ARRET N°009/2016 du 21 janvier 2016
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 21 janvier 2016 où étaient présents :
Messieurs Abdoulaye Issoufi TOURE, Président Namuano Francisco DIAS GOMES, Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 16 avril 2013 sous le n°045/2013/PC et formé par la SCPA Moise BAZIE, KOYO & ASSA-AKOH, Avocats à la cour, y demeurant, Commune du Cocody, Vieux Cocody, Rue B15, 08 BP 2641 Abidjan 08, agissant au nom et pour le compte de la Société Générale de Banques en Côte d’Ivoire, dite SGBCI, S.A. dont le siège social est à Abidjan Plateau, Avenue Joseph ANOMA, 01 BP 2673 Abidjan 01, dans la cause l’opposant à la Société d’Industrie et de Commerce, dite SICOM, dont le siège est à Vridi Zone industrielle, rue Marris, 16 BP 1777 Abidjan 16, ayant pour conseil Maître YEO MASSEKRO, Avocat à la Cour, y demeurant, Commune du Plateau, Immeuble SCIA 9, 2ème
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étage, porte 24, 04 BP 2811 Abidjan 04, d’une part, et à la société HYSSAND TRANSIT, S.A. sise en Zone 4 C, Rue du 7 décembre, 01 BP 6536 Abidjan 01, d’autre part ;
En cassation de l’arrêt n°536/12 rendu le 20 avril 2012 par la Cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
- Reçoit la société d’Industrie et de Commerce dite SICOM en son appel relevé du jugement n°1292/2010 rendu le 12 mai 2010 par le tribunal de première Instance d’Abidjan-Plateau ;
- L’y dit bien fondée ;
- Infirme la décision attaquée en toutes ses dispositions ; Statuant à nouveau :
- Déclare la société SICOM bien fondée en son opposition formée contre l’ordonnance portant injonction de payer n°1329/2009 du 25 mai 2009 ;
- Rétracte ladite ordonnance ;
- Condamne l’intimée aux dépens. » ; Attendu que la requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de
cassation, tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ; Sur le rapport de Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des
affaires en Afrique ; Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’en application des articles 29 et 30 du Règlement de procédure, le pourvoi a été signifié par courriers n°330/2013/G2 et 331/2013/G2 du 29 avril 2013, respectivement à la Société SICOM et à la Société HYSSAND TRANSIT, sans réaction de leur part ; que le principe du contradictoire ayant été respecté, il convient de passer outre et d’examiner le pourvoi ; Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’entre novembre et décembre 2008, la SGBCI escomptait une série de lettres de change tirées sur la SICOM au bénéfice de la société HYSSAND TRANSIT ; qu’au premier trimestre 2009, ces effets de commerce, présentés au paiement, sont revenus impayés ; que pour en avoir payement, la SGBCI obtenait du Président du tribunal de première instance d’Abidjan, en date du 25 mai 2009, l’ordonnance n°1329/2009 faisant injonction à la SICOM d’avoir à lui payer la somme de 72.812.174 FCFA ; que le tribunal de première instance d’Abidjan, sur opposition de la SICOM, confirmait l’ordonnance d’injonction de payer ; que la cour d’Abidjan, sur appel de la SICOM, a rendu l’arrêt infirmatif dont pourvoi ;
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Sur le troisième moyen pris du défaut de base légale résultant de l’insuffisance des motifs
Attendu qu’au soutien de son recours, la requérante reproche à la Cour d’appel d’Abidjan d’avoir déduit du défaut de présentation de la lettre de domiciliation et de l’absence de signification des protêts faute de paiement à la société SICOM, le caractère douteux de sa créance, alors, selon le moyen, que celle-ci résulte des lettres de change dûment acceptées ; que toutes les traites dont le recouvrement est poursuivi, conformément à l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, sont échues et leur montant n’est nullement contesté par le tiré accepteur ; que c’est en méconnaissance des règles régissant les effets de commerce que la cour d’appel a déclaré douteuse une créance dont le montant, cristallisé dans des traites, ne fait l’objet d’aucune contestation ;
Attendu que pour infirmer le jugement entrepris, l’arrêt querellé a estimé que « cette créance douteuse » ne peut faire l’objet d’une procédure d’injonction de payer, sans démontrer en quoi les différentes lettres de change acceptées par le tiré, qui sont le support de ladite créance, sont privées de validité, alors même qu’aux termes de l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « la procédure d’injonction de payer peut être introduite lorsque (…) l’engagement résulte de l’émission ou de l’acceptation de tout effet de commerce ou d’un chèque dont la provision s’est révélée inexistante ou insuffisante » ; qu’en statuant ainsi, le juge d’appel a insuffisamment motivé sa décision et ne permet donc pas à la Cour de céans d’exercer son contrôle ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres moyens ;
Sur l’évocation
Attendu que, par exploit en date du 27 mai 2010, la société SICOM relevait appel
contre le jugement n°1292/CIV 3C rendu le 12 mai 2010 par le tribunal de première instance d’Abidjan Plateau dans l’affaire l’opposant à la SGBCI et à la société HYSSAND TRANSIT dont le dispositif est ainsi conçu : « Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ;
- Vu l’échec de la tentative de conciliation ;
- Déclare la société SICOM recevable en son opposition ; - L’y dit cependant mal fondée ; - L’en déboute ; - La condamne à payer à la SGBCI la somme principale de 72.280.000 FCFA ; - La condamne en outre aux dépens. » ; Qu’au soutien de son appel, elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris ;
qu’elle expose que, quoiqu’étant en relation d’affaires avec la société HYSSAND TRANSIT, elle n’a jamais émis ces lettres de change qui ne peuvent résulter que de faux commis par le gérant de HYSSAND TRANSIT ; qu’elle s’étonne que la SGBCI ait pu accepter ces lettres de change en dépit du courrier à elle adressé en date du 18 octobre 2007, lui précisant le spécimen des lettres qu’elle émettait à compter de la date dudit courrier en vue de se prémunir des falsifications ; qu’elle fait valoir qu’elle n’est nullement débitrice du montant de ces lettres de
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change vis-à-vis de la SGBCI et conclut à la rétractation de l’ordonnance d’injonction de payer ;
Attendu que la SGBCI, en réplique, sollicite le rejet pur et simple de cet appel ; qu’elle soutient tout d’abord que le courrier du 18 octobre 2007 dont se prévaut l’appelante ne fait nullement injonction à la banque de refuser systématiquement d’escompter des traites différentes de celui du spécimen, d’une part, et ne règle pas non plus le sort des traites émises avant la date du courrier et dont l’échéance n’était pas encore arrivée ou celles qui seraient présentées après la date indiquée, d’autre part ; que rien ne lui permettait de soupçonner une fraude dans l’émission desdites traites dans la mesure où la signature des dirigeants de la SICOM portée sur les traites litigeuses était conforme et qu’aucun courrier de cette société n’indique l’existence de vol de carnet de traites ; qu’elle estime que le silence de la SICOM tout le long de la réception des protêts faute de paiement constitue un aveu implicite ; qu’elle conclut à la confirmation du jugement querellé ;
Attendu que la lettre de change est un titre formaliste qui se caractérise par
l’inopposabilité des exceptions tirées des rapports de base et la solidarité des signataires ; qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure qu’aucune procédure de faux n’est entreprise relativement aux traites escomptées par la SGBCI ; qu’en déclarant la SICOM mal fondée en son opposition et en confirmant l’ordonnance d’injonction de payer, le tribunal de première instance d’Abidjan Plateau a fait une bonne application de l’article 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’il échet de confirmer le jugement entrepris ;
Attendu que la société SICOM ayant succombé, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré, - Casse l’arrêt n°536/12 rendu le 20 avril 2012 par la Cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant sur le fond :
- Confirme en toutes ses dispositions le jugement n°1292/CIV 3C rendu le 12 mai 2010 par le tribunal de première instance d’Abidjan Plateau ;
- Condamne la société SICOM aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier