La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 29 mars 201 8 où étaient présents :
Messieurs César Apollinaire ONDO MVE , Président
Namuano Francisco DIAS GOMES , Juge
Djimasna N’DONINGAR, Juge, Rapporteur
et Maître Alfred Koessy BADO , Greffier,
Sur le recours enregistré au greffe d e la Cour de céans sous le n°163/2015/PC du 14 septembre 2015 et formé par Maîtres GUEDEL NDIAYE et Associés , Avocats à la Cour, 73 bis, Rue Amadou Assane NDOYE à Dakar et Maître Khadidia TRAORE, Avocate à la Cour, demeurant à Badalabougou, Bamako, agissant au nom et pour le compte de la Bank of Africa au Mali dite BOA - Mali , ayant son siège social à Bamako , 418 Avenue de la Marne Bozola, dans la cause l’opposant à :
l a Compagnie Bancaire de l’Afrique de l’Ouest , dite CBAO Groupe Attijariwafa Bank , dont le siège est à Dakar, au 1, Place de l’Indépendance , ayant pour conseil la SCP Mayacine TOUNKARA & Associés , Avocats à la Cour, demeurant au 19 , rue Abdou Karim Bourgix Wagane Diouf , à Dakar ; - la Sénégalaise de Commerce et de Services dite SCS, sise au 115, route Hann Maristes 2, Dakar , en cassation de l’arrêt n° 106 rendu le 02 avril 2015 par la Cour d’Appel de Dakar et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, par défaut à l’égard de la SCS, en matière commerciale et en dernier ressort :
Vu l’ordonnance de clôture ;
Déclare sans objet l’exception de non communication soulevé e ; - Confirme l’ordonnance n°2677 du 06 juin 2012 et le jugement entrepris en toutes leurs dispositions ;
Met les dépens à la charge de l’appelante . » ;
La requérante invoque à l’appui de son recours les huit moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur le Juge Djimasna N’DONINGAR ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des pièces du dossier de la procédure qu’en date du 30 mars 2009, la BOA - Mali émettait une lettre de garantie à première demande à hauteur de 650.000.000 FCFA au profit de la CBAO Attijariwafa Bank ; que n’ayant pas été remboursée dans le délai convenu, la CBAO attrayait la société SCS et la BOA - Mali devant le tribunal Régional Hors Classe de Dakar pour obtenir le paiement de la somme principale de 650.000.000 FCFA ;
qu’au cours de la mise en état, la BOA - Mali a soulevé une exception d’incompétence et une autre de litispendance ; que ces exceptions ayant été rejetées par ordonnance du 6 juin 2012, la BOA - Mali formait contredit et plus tard interjetait appel du jugement n°1537 du 20 juin 2012 ayant fait droit à la demande de la CBAO ;
qu’après jonction de la procédure de contredit et de celle d’appel, la Cour de Dakar , par arrêt n°106 du 02 avril 2015 dont pourvoi , confirmait l’ordonnance et le jugement entrepris ;
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des articles 30 (ancien) et 227, 228 (nouveaux) de l’Acte uniforme porta nt organisation des sûretés
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir rejeté la demande d’annulation de la lettre de garantie au motif que les dispositions de l’article 41 de l’Acte uniforme sur les sûretés prévoyant les mentions à peine de nullité ne sont pas d’ordre public et que le formalisme ainsi édicté est plus une invitation faite aux parties qu’une formalité substantielle devant revêtir une forme particulière déterminée ;
qu’en statuant ainsi, l’arrêt a violé les dispositions combinées des articles 30 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 et 227, 228 de l’Acte uniforme révisé portant organisation des sûretés ;
Attendu qu’aux termes de l’article 30 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997, seul applicable en l’espèce du fait de la date de la lettre de garantie , les conventions de garantie « ...doivent être constatées par un écrit mentionnant, à peine de nullité : (...) la convention de base, l’action ou le fait, cause de l’émission de la garantie... » ;
qu’en retenant , pour valider la garantie souscrite par la BOA - Mali, que cette mention n’est pas d’ordre public , alors que la rédaction péremptoire sur la nullité ne laisse place à aucun doute sur le formalisme de la constitution de la lettre de garantie, pendant nécessaire à la rigueur de l’exécution de cette sûreté, la Cour d’appel a méconnu les dispositions de l’article 30 susvisé ; qu’il échet de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer, sans qu’il soit nécessaire d’analyser les autres moyens ;
Sur l’évocation
Attendu que, par exploit en date du 25 juin 2012, la BOA-Mali relevait contredit contre l’ordonnance de clôture n°2677 rendue le 06 juin 2012 par le juge de la mise en état du tribunal Régional Hors Classe de Dakar et faisait appel du jugement n°1537 rendu le 20 juin 2012 par le même tribunal dans l’affaire l’opposant à la société SCS et à la CBAO Attijariwafa Bank et dont les dispositifs respectifs ont été ainsi conçus : «Statuant par défaut à l’égard de la SCS, en matière commerciale et en premier ressort ;
- En la forme : • Rejetons les exceptions d’incompétence et de litispendance ; • Ordonnons la clôture de l’instance ; • Renvoyons l’affaire devant la chambre collégiale pour mise en délibéré ; ...»
et
«Statuant publiquement, par défaut contre la SCS et contradictoirement contre la CBAO Groupe Attijariwafa Bank et la BOA-Mali, en matière commerciale et en premier ressort ;
- En la forme : • Vu l’ordonnance du juge de la mise en état rendue le 06 juin 2012 ; • Reçoit les fins de non-recevoir tirées de l’irrecevabilité de l’action pour défaut de qualité à agir et pour autorité de la chose jugée soulevées ; • Les rejette comme non fondées ; • Déclare l’action principale et l’action en garantie recevables ;
- Au fond : • Condamne la Sénégalaise de Commerce et de Services dite SCS à payer à la CBAO Groupe Attijariwafa Bank la somme principale de 650.000.000 FCFA sous la garantie de la BOA-Mali ; • Condamne en outre la SCS à payer à la CBAO Groupe Attijariwafa Bank la somme de 30.000.000 FCFA à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive; • Ordonne l’exécution provisoire sur la créance principale ; • Condamne les sociétés défenderesses aux dépens.»;
Qu’au soutien de l’appel et du contredit, la BOA-Mali demande à la Cour d’infirmer l’ordonnance et le jugement entrepris en toutes leurs dispositions rejetant les exceptions et faisant d’elle la garante du paiement du montant de 650.000.000 FCFA auquel la SCS a été condamnée au profit de la CBAO ; qu’elle expose, entre autres, que, d’une part, en cas de non-respect de ses engagements par le donneur d’ordre vis-à-vis du bénéficiaire, la demande du paiement ne peut être dirigée que contre la garante qu’elle est ; que dès lors, en raison de l’existence dans la lettre de garantie d’une clause attributive de compétence et de son siège sis à Bamako, le premier juge avait tort de rejeter l’exception d’incompétence soulevée ; que, d’autre part, la lettre de garantie est nulle parce qu’elle ne contient pas les mentions prescrites à peine de nullité, notamment «la convention de base, l’action ou le fait, cause de l’émission de la garantie»; qu’elle sollicite l’infirmation des décisions querellées;
Attendu que la CBAO Attijariwafa Bank, en réplique, soutient que la clause attributive de compétence insérée dans la lettre de garantie n’a été signée que par la BOA-Mali qui veut l’imposer à des personnes qui ne l’ont pas signée ; que l’on ne saurait soutenir logiquement que le tribunal de Dakar est incompétent en raison de ladite clause ; que, s’agissant de la validité de la lettre de garantie, elle explique que c’est la BOA-Mali elle-même qui a rédigé le document et il est inconcevable qu’elle puisse exciper de sa nullité ; qu’elle conclut à la confirmation de l’ordonnance et du jugement déférés ;
Attendu que la lettre de garantie du 30 mars 2009, outre la confusion sur l’identité du bénéficiaire, ne mentionne pas «la convention de base, l’action ou le fait, cause de son émission» ; qu’ainsi, pour les mêmes motifs que ceux développés lors de l’examen du moyen de cassation, tiré de la violation de l’article 30 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997, il y a lieu d’infirmer le jugement n°1537 rendu le 20 juin 2012 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, en ce qu’il a validé la garantie du paiement de la somme de 650.000.000 FCFA par la BOA-Mali et, statuant à nouveau, de déclarer nulle la lettre de garantie émise le 30 mars 2009 ; que, par voie de conséquence, les moyens relatifs au contredit seront sans objet ;
Sur les dépens
Attendu que la CBAO Groupe Attijariwafa Bank succombant, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ; Casse l’arrêt n°106 rendu le 02 avril 2015 par la Cour d’Appel de Dakar ;
Evoquant et statuant sur le fond : Infirme le jugement n°1537 rendu le 20 juin 2012 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar ;
Statuant à nouveau : Déclare nulle la lettre de garantie émise le 30 mars 2009 par la BOA Mali ; Déclare sans objet le contredit ; Rejette toutes autres fins et conclusions ; Met les dépens à la charge de la CBAO Groupe Attijariwafa Bank ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé
Le Président Le Greffier