La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 11 janvier 2018 où étaient présents :
Messieurs : Mamadou DEME, Président,
Victoriano OBIANG ABOGO, Juge,
Idrissa YAYE, Juge,
Birika Jean Claude BONZI, Juge,
Fodé KANTE, Juge, rapporteur,
et Maître Alfred Koessy BADO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 10 février 2015, sous le n° 022/2015/PC et formé par Maître Yves N’DIA KOFFI, avocat à la Cour d’appel d’Abidjan, demeurant au Plateau Indénié, 5 boulevard des avodirés, 01 BP 3289 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la société CLEO PATRA, SARL sise à San Pédro entre le super marché et l’hôtel ENOTEL, 01 BP 695 San - Pédro 01, dans la cause l’ opposant à la Compagnie Ivoirienne de Promotion pour l’Exportation et l’Importation dite CIPEXI, SA dont le siège social est sis à Abidjan, zone portuaire, Rue des Gallions Palmiers (Treichville), 01 BP 3951 Abidjan, représentée par monsieur Philippe HEUDE, son Directeur Général, assisté de la SCPA TOURE-AMANI-YAO & Associés, avocats à la cour d’appel d’Abidjan, y demeurant, Cocody II Plateaux, Boulevard Lattrille, SIDECI, Rue J86, Rue J41, Îlot 2, villa 49, 28 BP 1018 Abidjan 28,
en cassation de l’Arrêt n° 348/CCIAL rendu le 23 mai 2014 par la deuxième chambre commerciale de la cour d’appel d’Abidjan et dont le dispositif est le suivant :
« Par ces motifs
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
En la forme : Déclare l’appel de la société CIPEXI recevable ;
Au fond :
L’y dit bien fondée ;
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
Déclare la requête présentée à la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan irrecevable pour non-respect des dispositions de l’article 4-2 de l’Acte uniforme portant procédure simplifiée de recouvrement et les voies d’exécution du traité OHADA ;
Met les dépens à la charge de la société CLEO PATRA ;»;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure à sa requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Fodé KANTE, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure que le 18 juin 2012, monsieur le Président du tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau a rendu l’ordonnance d’injonction de payer n°2186/2012 enjoignant à la société CIPEXI SA d’avoir à payer à la société CLEO PATRA SARL, la somme de 18.973.721 FCFA ;
que cette ordonnance signifiée par exploit d’huissier en date du 29 août 2012 à la débitrice poursuivie, a donné lieu à l’opposition formée le 11 septembre 2012 ;
que par jugement n°878 en date du 17 avril 2013, le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau a déclaré la société CIPEXI déchue de son opposition ;
que par arrêt n°248/C CIAL en date du 23 mai 2014 dont pourvoi, la cour d’appel d’Abidjan a infirmé le jugement querellé et, statuant à nouveau, a déclaré la requête aux fins d’injonction de payer irrecevable pour violation de l’article 4-2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ;
Sur le moyen unique de cassation
Attendu que le moyen unique de cassation est pris de la mauvaise interprétation ou de la mauvaise application de l’article 4-2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce que pour déclarer irrecevable la requête aux fins d’injonction de payer de la demanderesse au pourvoi, la cour d’appel a relevé qu’il ne résulte pas de ladite requête que la société CLEO PATRA a précisé le décompte des éléments de la créance comme l’exige l’article 4-2 de l’Acte uniforme précité alors, selon le moyen, que la demanderesse n’a réclamé que le principal de sa créance auquel cas, la jurisprudence de l a Cour de céans admet que le décompte de la créance ne s’impose au créancier que si des sommes accessoires s’ajoutent à la somme définitivement réclamée ;
Attendu qu’aux termes de l’article 4 - 2 visé au moyen, la requête aux fins d’injonction de payer contient à peine d’irrecevabilité « l’indication précise du montant de la somme réclamée avec le décompte des différents éléments de la créance ainsi que le fondement de celle - ci » ;
qu’il en découle que l’obligation d’indiquer en plus de la somme réclamée, le décompte des différents éléments de la créance, ne s’effectue que lorsque ladite créance réclamée comporte, en plus de la somme due en principal, d’autres sommes au titre des intérêts, agios, commissions ou autres frais accessoires ; qu’en l’espèce, le requérant ne poursuivant que le recouvrement de sa créance principale, on ne peut lui reprocher de n’avoir fait le décompte des autres éléments de ladite créance qu’il ne revendique point ; qu’il s’ensuit que l’arrêt entrepris encourt cassation et qu’il y a lieu d’évoquer ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit du 10 mai 2013, la société CIPEXI a déclaré interjeter appel du jugement n°878/CIV 6ème F rendu le 17 avril 2013, par le tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau dans la cause l’opposant à la société CLEO PATRA dont le dispositif est ainsi conçu :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par défaut en matière civile et commerciale et en premier ressort ;
Déclare la société CIPEXI déchue de son opposition ;
La condamne aux dépens. » ;
Attendu qu’au soutien de son appel, la société CIPEXI fait grief au jugement querellé, de l’avoir déclarée déchue de son opposition alors qu’elle a régulièrement fait servir cette opposition suivant exploit du 11 septembre 2012 au domicile élu indiqué par l’intimée elle-même dans son exploit de signification de l’ordonnance d’injonction de payer ; que sur le fond, elle soulève la nullité de l’exploit de signification pour violation de l’article 8 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce que la double sommation prévue audit article n’a pas été observée ; qu’elle soulève également l’irrecevabilité de la requête aux fins d’injonction de payer pour absence de décompte de la créance, en violation de l’article 4-2 de l’Acte uniforme précité ; qu’elle soulève aussi l’irrecevabilité de la demande en recouvrement pour cause de prescription conformément à l’article 301 (nouveau) de l’Acte uniforme portant droit commercial général ; qu’enfin, elle soutient que la créance n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible ;
Attendu que la société CLEO PATRA rétorque que le tribunal en statuant comme il l’a fait, a bien apprécié les faits de la cause et que c’est à juste titre qu’il a déclaré l’appelante déchue de son opposition conformément à l’article 11 de l’Acte uniforme précité ; qu’elle sollicite dès lors, la confirmation de la décision entreprise ;
Sur la recevabilité de l’opposition
Attendu qu’il résulte de l’acte de notification de l’ordonnance d’injonction de payer servi à la société CIPEXI par la société CLEO PATRA, que cette dernière a élu domicile pour les besoins de la cause en l’étude de maître BLEOUE KROWAH ; qu’il est constant que la signification de l’acte d’opposition de la société CIPEXI a été servie à ce dernier en son étude ; que l’article 11 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’interdisant pas la signification au domicile élu, il y a lieu d’infirmer la décision entreprise en ce qu’il a déclaré la société CIPEXI déchue de son opposition et, en statuant à nouveau, déclarer l’opposition de la société CIPEXI faite dans le délai prescrit par l’article 10 de l’Acte uniforme susvisé recevable en la forme ;
Sur la nullité de l’exploit de signification
Attendu qu’à l’examen de « l’exploit de notification d’une ordonnance aux fins d’injonction de payer » datée du 29 août 2012, régulièrement produit aux débats, il apparaît les mentions ci-après : ‘’fait sommation à la société CIPEXI SA, de, DANS QUINZE JOURS et pour tout délai, à payer au requérant… Lui déclarant qu’elle a le droit de former opposition si elle le désire dans le délai de QUINZE JOURS à compter de la signification du présent exploit…’’ ; que ces mentions étant conformes aux prescriptions de l’article 8 sus invoqué, il y a lieu de rejeter l’exception comme non fondée ;
Sur l’irrecevabilité de la demande d’injonction de payer tirée de la prescription prévue à l’article 301 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général
Attendu qu’aux termes de l’article 301 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général : « Le délai de prescription en matière de vente commerciale est de deux ans sauf dispositions contraires du présent Livre » ; qu’en l’espèce, il est établi que la créance réclamée est matérialisée par des 6
bordereaux de livraison des commandes et les factures consécutives impayées dont la dernière facture non contestée porte les mentions suivantes : ‘’Date : 26/05/2010’’ ‘’DATE ECHEANCE : 25/06/2010’’ ; que la requête aux fins d’injonction de payer de la société CLEO PATRA ayant été enregistrée au greffe du tribunal de première instance d’Abidjan-Plateau à la date du 02 avril 2012, son action n’est pas affectée par la prescription ; qu’il y a lieu en conséquence, de rejeter cette exception d’irrecevabilité comme étant non fondée ;
Sur la violation alléguée de l’article 4 - 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux qui ont conduit à la cassation, il y a lieu de rejeter le moyen tiré de la violation de l’article 4 - 2 de l’Acte uniforme susvisé ;
Sur le bien-fondé de l’opposition
Attendu qu’il ressort des pièces versées aux débats que la créance réclamée par la société CLEO PATRA résulte d’un contrat de vente dont l’existence n’a jamais été contestée par l’appelante ;
que les marchandises ont été livrées suivant divers bons de commande et de livraison régulièrement produits au dossier, non sérieusement contestés, et ont donné lieu à des factures d’un montant total de 18.973.721 francs, devant être réglées au plus tard le 5 juin 2010 ;
que dès lors, cette créance est certaine, liquide et exigible ;
qu’il échet en conséquence, de débouter la société CIPEXI de son opposition et de la condamner au paiement demandé ;
Attendu que la société CIPEXI ayant succombé doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Déclare recevable en la forme le pourvoi formé par la société CLEO PATRA SARL ;
Au fond, casse l’Arrêt n° 348/CCIAL rendu le 23 mai 2014 par la deuxième chambre commerciale de la cour d’appel d’Abidjan ;
Evoquant et statuant au fond ;
Infirme le jugement n°878/CIV 6ème F rendu le 17 avril 2013, par le tribunal de première instance Abidjan-Plateau en ce qu’il a déclaré la société CIPEXI déchue de son opposition et, statuant à nouveau, déclare l’opposition de la société CIPEXI recevable ;
Rejette l’exception de nullité de l’exploit de signification comme non fondée ;
Rejette l’exception d’irrecevabilité tirée de la prescription comme étant non fondée ;
Déboute la société CIPEXI de son opposition ;
La condamne à payer à la société CLEOPATRA la somme de 18.973.721 F CFA ;
Condamne la société CIPEXI aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé : Le Président Le Greffier