Ohadata J-16-214 POURVOI EN CASSATION – INSUFFISANCE DE MOTIVATION – CASSATION
SAISIE IMMOBILIERE - CONTESTATIONS – ACTION EN RESPONSABILITE NON PREVUE – IRRECEVABILITE
L’arrêt qui, pour parvenir à la mise en jeu de la responsabilité d’une banque à la suite d’une vente, fait référence à des actes de procédure dont le saisi doit recevoir personnellement signification sans déterminer les dits actes et les textes les organisant, est insuffisamment motivé et doit être cassé.
L’AUPSRVE n’a prévu, au titre VIII consacré à la saisie immobilière, aucune responsabilité du fait de l’application des textes à l'inverse du titre III, qui en son article 144 alinéa 3, stipule que les actions en responsabilité peuvent être exercées dans les termes du droit commun et encore seulement lorsque la saisie est déclarée nulle avant la vente. En l’occurrence il y a lieu de dire que le rejet de la nullité de l’adjudication fait obstacle à toute autre action et l’action en responsabilité contre la banque créancière est irrecevable, reformant de ce chef le jugement querellé qui a prononcé un débouté sur la demande en responsabilité. Le débouté relatif à la nullité du jugement d’adjudication n'ayant pas été attaqué, le jugement doit être confirmé en toutes ses autres dispositions, dès lors qu’il n’y a pas eu appel incident.
ARTICLE 28 BIS REGLEMENT DE PROCEDURE DE LA CCJA CCJA, 2ème ch., n° 005/2016 du 21 janvier 2016 ; P. n° 017/2013/PC du 06/02/2013 : Compagnie Bancaire de l’Afrique Occidentale, groupe Attijariwafa Bank dite CBAO c/ Abdoul Aziz DIONGUE, GIE MBACKOL ENTREPRISE, Khadim BA.
ARRET N°005/2016 du 21 janvier 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième Chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 21 janvier2016 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge, rapporteur Djimasna N’DONINGAR, Juge
Et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier,
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 06 février 2013 sous le n°017/2013/PC et formé par la SCPA Mayacine Tounkara et Associés, Avocats à la Cour, 15 Boulevard Djily Mbaye x rue de Thann, Immeuble Xeeweul, 1er étage à Dakar et Maître Mamadou SAMASSI, Avocat à la Cour, 17, rue Marchand Immeuble Longchamp, 1er étage 05 BP 982 Abidjan 05, agissant au nom et pour le compte de la Compagnie Bancaire de l'Afrique Occidentale Groupe Attijariwafa Bank dite CBAO société Anonyme venant aux droits et obligations de l’ex Banque Sénégalo-Tunisienne dite BST, sise Place de l’Indépendance à Dakar, dans la cause l’opposant au sieur Abdoul Aziz DIONGUE demeurant à Dakar, Gorom 1 Rufisque, Périmètre des Niayes n°2768, ayant pour conseil Me GUEDEL Ndiaye et Associes,
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Avocat à la Cour, 73 bis rue Amadou Assane Ndoye à Dakar, au GIE MBACKOL Entreprise, sis à la rue 4, Joris, Place de la Gare à Dakar et au sieur KHADIM BA, demeurant rue 4, Joris, Place de la Gare à Dakar, tous les deux ayant pour conseil Me Cheikh Amadou DIOP, Avocat à la Cour, 3 Rue Niomré x A. Sarraut à Dakar,
en cassation de l’arrêt n°299 rendu le 02 août 2012 par la 2ème Chambre Commerciale,
Economique et Financière de la Cour d’appel de Dakar, dont le dispositif est le suivant : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier
ressort ; Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau : Déclare ATTIJARI BANK, le GIE MBACKOL et KHADIM BA solidairement
responsables du préjudice subi par Abdoul Aziz DIONGUE ; Ordonne avant dire droit sur la réparation une expertise immobilière aux fins de
déterminer la valeur des impenses réalisées et du droit au bail relativement à l’immeuble adjugé ;
Désigne le cabinet SADY et THIAM pour y procéder aux frais avancés de l’appelant ; Dit que l’expert devra déposer son rapport dans le délai de trois mois à compter de la
signification de l’arrêt ; Réserve les dépens » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils
figurent dans sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que suivant des actes notariés en date du 28 mai 2001 et 30 janvier 2003, le sieur Abdoul Aziz DIONGUE a affecté en nantissement à la Banque Sénégalo-Tunisienne devenue Attijariwafa Bank son droit de bail sur l'immeuble objet du titre foncier n°2768 de Rufisque en garantie des engagements pris par le GIE Mbakol, envers ladite banque ; que le GIE Mbakol n'ayant pas respecté ses engagements, une procédure de saisie immobilière a été entreprise sur le TF indiqué ; que suivant jugement n°1928 du 13 novembre 2007, le droit au bail inscrit sur l’immeuble objet du TF a été adjugé à Attijariwafa Bank Sénégal ; que Abdoul Aziz DIONGUE, estimant avoir été tenu dans l'ignorance de la procédure par la faute de la Banque, du GIE Mbakol et de Khadim BA, Président dudit GIE, les a assignés devant le tribunal en paiement solidaire de la somme de 300.000.000 F pour toutes causes de préjudices confondues, ainsi que l'annulation de l'adjudication ; qu'ayant été débouté en première instance, il obtiendra en appel la mise en cause des susnommés, par arrêt n°229 du 02 août 2012, objet du présent pourvoi ;
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Sur le troisième moyen tiré de l'insuffisance de motivation
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt déféré d'avoir estimé que le fait que la publicité en vue de la vente ait été opérée dans un journal d'annonces légales ne dispense pas le saisissant d'en informer le saisi qui doit recevoir personnellement signification des actes de la procédure, sans viser le texte de loi qui stipule cette assertion ;
Attendu en effet que l'arrêt déféré pour parvenir à la mise en jeu de la responsabilité de la banque suite à la vente, fait référence à des actes de procédure dont le saisi doit recevoir personnellement signification sans déterminer les dits actes et les textes les organisant ; que devant cette insuffisance de motivation, il y a lieu de casser l’arrêt déféré et d’en évoquer sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres moyens.
Sur l'évocation
Attendu que suivant exploits des 19 et 20 mai 2010, le sieur Abdoul Aziz DIONGUE a interjeté appel du jugement rendu le 11 mai 2010 par le tribunal régional de Dakar ;
Attendu qu'au soutien de son appel, Abdoul Aziz DIONGUE a exposé que le commandement et la sommation de prendre communication du cahier des charges ont été délaissés au GIE Mbakol et ont été reçus par Khadim BA et Isabelle DIOUF, respectivement Président et secrétaire dudit GIE ; que donc ces actes de procédure ne lui ont pas été signifiés, cela en violation des articles 254 al.2 et 269 in fine de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, engageant ainsi la responsabilité d'Attijariwafa bank en application de l'article 118 du COCC ; que la responsabilité de la banque est d'autant plus engagée qu'après avoir fait radier l'affaire du rôle de l'audience d'adjudication initialement prévue pour le 10 juillet 2007, elle a été autorisée à reprendre l'adjudication par ordonnance à pied de requête du 02 octobre 2007 pour l'audience du 13 novembre 2007 ; que toutefois sachant qu'elle était obligée d'informer le saisi de cette nouvelle date, elle a signifié par acte du 11 octobre 2007 au GIE Mbakol un acte de dénonciation de placards avec sommation d'assister à la vente ; que l'insertion dans le journal LEX est une publicité destinée aux tiers et non au saisi qui doit être informé par voie de signification ; que la jurisprudence du juge des criées est constante en ce qu'elle annule toutes les ventes immobilières lorsque le saisi n'est pas informé de la date d'adjudication ; que selon l'appelant, Khadim BA est tout aussi responsable puisqu'en recevant pour le concluant signification d'un exploit d'huissier, il s'est ipso facto constitué comme mandataire et devait remettre l'acte à son destinataire qu'en effet l'article 822 du code de procédure civile, en permettant à une personne ; trouvée au domicile du destinataire de l'exploit de le recevoir, l'oblige à le remettre à son véritable destinataire ; que Abdoul Aziz DIONGUE conclut donc à l'infirmation du jugement et la condamnation solidaire d'Attijariwafa bank, du GIE Mbakol et Khadim BA à lui payer la somme de 300.000.000 F à titre de dommages et intérêts ;
Attendu qu'en réplique, Attijariwafa bank a conclu à la confirmation du jugement en exposant qu'en vertu de l'article 18 du COCC la force probante d'un acte d'huissier ne peut être combattue que par la procédure de faux ; qu'il résulte du commandement valant saisie réelle des 28 février et 13 mars 2007 et de la sommation en date du 08 mai 2007 que les dits actes ont été servis à Abdoul Aziz DIONGUE à son domicile conformément aux indications de l'article 822 CPC ; que des propres écritures du GIE Mbakol du 08 juin 2009, il ressort que Sieur DIONGUE était parfaitement au courant de la vente et de l'état de la créance ; que par lettre du 02 janvier 2007, il a été avisé de la défaillance du débiteur principal qui a été mis en demeure le même jour ; que contrairement aux arguments de DIONGUE, la publicité de la vente dans un journal d'annonces légales n'est pas destinée uniquement aux enchérisseurs en application
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des articles 276 à 279 de l' AUPSRVE, mais vaut également pour le saisi ; que le 26 décembre 2007 l'appelant qui lui a signifié par acte d'huissier un certificat constatant le non-paiement du prix en y visant l'adjudication du 13 novembre 2007 était encore dans les délais pour saisir la cour d'appel mais s'est gardé de le faire sachant que son recours était voué à l'échec ;
Attendu que l'appel a essentiellement porté sur la responsabilité de la banque
Attijariwafa bank, du GIE Mbakol et de Khadim BA, la première pour avoir entrepris une procédure de vente judiciaire de l'immeuble sans s'être conformée aux dispositions légales et les deux derniers pour avoir accepté de recevoir des actes de procédure sans mandat et de s'être abstenus de les remettre au destinataire ;
Attendu que l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution au titre VIII consacré à la saisie immobilière n'a prévu aucune responsabilité du fait de l’application des textes à l'inverse du titre III, qui en son article 144 alinéa 3, stipule que les actions en responsabilité peuvent être exercées dans les termes du droit commun et encore seulement lorsque la saisie est déclarée nulle avant la vente ; qu’en l’occurrence le rejet de la nullité de l’adjudication fait obstacle à toute autre action ;
Attendu donc qu'il échet dire que l'action de Abdoul Aziz DIONGUE est irrecevable, reformant de ce chef le jugement querellé qui a prononcé un débouté sur la demande en responsabilité ;
Attendu que le débouté relativement à la nullité du jugement d’adjudication n'a pas été attaqué, et qu'il y a pas eu appel incident ; qu'il échet donc de confirmer le jugement en ses autres dispositions ;
Attendu que sieur Abdoul Aziz DIONGUE ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Casse l'arrêt n°299 rendu le 02 août 2012 par la 2ème Chambre Commerciale, Economique et Financière de la Cour d’appel de Dakar;
Evoquant et statuant au fond,
Réforme le jugement du chef de la demande de mise en cause de Attijariwafa bank, du GIE Mbakol et de Khadim BA et de leur condamnation solidaire à des dommages-intérêts ;
Et statuant à nouveau sur ce point,
Déclare l'action irrecevable ;
Confirme le jugement entrepris en ses autres dispositions ;
Condamne Abdoul Aziz DIONGUE aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier