ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(CCJA)
Deuxième Chambre
Audience publique du 28 janvier 2021
Pourvoi : n° 109/2020/PC du 14/05/2020
Affaire : Maître KONTCHOU Gabriel
(Conseil : Maître WOUAM NKOUNCHOU Stanislas, Avocat à la Cour)
Contre
CFAO Technologies
(Conseil : Maître BETCHEM Narcisse Dieudonné, Avocat à la Cour)
Cabinet BENIE
Société ENEO
Arrêt N° 007/2021 du 28 janvier 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 28 janvier 2021 où étaient présents :
Monsieur Djimasna N’DONINGAR, Président
Madame Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge
Messieurs Arsène Jean Bruno MINIME, Juge, rapporteur
Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
Et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier,
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 14 mai 2020 sous le n°109/2020/PC, formé par Maître WOUAM NKOUNCHOU Stanislas, Avocat à Ab, cabinet KONTCHOU BRAIN TRUST LAW CHAMBERS, sis à Akwa-Douala, 300, rue FOUCAULD, lieu-dit « Bonakouamouang », reliant « Clinique du Berceau au collège De la Salle », BP 5305 Ab, République du Cameroun, agissant au nom et pour le compte de Maître KONTCHOU Gabriel, Avocat au Barreau du Cameroun avec résidence à Ab, y demeurant, BP 5305 Ab, dans la cause l’opposant à :
- CFAO Technologies, société anonyme dont le siège est à Ab, 5, rue Joffre, BP 12937 Ab, représentée par son directeur général, ayant pour conseil Maître BETCHEM Narcisse Dieudonné, Avocat au Barreau du Cameroun, BP 3893 Ab ;
Cabinet BENIE, Cabinet d’études, d’expertise comptable dont le siège est à Ab Aa, BP 5642, sis immeuble grand palace 2° étage, avenue Ac B, représenté par sa promotrice, madame Ad A, expert-comptable, demeurant à Ae Ab ;
ENEO, société anonyme dont le siège est sis avenue De Gaulle, Ab ;
En cassation de l’arrêt n°148/CE du 10 juillet 2019 rendu par la cour d’appel du Littoral à Ab, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en Chambre du contentieux de l’exécution, en collégialité et à l’unanimité, en appel et en second ressort ;
En la forme
Reçoit l’appel interjeté ;
Au fond
Confirme l’ordonnance entreprise ;
Condamne l’appelant aux dépens. » ;
Le requérant invoque, à l’appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Arsène Jean Bruno MINIME, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que se fondant sur la grosse en forme exécutoire de l’arrêt n°036/2012 du 22 mars 2012 de la Cour de céans, confirmatif du jugement n°490/CIV du 13 juin 2007 du tribunal de grande instance de Wouri à Ab, et de la copie exécutoire de l’ordonnance du 25 novembre 2015 de monsieur le Président de cette même Cour, Maître KONTCHOU Gabriel faisait pratiquer une saisie conservatoire des créances, le 08 septembre 2017, au préjudice de CFAO Technologies entre les mains de plusieurs banques et établissements financiers de la place, pour sûreté du paiement de la somme de 12.393.397 FCFA ; que cette saisie, convertie en saisie attribution le 11 septembre 2017, était contestée le 20 septembre 2017 par CFAO Technologies devant le juge du contentieux du tribunal de première instance de Douala-Bonanjo qui s’était déclaré incompétent, par ordonnance du 09 janvier 2018 ; qu’entretemps, le 25 septembre 2017, CFAO Technologies saisissait également le juge du contentieux de l’exécution du tribunal de grande instance de Wouri, désigné par l’acte de dénonciation et l’exploit de signification de conversion, pour dénier sa compétence d’attribution et demander de lui donner acte de la saisine du juge de contentieux de Douala-Bonanjo ; que le 20 novembre 2017, le Cabinet BENIE intervenait volontairement dans la procédure devant le tribunal de Wouri pour voir déclarer abusive la saisie litigieuse ; que vidant sa saisine, le 07 septembre 2018, le juge du contentieux du tribunal de grande instance de Wouri donnait mainlevée de ladite saisie ; que sur appel de Maître KONTCHOU Gabriel, la Cour d’appel du Littoral à Ab rendait l’arrêt confirmatif objet du pourvoi ;
Sur le premier moyen, en ses première et quatrième branches, et le deuxième moyen, réunis, tirés de l’omission ou le refus de répondre à des chefs de demandes, de manque de base légale et de la violation de la loi
Attendu, en sa première branche du premier moyen et au deuxième moyen, qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir violé les dispositions des articles 62, 77,79, 83, 84 et 170 de de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en ce qu’il a omis ou refusé de donner une réponse claire à sa fin de non-recevoir soulevée en instance fondée sur les articles 77 et suivants, 84 et 170 du même Acte uniforme, et déclaré recevable et fondée l’intervention volontaire du Cabinet BENIE malgré la fin de non- recevoir opposée, alors qu’il se devait, par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les griefs reprochés au premier juge en rapport avec l’application des articles susvisés et que le débiteur saisi seul avait qualité pour faire la contestation ;
Attendu, en sa quatrième branche du moyen, qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir manqué de base légale en ce qu’il n’a pas indiqué le fondement légal justifiant aussi bien la recevabilité de l’intervention volontaire du Cabinet BENIE que la mainlevée de la saisie ordonnée ;
Mais attendu que le Cabinet BENIE est intervenant volontaire et pas demandeur à l’instance de contestation ; que de ce fait, l’arrêt a justement retenu qu’il a intérêt à intervenir volontairement, en sa qualité de créancier de CFAO Technologies en vertu de l’arrêt n°36/2012 du 22 mars 2012 de la Cour de céans confirmant l’arrêt n°067/C du 17 avril 2009, dans la procédure de recouvrement faite à son insu par son ancien conseil ; qu’en statuant ainsi, l’arrêt a répondu à la fin de non-recevoir, n’a pas manqué pas de base légale et n’a pas violé la loi ; que les griefs allégués ne sont donc pas fondés ;
Sur le premier moyen, en sa deuxième branche tirée de la dénaturation des faits de la cause et des pièces de la procédure
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir dénaturé les faits de la cause et les pièces de la procédure en ce que, pour rejeter le motif d’annulation de la décision d’instance tiré de la non-reproduction de l’acte de saisine par l’ordonnance appelée, l’arrêt a retenu que cet acte a été reproduit aux pages 2 et 3 de ladite ordonnance, alors que seul le dispositif de l’acte et non la totalité a été reproduit, en violation de l’article 39 du code de procédure civile et commerciale du Cameroun ;
Mais attendu que sous le couvert du grief non fondé de la dénaturation des faits de la cause et des pièces de la procédure, cette branche de moyen ne tend qu’à remettre en discussion devant la Cour de céans l’appréciation souveraine de la reproduction de l’acte introductif d’instance par la cour d’appel ; qu’il s’ensuit que cette branche de moyen n’est pas fondée ;
Sur le premier moyen, en sa troisième branche tirée de l’incompétence et l’excès de pouvoir
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir remis en cause le titre exécutoire en portant un jugement négatif sur la régularité, la pertinence et l’existence même d’une ordonnance rendue par la Cour de céans à la requête du recourant, alors que le juge d’appel est incompétent pour critiquer un titre exécutoire ;
Mais attendu que l’arrêt a seulement relevé que c’est par « la ruse et la fraude » que le recourant a obtenu en son nom le titre exécutoire qui aurait dû être délivré au Cabinet BENIE créancier de CFAO Technologies, dont il était le conseil ; que cette branche de moyen n’est pas fondée ;
Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 153 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir violé les dispositions de l’article 153 portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’il a omis de discuter et de statuer sur le grief reproché par l’appelant à la décision d’instance en se fondant sur ce texte pour ordonner mainlevée de la saisie litigieuse, adoptant ainsi le motif selon lequel « la saisie pratiquée par Maitre KONTCHOU ne remplit pas les conditions de l’article 153 OHADA n°6 », alors qu’à l’examen de l’article 84 de cet Acte uniforme, l’article 153 de même texte n’est pas applicable à la saisie conservatoire de créances et à sa conversion en saisie attribution de créances ;
Mais attendu que même si l’article 153 ne s’applique pas à la procédure de conversion de la saisie conservatoire de créance en saisie attribution de créance, la règle qu’il pose est néanmoins contenue dans les articles 82 et suivants de l’AUPSRVE qui régissent cette matière ; qu’en l’espèce, en considérant, par des motifs propres et adoptés, que les dépens sont exposés par les parties et leur reviennent, et que leur liquidation ne peut s’opérer qu’au profit de la partie gagnante et pas son conseil, la cour d’appel qui aurait dû viser les articles 84 et suivants de l’'AUPSRVE au lieu de l’article 153 du même Acte uniforme n’a pas commis le grief visé au moyen ;
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des articles 54 et 55, 77, 79, 82, 83, 84 et 171 alinéa 1” de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt d’avoir violé les dispositions des articles 54 et 55, 77, 79, 82, 83, 84 et 171 alinéa 1” de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, en ce qu’il a refusé de donner effet à la saisie conformément à l’article 171 alinéa 1°" de l’Acte uniforme susvisé et d’ordonner à la société ENFEO SA de reverser à Maître KONTCHOU Gabriel les causes de la saisie sous astreinte non
comminatoire de 500.000 F CFA par jour de retard à compter du prononcé de la décision, alors que la saisie conservatoire de créances litigieuse ne souffre d’aucune irrégularité ;
Mais attendu qu’ayant relevé que les dépens pour lesquels la liquidation a été ordonnée sont relatifs à l’arrêt n°036/2012 du 22 mars 2012 et sont dus au
Cabinet BENIE qui les a exposés dans l’affaire l’opposant à CFAO TECHNOLOGIE et pas à son conseil, l’arrêt qui a de ce fait ordonné mainlevée de la saisie attribution de créances à la suite de l’intervention volontaire du
véritable créancier, n’encourt pas le grief visé au moyen ; que ce moyen n’est pas fondé ;
Attendu, en définitive, aucun moyen n’ayant prospéré, le pourvoi sera rejeté ;
Sur les dépens
Attendu que succombant, Maître KONTCHOU Gabriel doit être condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne Maître KONTCHOU Gabriel aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier