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17/12/2015 | OHADA | N°163/2015

OHADA | OHADA, Cour commune de justice et d'arbitrage, 17 décembre 2015, 163/2015


La cour d’appel qui, pour condamner une banque, tierce-saisie au paiement de dommages- intérêts, a énoncé qu’« il est également établi que du fait de la déclaration inexacte faite par la [tierce-saisie], la [créancière] a perdu toute chance d’avoir paiement de sa créance au moment de la saisie du 30 avril 2008, dans la mesure où à cette date, la déclaration inexacte n’a pas permis de connaître d’une part l’existence du compte mais surtout si le compte était créditeur ; qu’ainsi la [tierce-saisie] a fait perdre au créancier saisissant de faire valoir ses droits a

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La cour d’appel qui, pour condamner une banque, tierce-saisie au paiement de dommages- intérêts, a énoncé qu’« il est également établi que du fait de la déclaration inexacte faite par la [tierce-saisie], la [créancière] a perdu toute chance d’avoir paiement de sa créance au moment de la saisie du 30 avril 2008, dans la mesure où à cette date, la déclaration inexacte n’a pas permis de connaître d’une part l’existence du compte mais surtout si le compte était créditeur ; qu’ainsi la [tierce-saisie] a fait perdre au créancier saisissant de faire valoir ses droits avant la date de la dernière saisie qui a fait ressortir le solde créditeur ; le comportement fautif de la [tierce-saisie] a donc eu pour conséquence de nuire à la société saisissante, de sorte que cette dernière est fondée à obtenir réparation.. », a démontré l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lieu de causalité ; elle n’encourt donc pas le grief de violation ou d’erreur d’application de la loi. Les dispositions de l’article 156 de l’AUPSRVE ne subordonnent pas la condamnation du tiers-saisi au paiement des causes de la saisie à la démonstration d’un préjudice qu’aurait subi le créancier saisissant du fait de la déclaration inexacte du tiers-saisi. Il est de jurisprudence que la saisie ne peut être dénoncée au débiteur que si le tiers saisi a régulièrement collaboré à l’opération de saisie en rendant immédiatement disponible au profit du saisissant la propriété du fonds saisi sans y opposer le moindre obstacle. En l’espèce, la tierce-saisie, en faisant sur le champ une déclaration mensongère au saisissant, refusant ainsi implicitement d’exécuter la saisie-attribution, n’a pas permis à la procédure de saisie attribution d’être menée à son terme, le saisissant ne pouvant ainsi pas dénoncer une saisie dont il n’est pas encore attributaire. C’est donc à bon droit que le juge d’appel a déclaré la tierce-saisie malvenue à invoquer la caducité pour non dénonciation de la saisie et son recours, qui est mal fondé, doit être rejeté.
ARTICLE 28 BIS REGLEMENT DE PROCEDURE CCJA ARTICLE 156 AUPSRVE ARTICLE 160 AUPSRVE CCJA, 1ère ch., n° 163/2015 du 17 décembre 2015 ; P. n° 059/2012/PC du 06/06/2012 : Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire dite SGBCI c/ Société Ivoirienne de Ciment et Matériaux dite SOCIMAT.
Arrêt N°163/2015 du 17 décembre 2015
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La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 17 décembre 2015 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président, rapporteur
Mamadou DEME, Juge
Vincent Diehi KOUA, Juge
César Apollinaire ONDO MVE, Juge
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
Et Maître ASSIEHUE Acka, Greffier ;
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation en
Afrique du droit des affaires, devant la Cour de céans, de l’affaire Société Générale de Banque en Côte d’Ivoire dite SGBCI contre Société Ivoirienne de Ciments & Matériaux dite SOCIMAT, sise à Abidjan, Boulevard du Port 01 BP 8887 Abidjan 01, représentée par son Directeur Général PACHLER Joann, par arrêt n°057/11 du 03 février 2011 de la Chambre Judiciaire, Formation Civile, de la Cour Suprême de la République de Côte d’Ivoire, saisie d’un pourvoi formé le 20 juillet 2009 par la SGBCI S.A, sise à Abidjan-Plateau, 5 et 7 Avenue Joseph ANOMA, 01 BP 1135 Abidjan 01, représentée par son Directeur Général Bernard LABADENS et ayant pour Conseils la SCPA SORO et BAKO, Avocats à la Cour, demeurant Cocody-Les-Deux-Plateaux, rue des jardins, villa 2179, renvoi enregistré sous le n°059/2012/PC le 06 juin 2012,
en cassation de l’arrêt n°101/civ6/B rendu le 24 février 2009 par la Cour d’appel
d’Abidjan et dont le dispositif suit : «Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement en matière
commerciale en référé et en dernier ressort ; Déclare les Sociétés SGBCI et SOCIMAT recevables en leurs recours
respectifs ; Déclare la SGBCI mal fondée en son appel principal et l’en déboute ; Dit que la SOCIMAT est partiellement fondée en son appel incident ; Infirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a débouté la SOCIMAT de sa
demande en dommages-intérêts ; Statuant à nouveau ; Déclare la SOCIMAT partiellement fondée en son appel incident ; Condamne la SGBCI à lui payer la somme de cinq millions (5.000.000) francs à
titre de dommages-intérêts ; Confirme ladite ordonnance pour le surplus ; Condamne la SGBCI aux dépens. » ;
Attendu que la requérante invoque à l’appui de son recours deux moyens de cassation
tels qu’ils figurent à la « requête aux fins de pourvoi en cassation » annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président ; Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit
des affaires en Afrique ;
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Vu les dispositions du Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en exécution de l’arrêt
n°460 du 21 avril 2006 de la Cour d’appel d’Abidjan, la Société de Ciment et Matériaux (SOCIMAT), créancière de la Société Constructions Métalliques Ivoiriennes (CMI) a, par exploit en date du 30 avril 2008, fait pratiquer saisie attribution de créances au préjudice de la CMI, entre les mains de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire (SGBCI), pour sûreté et paiement de la somme de 29.221.452 FCFA ;
Que la SGBCI, sur interpellation de l’huissier instrumentaire, a déclaré n’avoir dans ses
livres aucun compte ouvert au nom de la CMI ; Que cependant à l’occasion d’une autre saisie le 16 octobre 2008, la SGBCI a déclaré
détenir en ses livres un compte débiteur de la somme de 392.665.186 FCFA ouvert au nom de la Société CMI sous le numéro 116330922710 ;
Qu’estimant que la SGBCI a failli à ses obligations légales, la SOCIMAT a saisi le juge des référés du Tribunal de première instance d’Abidjan à l’effet de la voir condamner au paiement des causes de la saisie attribution du 30 avril 2008 ;
Que faisant droit à cette saisine, le juge des référés, par ordonnance n°1885 rendue le 04 décembre 2008, a condamné la SGBCI à payer à la SOCIMAT la somme de 48.747.660 FCFA ;
Que sur appel de la SGBCI, la Cour d’appel d’Abidjan a rendu le 24 février 2009 l’arrêt
n°101/CIV6/B sus énoncé ; Attendu que par courrier en date du 20 juin 2012 reçu en l’Etude du Conseil de
SOCIMAT le 25 juin 2012, le Greffier en chef de la Cour de céans a invité la SOCIMAT, défenderesse au pourvoi, à déposer dans un délai d’un mois à compter de la réception de la correspondance, ses écritures ainsi que les pièces utiles pour la défense de ses intérêts ; que cette lettre est demeurée sans suite ; que dès lors, le principe du contradictoire ayant été respecté, il y a lieu de statuer contradictoirement à l’égard de toutes les parties ;
Sur le premier moyen tiré de la violation de la loi ou erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi,
- en sa première branche, prise de la violation de l’article 1382 du Code civil Attendu qu’il est reproché à la Cour d’appel d’avoir invoqué l’article 1382 susvisé pour
condamner la SGBCI sans établir un lien de causalité entre une faute qui serait commise par la SGBCI et un préjudice qu’aurait subi la SOCIMAT, alors qu’aux termes dudit article, la réunion d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux, est indispensable à la justification de la condamnation pour faute ;

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Mais attendu que pour condamner la SGBCI au paiement de dommages- intérêts, la Cour d’appel énonce qu’ « il est également établi que du fait de la déclaration inexacte faite par la SGBCI, la Société SOCIMAT a perdu toute chance d’avoir paiement de sa créance au moment de la saisie du 30 avril 2008, dans la mesure où à cette date, la déclaration inexacte n’a pas permis de connaître d’une part l’existence du compte mais surtout si le compte était créditeur ; qu’ainsi la SGBCI a fait perdre au créancier saisissant de faire valoir ses droits avant la date de la dernière saisie qui a fait ressortir le solde créditeur ; le comportement fautif de la SGBCI a donc eu pour conséquence de nuire à la société saisissante, de sorte que cette dernière est fondée à obtenir réparation.. » ; qu’ayant ainsi démontré l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lieu de causalité, la Cour n’encourt pas le grief formulé par le moyen ;
- en sa seconde branche, prise de la violation de l’article 156 de l’Acte uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE)
Attendu qu’il est reproché à la Cour d’appel d’Abidjan d’avoir estimé, pour condamner le tiers saisi au paiement des causes de la saisie, qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si le compte du débiteur saisi, s’il existait à la date de la saisie, était créditeur ou débiteur, pour établir que du fait de la déclaration inexacte ou mensongère du tiers saisi, le saisissant a pu perdre une chance de se faire payer , alors qu’aux termes du texte susvisé, pour condamner le tiers saisi du fait de sa déclaration, il faut établir que celle-ci a pu faire subir au créancier saisissant un préjudice ;
Mais attendu que les dispositions de l’article ne subordonnent pas la condamnation du
tiers saisi au paiement des causes de la saisie à la démonstration d’un préjudice qu’aurait subi le créancier saisissant du fait de la déclaration inexacte du tiers-saisi ; qu’il échet de rejeter également le moyen en cette branche ;
Sur le second moyen tiré de la violation ou erreur dans l’application ou
l’interprétation de l’article 160 de l’AUPSRVE
Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’appel d’avoir délibérément exclu le tiers saisi des personnes habilitées à invoquer la caducité d’une saisie non dénoncée, en retenant notamment que la dénonciation de la saisie est prescrite dans l’intérêt du débiteur saisi qui ne s’en est pas prévalu, alors qu’en application de l’article 160 susvisé, le tiers saisi peut invoquer la caducité d’une saisie non dénoncée s’il est poursuivi sur la base de ladite saisie ;
Mais attendu qu’il est de jurisprudence que la saisie ne peut être dénoncée au débiteur
que si le tiers saisi a régulièrement collaboré à l’opération de saisie en rendant immédiatement disponible au profit du saisissant la propriété du fonds saisi sans y opposer le moindre obstacle ; qu’en l’espèce, la SGBCI, en faisant sur le champ une déclaration mensongère au saisissant, refusant ainsi implicitement d’exécuter la saisie- attribution, n’a pas permis à la procédure de saisie attribution d’être menée à son terme, le saisissant ne pouvant ainsi pas dénoncer une saisie dont il n’est pas encore attributaire ; que c’est à bon droit que le juge d’appel a déclarer la SGBCI malvenue à invoquer la non dénonciation de la saisie ; qu’i l s’ensuit que le recours de la SGBCI doit être rejeté comme non fondé ;
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Attendu que la SGBCI ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, En la forme : Déclare le pourvoi recevable ; Au fond : Le rejette ; Condamne la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoi aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :

Le Président
Le Greffier


Synthèse
Numéro d'arrêt : 163/2015
Date de la décision : 17/12/2015

Analyses

SAISIE-ATTRIBUTION DE CRÉANCE TIERS-SAISI - DÉCLARATION MENSONGÈRE : REFUS D'EXÉCUTER LA SAISIE - CONDAMNATION DU TIERS-SAISI - NÉCESSITÉ DE LA PREUVE D'UN PRÉJUDICE DU FAIT DE LA DÉCLARATION INEXACTE : NON NÉCESSAIRE DÉNONCIATION DE LA SAISIE IMPOSSIBLE DU FAIT DU TIERS-SAISI IMPOSSIBILITÉ POUR LE TIERS-SAISI D'INVOQUER LA CADUCITÉ DE LA SAISIE


Références :

Ohada.com/Unida


Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ohada;cour.commune.justice.arbitrage;arret;2015-12-17;163.2015 ?
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