Arrêt N° 168/2015 du 17 décembre 2015
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), Première Chambre, de l’Organisation
pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 17 décembre 2015 où étaient présents :
Messieurs Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président, rapporteur
Mamadou DEME, Juge
Vincent Diehi KOUA, Juge
César Apollinaire ONDO MVE, Juge
Robert SAFARI ZIHALIRWA, Juge
Et Maître Acka ASSIEHUE, Greffier ;
Sur le pourvoi n° 033/2014/PC enregistré au Greffe de la Cour de céans le 04 mars 2014, formé par Maître Claude COELHO, Avocat au Barreau de Pointe Noire (Congo) BP 430 Pointe Noire, Maître Simone BERNARD-DUPRE, Avocat au Barreau de Paris, domicile élu en l’Etude de Maître COELHO ? Maître Destin Arsène TSATY-BOUNGOU, Avocat près la Cour d’appel de Pointe Noire, constitué aux côtés de Maître COELHO, agissant pour le compte de la Société ELCO CONSTRUCTION SARL,BP 2326, dont le siège social est à Brazzaville et l’activité principale en son agence de Pointe Noire, poursuites et diligences de son représentant Monsieur ALY AMINE, Gérant statutaire demeurant en cette qualité audit siège, dans la cause opposant ladite société à la
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Société MAISONS SANS FRONTIERES CONGO SARL, dont le siège est à Brazzaville, 54, rue des Compagnons de Brazza, BP 13934 représenté par son dirigeant légal, ayant pour conseil Maître PENA-PITRA, Avocat à la Cour,
en annulation de l’arrêt n°10/GCS-014 rendu le 23 janvier 2014 par la Cour Suprême du Congo et dont le dispositif suit :
« Par ces motifs et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres moyens :
En la forme,
Déclare recevables le pourvoi et la requête spéciale aux fins de sursis à exécution formés le 08 avril 2013 par la société Maisons sans frontières contre l’arrêt civil n° 26 du 22 mars 2013 de la Cour d’appel de Pointe Noire ;
Au fond,
Casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt attaqué ; remet en conséquence la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant son prononcé et les renvoie devant le tribunal de grande instance de Pointe Noire pur exécution de la mesure d’instruction ordonnée par le jugement du 26 novembre 2012 ;
Ordonne le remboursement à la société Maisons sans frontières de la somme de 10.000 francs consignée au greffe de la Cour suprême ;
Condamne la société ELCO CONSTRUCTION aux dépens ;
Dit que le présent arrêt sera, à la diligence de Monsieur le Procureur général près la Cour suprême, transmis au greffe de la Cour d’appel de Pointe Noire, pour être transcrit sur les registres y relatifs en marge, à la suite de l’arrêt n°26 du 22 mars 2013 ; » ;
Attendu que la société ELCO invoque à l’appui de son recours le moyen unique de cassation tel qu’il figure à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Marcel SEREKOÏSSE-SAMBA, Président ;
Vu les dispositions des articles 13,14 et 18 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA, notamment en son article 52 ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que suite à la rupture d’un contrat de construction de 150 villas conclu entre la Société Maisons sans Frontières Congo SARL dite MSF, maître d’ouvrage et l’entreprise de construction société ELCO SARL, celle-ci saisit le Président du tribunal de commerce de Pointe Noire qui a ordonné le 26 avril 2010, en application des articles 54,55,57 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de
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recouvrement et des voies d’exécution, la saisie conservatoire des biens meubles corporels et incorporels appartenant à la MSF pour garantie et sûreté de sa créance arrêtée en principal à 13.294.000.000 FCFA ;
Qu’au vu d’un procès- verbal de carence dressé par huissier de justice en date du 14 mai 2010, le Président du tribunal de grande instance de Pointe Noire, par une ordonnance sur requête du 17 juin 2010, autorisa la société ELCO à prendre une inscription provisoire d’hypothèque sur les terrains bâtis et non bâtis, objet du titre foncier n°6847 dont MSF est titulaire ;
Qu’au cours de la mise en œuvre par l’huissier de justice de ladite ordonnance auprès de la Conservation Foncière, la société MSF saisit en référé le Président du Tribunal de grande instance d’une requête en mainlevée ;
Que par ordonnance du 13 octobre 2010, le Président du tribunal rejeta la demande de mainlevée ; que le 26 novembre 2012, le tribunal, par un autre jugement avant-dire-droit, désigna un Expert aux fins de calculer la somme à payer à Elco Construction par rapport à l’état d’avancement des travaux sur certaines villas en vue d’une compensation sollicitée par MSF et lui impartit un délai de 21 jours pour déposer son rapport ;
Que la société Elco Construction estimant interlocutoire ce jugement du 26 novembre 2012, en forma appel et demanda l’évocation ;
Que par arrêt civil du 22 mars 2013, la Cour d’appel de Pointe Noire retint le caractère interlocutoire du jugement du 26 novembre 2012, condamna la Société Maisons Sans Frontière au paiement de la somme de 13.294.000.000 FCFA en principal et 2.000.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts au profit de la société ELCO CONSTRUCTION ;
Que sur pourvoi de MSF, la Cour suprême du Congo rendit le 23 janvier 2014 l’arrêt n°10/GCS-014 sus énoncé, frappé du présent pourvoi devant la Cour de céans ;
Sur la recevabilité du recours
Attendu que dans son mémoire en réponse du 19 juin 2014, la société MSF soulève l’irrecevabilité de la « requête en cassation » de la société Elco Construction pour violation des dispositions de l’article 28 du Règlement de procédure de la CCJA, aux motifs que celle-ci ne contiendrait ni le domicile et l’adresse géographique de ladite société et de ses avocats, ni la preuve de son existence juridique ;
Mais attendu que l’examen aussi bien de la requête du 12 février 2014 que des pièces justificatives qui l’accompagnent révèle que les griefs formulés sont infondés et que celle-ci doit être déclarée recevable, en ce qu’elle contient bien les mentions des domiciles ou adresses géographique de la société ELCO, de son conseil et de son domicile élu ;
Sur le moyen unique tiré de la violation de l’article 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique
Attendu qu’il est fait grief à la Cour suprême du Congo de s’être déclarée compétente rationae materiae en justifiant sa compétence par le fait qu’il s’agissait pour elle de statuer sur la
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nature du jugement avant-dire-droit du 26 novembre 2012 pour savoir s’il était ou non susceptible d’un appel avant le jugement au fond, alors qu’il ressort tant de l’article 14 du Traité sus indiqué que de la loi congolaise n°17-99 du 15 avril 1999 modifiant et complétant certaines dispositions de la loi n°025-92 du 20 août 1992 et de la loi n°30-94 du 18 octobre 1994 portant organisation et fonctionnement de la Cour Suprême que le contentieux relatif à l’application des Actes uniformes est porté devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’aux termes de l’alinéa 3 de l’article 14 susvisé, « saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des Actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales» ;
Attendu qu’en l’espèce, il ne fait aucun doute que le différend qui oppose la Société Maisons
Sans Frontières Congo à la Société Elco Construction trouve son origine dans l’application des articles, notamment, 212 et 213 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés ;
Que la Cour d’appel de Pointe Noire, saisie du litige relatif à l’hypothèque autorisée par le
Président du Tribunal de grande instance, a statué sur sa validation et a décidé, à la fois, du maintien de l’intégralité de l’hypothèque déjà inscrite et de sa conversion en hypothèque judiciaire définitive qui sous-tend la condamnation pécuniaire ;
Que dans ces conditions, le contrôle de la régularité procédurale dont se prévaut la Cour Suprême du Congo pour retenir sa compétence ne saurait primer sur son obligation de s’assurer au préalable de sa compétence rationae materiae ; que c’est donc à tort qu’elle s’est déclarée compétente pour examiner le pourvoi en cassation formé par la Société Maisons Sans Frontières Congo SARL ; qu’en conséquence, sa décision attaquée est réputée nulle et non avenue en application des dispositions de l’article 18 du Traité susmentionné ;
Attendu que la Société Maisons Sans Frontières Congo SARL ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare recevable le recours de la Société ELCO CONSTRUCTION SARL ;
Dit que la Cour suprême du Congo s’est déclarée compétente à tort pour examiner le pourvoi en cassation formé par la Société Maisons Sans Frontière Congo SARL ;
En conséquence, déclare l’Arrêt n°10/GCS-014 du 23 janvier 2014 rendu par la Cour suprême du Congo nul et non avenu ;
Condamne la Société Maisons Sans Frontières Congo SARL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
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Le Président
Le Greffier