Il résulte de l’article 30 de l’AUPSRVE et des textes régissant la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (notamment l’article 5.2 du protocole annexé à ses statuts qui précise que « L’exécution des actes de procédure, y compris la saisie de biens privés ne pourra avoir lieu dans les locaux de la Banque Centrale que dans les conditions approuvées par le Gouverneur ou son représentant »), que l’immunité conférée à cette dernière s’applique, non seulement à ses biens et avoirs propres, mais également aux sommes inscrites au crédit des comptes ouverts dans ses écritures par les banques primaires. C’est donc en violation de ces textes qu’une cour d’appel a ordonné sous astreinte à la BCEAO de reverser à une personne les sommes saisies entre ses mains, exposant ainsi son arrêt à la cassation. Sur l’évocation, c’est à bon droit que le juge des référés s’est fondé sur les dispositions de l’article 4 des statuts de la BCEAO, 17 du Traité instituant l’Union Monétaire Ouest-Africaines et 8 du Protocole relatif aux privilèges et immunités de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, qui confèrent à cette banque l’immunité de juridiction et d’exécution, pour se déclarer incompétent ; l’appel est mal fondé.
ARTICLE 30 AUPSRVE
CCJA, 1ère ch., n° 149/2015 du 26 novembre 2015 ; P. n° 067/2005/PC du 23 décembre 2005 : BCEAO, Direction nationale du Niger c/ El Hadj RABIOU DJITAOU représentant les ayants droits de Mamane DJITAOU.
Arrêt N°149/2015 du 26 novembre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 26 novembre 2015 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président, rapporteur Mamadou DEME, Juge Diéhi Vincent KOUA, Juge César Apollinaire ONDO MVE, Juge Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
et Maître Acka ASSIEHUE, Greffier ;
Sur le pourvoi n° 067/2005/PC enregistré au greffe de la Cour de céans le 23 décembre 2005 formé par Maître Marc LE BIHAN, Cabinet d’Avocats Marc LE BIHAN & Collaborateurs, domicile élu en la Société d’Avocats N’GOAN, ASMAN & Associés, 37 rue de la Canebière, 05 BP 2163 ABIDJAN, agissant pour le compte de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), Direction Nationale pour le Niger, rue de l’Uranium BP 487 Niamey,
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poursuites et diligences de son Directeur National Monsieur Abdoulaye SOUMANA, dans la cause l’opposant à El Hadj Rabiou DJITAOU, mandataire de la Succession Mamane DJITAOU, commerçant demeurant à Maradi,
en cassation de l’arrêt n°110 rendu le 10 août 2005 par la Cour d’appel de Niamey et dont le dispositif suit :
« Par ces motifs :
Statuant publiquement, contradictoirement par décision en dernier ressort en matière de référé ;
Reçoit l’appel de EL HADJI RABIOU DJITAOU régulier en la forme ;
Infirme l’ordonnance attaquée ;
Se déclare compétente ;
Ordonne à la BCEAO de se libérer des fonds jusqu’à concurrence du montant de la saisie, soit la somme de 265.126.442 f sous astreinte de 500.000 f par jour de retard ;
Condamne la BCEAO aux dépens. » ;
Attendu que la BCEAO invoque à l’appui de son recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que par exploit d’huissier à Niamey en date du 09 mars 2005, les Ayants droits de Mamane Djitaou ont pratiqué saisie attribution entre les mains de la BCEAO-Niger sur les avoirs de la banque primaire, la BIA- Niger, en vertu d’une grosse de l’arrêt n°14 rendu le 19 avril 2002 par la Cour d’appel de Zinder, pour sûreté et paiement de la somme de 265 126 442 FCFA ;
Que les contestations élevées par la BIA Niger ont été rejetées le 03 mai 2005 en première instance puis le 1er juin en appel ;
Que fort de ces décisions juridictionnelles, les Ayants droits de Mamane Djitaou ont saisi la BCEAO en reversement des sommes saisies entre ses mains ;
Que face au refus de la Banque Centrale de s’exécuter, les créanciers ont saisi le juge des référés de Niamey à l’effet d’ordonner à la BCEAO le paiement sous astreinte, sur le fondement de l’article 168 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; que par ordonnance n°103 rendue le 02 août 2005, le
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Président du Tribunal de Grande Instance Hors Classe de Niamey, constatant les immunités de juridiction et d’exécution dont bénéficiait la BCEAO, s’est déclaré incompétent à statuer ;
Que sur appel des saisissants, la Cour d’appel de Niamey, par l’arrêt n°110 du 10 août 2005 frappé du présent pourvoi, a infirmé l’ordonnance attaquée et ordonné à la BCEAO de se libérer des sommes saisies sous astreinte de 500 000 FCFA par jour de retard ;
Attendu que par courrier en date du 08 juin 2006, le Greffier en chef de la Cour a notifié aux défendeurs le recours en cassation de la BCEAO, les invitant à constituer avocat et à produire leur mémoire en réponse dans un délai de trois mois à compter de la réception du recours ; que ces derniers n’ayant pas donné de suite à ladite correspondance, il y a lieu de constater que le principe du contradictoire a été respecté et de statuer contradictoirement à l’égard de toutes les parties ;
Sur le moyen unique, tiré de la violation de l’article 30 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Attendu que la requérante fait grief à l’arrêt attaqué de lui avoir ordonné, sous astreinte journalière de 500.000 FCFA et en méconnaissance des immunités et privilèges qui lui sont reconnus, de se libérer des fonds saisis entre ses mains, alors qu’aux termes, tant des dispositions de l’article 30 de l’Acte uniforme visé au moyen, que de celles notamment de l’article 17 du Traité du 14 novembre 1973 constituant l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), de l’article 4 des statuts de la BCEAO annexés au Traité et des articles 5.2, 8 et 9 du protocole relatif aux privilèges et immunités de la BCEAO, celle-ci « jouit en toutes matières de l’immunité de juridiction et d’exécution sauf renonciation expresse de sa part dans un cas particulier notifié par le Gouverneur ou son représentant » ; qu’enfin, il n’est versé ni prouvé dans le dossier de la procédure que le Gouverneur ou son représentant ont expressément approuvé les mesures d’exécution opérées entre ses mains contre la BIA-NIGER ou ont accepté d’y donner suite ;
Attendu qu’aux termes de l’article 30 de l’Acte uniforme sus évoqué, « l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution » ;
Attendu qu’il résulte de l’article 4 des statuts de la BCEAO qu’ : « En vue de permettre à la Banque Centrale de remplir ses fonctions, le statut, les privilèges et les immunités des institutions financières internationales lui sont reconnus sur le territoire de chacun des Etats membres de l’Union, dans les conditions précisées par le Protocole annexé aux présents statuts, qui fait partie intégrante desdits statuts » ; que selon l’article 8 du protocole relatif aux privilèges et immunités de la BCEAO, « La Banque Centrale jouit en toutes matière de l’immunité de juridiction et d’exécution, sauf renonciation expresse de sa part, dans un cas particulier notifié par le Gouverneur ou son représentant » ; que l’article 9 du protocole susvisé ajoute que « les biens et avoirs de la Banque Centrale en quelque lieu qu’ils se trouvent et quels qu’en soient les détenteurs, sont exempts de perquisition, confiscation, réquisition, expropriation et de toute mesure administrative, judiciaire ou autre de coercition ou d’exécution » ; qu’enfin, l’article 5.2 du même texte précise que « L’exécution des actes de procédure, y compris la saisie de biens
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privés ne pourra avoir lieu dans les locaux de la Banque Centrale que dans les conditions approuvées par le Gouverneur ou son représentant » ;
Attendu qu’il résulte sans équivoque de ces textes que l’immunité d’exécution conférée à la BCEAO s’applique non seulement à ses biens et avoirs propres, mais également aux sommes inscrites au crédit des comptes ouverts dans ses écritures par les banques primaires ; que dès lors, , c’est en leur violation flagrante que la Cour d’appel de Niamey a ordonné sous astreinte à la BCEAO de reverser à El Hadj RABIOU DJITAOU les sommes saisies entre ses mains ; qu’il y a lieu, en conséquence, de casser sa décision, d’évoquer et statuer à nouveau ;
Sur l’évocation
Attendu qu’en date du 09 mars 2005, El Hadj RABIOU DJITOUA, agissant pour le compte de l’ensemble des Ayants droits de Mamane Djitaou, a pratiqué saisie attribution de la somme de 265 126 442 FCFA entre les mains de la BCEAO-Niger sur les avoirs de la banque BIA-Niger, en vertu de la grosse de l’arrêt n°14 rendu le 19 avril 2002 par la Cour d’appel de Zinder ;
Que la Banque Centrale ayant refusé de reverser aux créanciers ladite somme, ceux-ci ont saisi le juge des référés de Niamey, à l’effet de l’entendre ordonner à la BCEAO le paiement sous astreinte ; que par ordonnance n°103 rendue le 02 août 2005, le Président du Tribunal de grande instance hors classe de Niamey a rendu l’ordonnance dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties en matière d’exécution et en premier ressort :
-Se déclare incompétent ;
-Renvoie les parties à mieux se pourvoir.
Avis d’appel : 15 jours. » ;
Que le mandataire El Hadj RABIOU DJITAOU a relevé appel de cette ordonnance ;
Qu’il échet de déclarer l’appel recevable en la forme ;
Attendu qu’au soutien de son recours, l’appelant fait reproche au juge des référés de s’être déclaré incompétent pour connaître de sa demande d’injonction sous astreinte en raison de l’immunité de juridiction invoquée par la BCEAO, alors qu’en l’espèce la BCEAO n’est pas le débiteur mais le tiers saisi, et que même l’Etat du Niger est attrait devant les juridictions ;
Mais attendu que c’est à bon droit que le juge des référé s’est fondé sur les dispositions de l’article 4 des statuts de la BCEAO, 17 du Traité instituant l’Union Monétaire Ouest-Africaines et 8 du Protocole relatif aux privilèges et immunités de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest, qui confèrent à cette banque l’immunité de juridiction et d’exécution, pour se déclarer incompétent ; qu’il échet de déclarer l’appel mal fondé et de condamner l’appelant aux dépens ;
Par ces motifs
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Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare le pourvoi recevable ;
Casse et annule l’arrêt n°110 rendu le 10 août 2005 par la Cour d’appel de Niamey ;
Evoquant et statuant au fond,
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance n°143 rendue le 02 août 2005 par le Président du tribunal de grande instance de Niamey, Juge des référés ;
Condamne El Hadj RABIOU DJITAOU es-qualité de représentant des ayants droits de Mamane DJITAOU aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier