CONTESTATION – ERREUR SUR LE DEBITEUR – BANQUE SAISIE N’AYANT PAS DE COMPTE OUVERT DANS SES LIVRES AU NOM DU VERITABLE DEBITEUR – ABSENCE DE QUALITE DE TIERCE-SAISIE – CASSATION DE L’ARRET AYANT CONFIRME LE JUGEMENT QUI A CONDAMNE LA BANQUE DANS DE TELLES CONDITIONS
C’est à tort, que, procédant d’une confusion liée aux dénominations de deux sociétés, une banque, a plutôt déclaré l’état des comptes d’une société SN SOCOBIN ouverts dans ses livres, et non ceux d’une société SOCOBIN Sarl, débitrice de la créancière, qui n’a aucun compte ouvert dans les écritures de la banque saisie. N’étant pas tierce-saisie, malgré sa déclaration indiscutablement tardive, la demanderesse ne devait pas être condamnée en cette qualité au paiement des causes de la saisie. C’est donc en violation de l’article 156 de l’AUPSRVE qu’une cour d’appel a confirmé la décision qui a décidé du contraire, exposant ainsi son arrêt à la cassation. Sur l’évocation, il convient de déclarer l’appel recevable en la forme, et pour les mêmes motifs que ceux ayant entraîné la cassation, d’infirmer la décision du premier juge et de débouter la défenderesse de sa demande. ARTICLE 156 AUPSRVE CCJA, 1ère ch., n° 151/2015 du 26 novembre 2015 ; P. n° 060/2010/PC du 06/07/ 2010 : Banque pour le Financement de l’Agriculture (BFA) c/ Société Représentation de Matériels Allemands (REMA) Sarl.
Arrêt N°151/2015 du 26 novembre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 26 novembre 2015 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président Mamadou DEME, Juge Diéhi Vincent KOUA, Juge César Apollinaire ONDO MVE, Juge, rapporteur Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
et Maître Acka ASSIEHUE, Greffier ;
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 06 juillet 2010 sous le n°060/2010/PC formé par la Banque pour le Financement de l’Agriculture (BFA), société anonyme dont le siège social est sis à Abidjan, Côte d’Ivoire, rue Lecœur, Immeuble Alliance B, 2ème étage, 103 BP Post’Entreprise Cedex 1 Abidjan, agissant aux poursuites et diligences de son
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représentant légal, Wenceslas APPIA, ayant pour conseil Maître Ange Rodrigue DADJE, avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, demeurant à Abidjan, Plateau, boulevard Clozel, Immeuble les Acacias, 4ème étage, porte 401, 08 BP 594 Abidjan 08, en l’Etude duquel domicile élu, dans le différend qui l’oppose à la société Représentation de Matériels Allemands (REMA), société à responsabilité limitée domiciliée à Abidjan, Treichville, 05 BP 966 Abidjan 05, agissant aux poursuites et diligences de Gbessi Balliet Raymond DJADOU, ayant pour conseil Maître David GOBA, avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, demeurant à Abidjan-Treichville, Gare de Bassam, Résidence Kobeissi, Escalier C, 2ème étage, 02 BP 839 Abidjan 02, en l’Etude duquel domicile élu,
en cassation de l’arrêt n°142 rendu le 23avril 2010 par la Cour d’appel d’Abidjan, dont le
dispositif est le suivant : « PAR CES MOTIFS Statuant sur le siège, publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et
en dernier ressort ; Déclare la BFA recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé n°256 rendue le
12 février 2006 par la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan ; L’y dit mal fondée et l’en déboute ; Confirme l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ; Condamne la BFA aux dépens (…) » ; La demanderesse invoque un moyen unique de cassation tel qu’il figure dans sa « requête
en cassation » annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur le Juge César Apollinaire ONDO MVE ; Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de
l’OHADA ; Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que la société REMA a fait
pratiquer contre la société SOCOBIN, une saisie-attribution de créances pour sûreté et paiement de sa créance, entre les mains de la BFA, suivant procès-verbal du 20 novembre 2009 ; qu’après avoir déclaré à la société REMA le solde des comptes de la société Nouvelle Société SOCOBIN dite SN SOCOBIN ouverts dans ses livres le 23 novembre 2009, la BFA a été assignée par la société REMA devant la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan en paiement des causes de ladite saisie, motif pris du caractère tardif de sa déclaration ; que par ordonnance n°256/2010 du 12 février 2010, la BFA a été condamnée à payer la somme de 414.330.915 FCFA ; que l’arrêt objet du présent pourvoi a été rendu sur appel de la BFA, par la Première Chambre civile et commerciale de la Cour d’appel d’Abidjan ;
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Sur la deuxième branche du moyen unique tirée de la violation de l’article 156 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé les dispositions de l’article visé au
moyen, en ce qu’il a condamné la requérante au paiement des causes de la saisie, alors qu’elle n’avait pas la qualité de tiers saisi ;
Attendu que les dispositions de l’article 156 de l’Acte uniforme susvisé, selon lesquelles
« toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d’une condamnation au paiement de dommages- intérêts, sauf son recours contre le débiteur», ne s’appliquent qu’au tiers saisi, à savoir le tiers débiteur du débiteur entre les mains duquel le créancier de ce dernier a réellement pratiqué une saisie, parce que détenant effectivement des sommes d’argent dues au saisi en vertu d’un pouvoir propre ou indépendant, même s’il les tient pour le compte d’autrui ;
Attendu qu’en l’espèce, il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que procédant d’une
confusion liée aux dénominations de ces deux sociétés, la BFA a plutôt déclaré l’état des comptes de la société SN SOCOBIN ouverts dans ses livres, et non ceux de la société SOCOBIN Sarl, débiteur saisi de la société REMA, qui n’a aucun compte ouvert dans les écritures de la BFA ; que n’étant pas tiers saisi, malgré sa déclaration indiscutablement tardive, la BFA ne devait pas être condamnée en cette qualité au paiement des causes de la saisie ; qu’en confirmant la décision qui a décidé du contraire, l’arrêt attaqué viole le texte visé au moyen, et encourt cassation ;
Sur l’évocation
Attendu que la BFA a relevé appel de l’ordonnance de référé n°256/2010 rendue le 12 février 2010 par laquelle la juridiction des référés du Tribunal de Première Instance d’Abidjan l’a condamnée au paiement des causes de la saisie pratiquée par la société REMA contre la société SOCOBIN ;
Attendu qu’il convient de déclarer l’appel recevable en la forme ; Attendu qu’au fond et pour les mêmes motifs que ceux justifiant la cassation, il sied
d’infirmer ladite décision et de débouter la société REMA de sa demande ;
Sur les dépens Attendu que la société REMA ayant succombé, il convient de la condamner aux entiers
dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
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En la forme : Reçoit la Banque pour le Financement de l’Agriculture en son recours; Au fond : Casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt n°142 rendu le 23 avril 2010 par la Cour
d’appel d’Abidjan ; Evoquant et statuant au fond, Infirme l’ordonnance n°256/2010 du 12 février 2010 rendue par la juridiction des référés
du Tribunal de Première Instance d’Abidjan ; Déboute la société REMA de sa demande ; La condamne aux dépens. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier