaté son dessaisissement de l’affaire par l’existence de l’arrêt 150/C préalablement rendu par elle, en déclarant l’appel de la société MAERSK CAMEROUN irrecevable pour chose déjà jugée ;
Mais attendu qu’il ne ressort pas du Règlement de procédure de la Cour de céans,
l’obligation d’indiquer dans le recours ou dans le mémoire ampliatif, le nom de la personne physique représentant le recourant au pourvoi d’une part, et d’autre part, que l’arrêt soumis à cassation devant la Cour de céans est l’arrêt n°180/CC rendu le 17 décembre 2010 par la cour d’appel du Littoral à Douala et non l’arrêt n°150/C de sorte que la forclusion attachée à l’arrêt n°150/C du 16 mai 2006 de la cour d’appel du Littoral à Douala n’est pas opposable à l’arrêt n°180/CC dont il n’est pas rapporté la preuve qu’il a fait l’objet de signification laquelle, par ailleurs, n’est pas une condition de recevabilité du pourvoi au sens de l’article 28 alinéa 1 du Règlement de procédure de la Cour mais marquant plutôt le point de départ de la computation du délai de deux mois dans lequel le recours doit être exercé ; que dès lors, il convient de déclarer non fondées les exceptions d’irrecevabilité soulevées par les défendeurs au pourvoi et de les rejeter ;
Attendu qu’il y a lieu de rejeter également l’exception d’irrecevabilité tirée de l’autorité
de la chose jugée, en ce que l’irrecevabilité de l’appel n’affecte pas la régularité de la procédure du pourvoi conformément à l’article 28 du Règlement de Procédure de la Cour de céans ;
Sur le deuxième moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 14, 18 de l’Acte uniforme relatif aux sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, et 1351 du code civil du Cameroun en ce qu’il a déclaré l’appel de la société MAERSK CAMEROUN SA irrecevable pour chose déjà jugée alors, selon le moyen, que le jugement querellé ne concernait pas les mêmes parties ;
Mais attendu qu’ il est de principe qu’une affaire ayant fait l’objet de décision sur le fond, dessaisit le juge qui ne peut plus à nouveau être saisi de la même affaire en raison de l’autorité de la chose jugée attachée à sa décision ; que la cour d’appel ayant souverainement déclaré l’appel de la recourante irrecevable au regard des pièces produites aux débats, notamment le document en date du 15 février 2001 comportant cachet et signature de MAERSK CAMEROUN, selon lesquelles les sociétés MAERSK SEALAND SA et MAERSK CAMEROUN SA, constituent en réalité une seule et même personne ; que dès lors, la cour d’appel ayant justifié sa décision, il y a lieu de rejeter ce moyen comme mal fondé ;
Sur les 1er, 3ème, 4ème, 5ème et 6ème moyens réunis
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions des articles 171, 174 et 177 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) en ce que les co-syndics n’avaient plus qualité pour agir, motif
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pris de ce que par jugement n°24/CIV du 15 janvier 2004, le tribunal de grande instance du Moungo à Nkongsamba a prononcé la clôture des opérations de la liquidation ex-SITAGRI pour insuffisance d’actifs, d’avoir violé les dispositions des articles 70 et 72 alinéa 1 de l’Acte uniforme portant procédure collective d’apurement du passif en ce que les co-syndics au lieu d’engager une action en déclaration d’inopposabilité à la masse des créanciers, des actes faits pendant la période suspecte, ont plutôt engagé une simple action en restitution qui, selon le moyen n’est pas codifié par l’Acte uniforme précité, d’avoir violé par là même, l’article 10 du Traité de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires ainsi que les articles 9 à 15 et 19 à 27 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que la primauté du droit OHADA sur les dispositions du droit interne de chaque Etat partie n’aurait pas été respectée, d’avoir aussi violé les clauses du procès-verbal de conciliation n° 284/PVC/00-01 du 17 juillet 2001 ainsi que l’article 1134 du code civil du Cameroun en ce que les co-syndics ont réclamé à la recourante, la restitution d’un bien dont elle n’avait pas la garde ; qu’enfin, la demanderesse au pourvoi a sollicité au titre du sixième moyen, l’application au bénéfice de l’Avocat qu’elle a constitué, Maître Irénée Célestin NTAMACK PONDY, Avocat au Barreau du Cameroun, de l’article 43 (1, 2b et 3) du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage sur la rémunération, les frais de déplacement et de séjour des avocats de la Cour de céans ;
Mais attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que la cour d’appel n’a statué que sur la recevabilité de l’appel ; qu’au surplus, en admettant la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée, elle n’a pas statué sur le fond ; que les moyens ci-dessus évoqués soulèvent des problèmes de fond qui n’ont jamais été discutés devant la cour d’appel ; que ces moyens nouveaux, mélangés de fait et de droit, ne sauraient être accueillis pour la première fois devant la Cour de céans ; qu’il s’en suit que le recours doit être rejeté ;
Attendu qu’ayant succombé, la société MAERSK CAMEROUN S.A doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, En la forme
Déclare le pourvoi recevable ;
Au fond
Le rejette comme étant mal fondé ;
Condamne la société MAERSK CAMEROUN SA aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé:
La Présidente
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Le Greffier