La CCJA est incompétente pour un litige relatif au paiement d’une prime exceptionnelle et de salaires réclamés par un travailleur à son ancien employeur, devant les juridictions sociales, lesquelles ont statué en application du seul droit national ; les dispositions de l’AUSCGIE invoquées par la demanderesse aussi bien devant le juge d’instance que la cour d’appel, ayant été déclarées inapplicables dans le litige par les juges du fond, après appréciation souveraine des faits qui leur étaient soumis.
ARTICLE 14 TRAITE OHADA
CCJA, Ass. plén., n° 138/2015 du 19 novembre 2015 ; P. n° 034/2010/PC du 23/03/2010 : BIAO-Côte d’Ivoire dite BIAO-CI c/ Allou TOGNAN Ernest.
Arrêt N° 138/2015 du 19 novembre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour
l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a rendu, en Assemblée plénière, l’arrêt suivant en son audience publique du 19 novembre 2015 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président Abdoulaye Issoufi TOURE, Second Vice-président Namuano F. DIAS GOMES, Juge Victoriano OBIANG ABOGO, Juge Mamadou DEME, Juge-rapporteur Idrissa YAYE, Juge Djimasna N’DONINGAR, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge Diehi Vincent KOUA, Juge
Fodé KANTE, Juge César Apollinaire ONDO MVE, Juge Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
et Maître Paul LENDONGO, Greffier en chef ;
Sur le recours enregistré au greffe de la cour de céans le 23 mars 2010 sous le
n°034/2010/PC et formé par la BIAO-Côte d’Ivoire dite BIAO-CI, dont le siège social est à Abidjan, 8-10 avenue Joseph ANOMA, 01 BP 1274 Abidjan 01, ayant pour conseil constitué la SCP DOGUE-Abbé YAO et associés, avocats près la cour d’appel d’Abidjan, 29 Boulevard CLOZEL, 01 BP 174 Abidjan 01, dans la cause qui l’oppose à Allou TOGNAN Ernest, domicilié à Cocody Riviera Sideci n°39, ayant pour conseil Maître Jules AVLESSI, avocat près la cour d’appel d’Abidjan, Cocody 2 Plateaux, Boulevard des Martyrs, Résidence SICOGI LATRILLE B, bâtiment O, 1er étage, porte 174, 01 BP 8643 Abidjan 01,
2
en cassation de l’arrêt contradictoire n°240 rendu le 20 novembre 2009 par la première chambre sociale de la cour d’appel d’Abidjan, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant sur le siège, publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort ;
Déclare Monsieur ALLOU TOGNAN et la BIAO recevables en leurs appels principal et incident respectifs relevés du jugement social n°1756 rendu le 20 décembre 2007 par le tribunal du travail d’Abidjan ;
Les y dit mal fondés : les en déboute ;
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ; »
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Mamadou DEME, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que le 1er juin 2006, la direction des ressources humaines de la BIAO-CI a adressé à Allou TOGNAN Ernest un courrier lui signifiant la date de son départ à la retraite, fixée au 1er janvier 2007 ; que par courrier électronique, le directeur général en fonction lui a adressé une seconde correspondance, l’informant de la décision prise par ladite banque de lui offrir une prime exceptionnelle forfaitaire brute de 40.000.000 francs, et de son souhait qu’il accepte de prolonger l’exercice de ses fonctions pendant quelques mois, dans le cadre des modifications en cours à la direction générale ; que ladite direction ayant cependant été changée à la suite des modifications dont s’agit, la nouvelle qui a été mise en place n’a pas donné suite à cette proposition, pourtant acceptée par le travailleur, lequel a donc pris sa retraite le 1er janvier 2007 ; que s’estimant créancier de la BIAO-CI du montant de la prime exceptionnelle promise, Allou TOGNAN Ernest a saisi le tribunal du travail d’Abidjan en paiement de celle-ci, outre 4 mois de salaire brut et de dommages-intérêts ; que par jugement du 20 décembre 2007, le tribunal a condamné la banque à lui payer la somme de 40.000.000 francs au titre de la prime, le déboutant pour le surplus de ses prétentions ;
Attendu que le présent pourvoi est formé contre l’arrêt rendu sur l’appel des deux parties contre ce jugement ;
Sur l’incompétence de la Cour soulevée d’office :
Attendu que la BIAO-CI fonde son pourvoi sur deux moyens de cassation, le premier pris de la violation de la loi, notamment les articles 473, 426 et 438 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, et le second du défaut de base légale résultant de l’absence de motifs ;
3
Attendu qu’il résulte des dispositions de l’article 14 alinéa 3 du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique que « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des Règlements prévus au Traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans les mêmes contentieux » ;
Qu’en l’espèce, le litige dont la cour se trouve saisie est relatif au paiement d’une prime exceptionnelle et de salaires réclamés par un travailleur à son ancien employeur, devant les juridictions sociales, lesquelles ont statué en application du seul droit national du travail ivoirien ; qu’en effet, les dispositions de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciale et du groupement d’intérêt économique invoquées par la BIAO-CI aussi bien devant le juge d’instance que la cour d’appel, ont été déclarées inapplicables dans le litige par les juges du fond, après appréciation souveraine des faits qui leur étaient soumis ;
Qu’ainsi, les dispositions d’aucun Acte uniforme ou Règlement prévu au Traité n’ayant été interprétées ou appliquées, il y a lieu de se déclarer incompétent;
Attendu que la BIAO-CI qui a succombé doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare incompétente ;
Condamne la BIAO-CI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier en chef