ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 28 janvier 2021
Pourvoi : n° 042/2020/PC du 27/02/2020
Affaire : PORT AUTONOME DE DOUALA SA
(Conseils : Maîtres Cheick DIOP, Emmanuel TANG, Charles Christian ONDOUA, Amad Tijan KOUOTOU, Avocats à la Cour)
Contre
Les sociétés APM TERMINALS B.V et BOLLORE SA
(Conseils : Cabinet NYEMB et Maître OUANGUI-VE, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 016/2021 du 28 janvier 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 28 janvier 2021 où étaient présents :
Messieurs Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président, rapporteur Mahamadou BERTE, Juge
Sabiou MAMANE NAISSA, Juge
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 27 février 2020 sous le n° 042/2020/PC et formé par Maîtres Cheick DIOP, Avocat à la Cour, 28 BP 88 Abidjan 28, Emmanuel TANG (TANG LAW FIRM), Avocat à la Cour, BP 20061 Yaoundé, Charles Christian ONDOUA, Avocat à la Cour, demeurant à Yaoundé, boulevard du 20 mai, Hôtel Hilton, Amad Tijan KOUOTOU, Avocat à la Cour, BP 2525 Douala, agissant au nom et pour le compte de la société PORT AUTONOME DE DOUALA SA, dont le siège social est sis à Bonanjo, BP 4020, Aa, Cameroun, poursuites et diligences de son représentant légal, monsieur Cyrus NG’OO, domicilié au siège de ladite société, dans la cause qui l’oppose aux sociétés APM TERMINALS B.V, société de droit néerlandais dont le siège social est situé à Turfmarkt 107, 2511 DP, La Haye, Pays-Bas, et BOLLORE SA, société anonyme de droit français dont le siège social est situé à Odet — 29500, Ergué-Gabéric, France, ayant pour conseil le cabinet NYEMB, Avocats au barreau du Cameroun, BP 4163, Aa et de la SCPA OUANGUI-VE & Associés, Avocat à la Cour, 01 BP 1306 Abidjan 01 ;
en cassation de l’Ordonnance n° 144/OSE/PTAL/DLA/2019 rendue le 31 décembre 2019 par la Présidente du tribunal administratif du Littoral à Aa, dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS :
ORDONNONS
Article 1 : le recours de l’APM TERMINALS B.V et BOLLORE SA portant sur le sursis à exécution de la décision du Directeur général du Port Autonome de Douala en date du 4 décembre 2019 « terminal à conteneur : le PAD prépare le départ de DIT » est irrecevable ;
Article 2: Ce recours est cependant recevable et fondé relativement à la demande de suspension des effets de la Résolution n° 0685/19/CA/PAD du 06 décembre 2019 conteneur du Port de Douala-Bonaberi ;
Il est par conséquent ordonné la suspension des effets de la Résolution n° 0685/19/CA/PAD du 06 décembre 2019 du Conseil d’administration du Port Autonome de Douala portant création et organisation de la Régie déléguée de Gestion, d’Exploitation et de Maintenance du Terminal à conteneur du Port de Douala-Bonaberi et tous les actes pris sur son fondement et/ou en son application, jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa légalité ;
Article 3 : Les dépens de la procédure sont réservés pour faire masse avec ceux du fond ;
Article 4 : La présente ordonnance, exécutoire sur minute, sera notifiée aux parties par les soins de Monsieur le Greffier en chef et publié partout où besoin sera ; »
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, Second Vice- Président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que les sociétés APM TERMINALS B.V et BOLLORE SA, constituées en groupement, étaient concessionnaires du Port Autonome de Douala SA (PAD) jusqu’au 31 décembre 2019, de la gestion, l’exploitation et la maintenance du terminal à conteneurs du port de Douala-Bonaberi ; qu’à l’arrivée du terme de cette convention, un appel public international à manifestation d’intérêt (APIMI) en vue de la sélection d’un nouveau concessionnaire a été organisé par le Port Autonome de Douala ; que le groupement constitué par les sociétés APM TERMINALS B.V et BOLLORE SA s’est vu disqualifié de cet APIMI ; que celles-ci ont alors saisi le Tribunal administratif du Littoral, et ont obtenu de cette juridiction la suspension, puis l’annulation du communiqué n° 0006/19/DG/PAD du 08 janvier 2019 portant publication des résultats de l’APIMI duquel elles ont été exclues, ensemble les actes et contrats subséquents, de même que la reprise de la procédure de préqualification a été ordonnée ; que suivant Résolution n° 0685/19/CA/PAD du 06 décembre 2019 de son conseil d’administration, le Port Autonome de Douala a décidé de la mise en régie provisoire de l’exploitation du Terminal à conteneurs ; que cette résolution a fait également l’objet de recours des deux sociétés devant la même juridiction administrative ; que statuant sur ledit recours, la Présidente du Tribunal administratif du Littoral a prononcé la suspension des effets de ladite résolution par l’Ordonnance n°144/OSE/PTAL/DLA/2019 du 31 décembre 2019 dont pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour
Attendu que dans leur mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour le 26 août 2020, les défenderesses APM TERMINALS et BOLLORE SA soulèvent, in limine litis, l’incompétence de la Cour de céans à connaitre du litige aux motifs, d’une part, que conformément à l’article 14 du Traité de l’OHADA, la compétence de la CCJA est intimement liée à l’objet du litige de sorte que cette dernière est incompétente, si aucun Acte uniforme ou règlement prévu au Traité de l'OHADA n°a été interprété ni appliqué, comme c’est le cas en l’espèce, et que la simple invocation des articles 45, 516, 518 et 553 de l’Acte uniforme relatif au droit des société commerciales et du groupement d’intérêt économique dépourvus de tout lien avec les faits litigieux ne saurait justifier la compétence de cette Cour ; et, d’autre part, que le litige porté devant le juge administratif, relatif à la suspension des effets d’une décision portant création et organisation d’une régie déléguée de gestion et d’exploitation du terminal à conteneurs du port de Douala-Bonaberi, ne soulève aucune question relative à l’application d’un acte uniforme ou d’un règlement prévu au Traité et que, devant ledit juge, aucun acte uniforme ou règlement n’a été invoqué ou appliqué ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéas 3 et 4 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales.
Elle se prononce dans les mêmes conditions sur les décisions non susceptibles d’appel rendues par toute juridiction des Etats parties dans le même contentieux. » ;
Attendu, en l’espèce, que la décision déférée devant la Cour de céans porte suspension des effets d’un acte pris par un organe d’une société anonyme dans le cadre de la réalisation de son objet social et dont la validité ou la légalité est contestée ; qu’il s’agit, plus précisément, de la délibération du 06 décembre 2019 intitulée « Résolution n°0685/19/CA/PAD » du conseil d’administration du Port Autonome de Douala, constitué sous la forme d’une société anonyme régie par l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, applicable en République du Cameroun ; que ladite résolution porte création de la régie déléguée de gestion, d’exploitation et de maintenance du terminal à conteneurs du port de Douala- Bonaberi ;
Qu’un tel litige soulève indubitablement des questions relatives à l’application de l’Acte uniforme susvisé et la décision y afférente, non susceptible d’appel, rendue par toute juridiction d’un Etat partie au Traité de l’OHADA relève, en cassation, de la compétence de la Cour de céans ; qu’il s’ensuit que l’exception n’est pas fondée et doit être rejetée ;
Sur le premier moyen
Attendu qu’il est fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir été rendue par un juge administratif, alors que le législateur camerounais a exclu les sociétés commerciales, même à capital public, du champ d’application de compétence des tribunaux administratifs ; que le litige résultant de l’activité commerciale du Port Autonome de Douala en tant que société anonyme échappe à la compétence des tribunaux administratifs et que, cela étant, la résolution n°685/19/CA/PAD en date du 06 décembre 2019 du conseil d’administration du Port Autonome de Douala ne pouvait être contestée que devant le juge de l’ordre judiciaire à l’exclusion de tout autre juge ;
Mais attendu que la question de la détermination de la juridiction compétente pour connaitre d’un litige relève du droit interne et, en particulier, de l’organisation judiciaire de chaque Etat partie au Traité de l'OHADA ; qu’ainsi, en se contentant de soutenir qu’au Cameroun, l’action dirigée contre la délibération d’un organe d’une société commerciale relève nécessairement de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire à l’exclusion de tout autre juridiction, sans préciser la juridiction compétente dans l’ordre judiciaire camerounais pour en connaitre, ainsi que la loi attribuant cette compétence à ladite juridiction, le demandeur au pourvoi n’a pas mis la Cour en mesure d’exercer son contrôle ; qu’il échet, en conséquence, de rejeter le moyen ;
Sur le second moyen
Attendu qu’il est reproché à l’ordonnance attaquée une insuffisance de motifs en ce que les sociétés B A et BOLLORE SA n’étant ni administrateurs, ni actionnaires, ni dirigeants du PAD SA, la présidente du tribunal administratif du Littoral qui, par « invraisemblance », leur a reconnu la qualité et l’intérêt à agir contre la délibération du conseil d’administration de ladite société, n’a pas suffisamment motivé sa décision qui, selon le moyen, mérite la cassation ;
Mais attendu qu’en retenant, pour justifier l’intérêt à agir des sociétés APM TERMINALS et BOLLORE SA, que « la résolution fait grief en ce qu’elle met entre parenthèse l’APIMI que le Port Autonome de Douala a lancé et pour lequel les requérantes ont soumissionné », la présidente du tribunal administratif du Littoral a donné une motivation suffisante à sa décision ; qu’il échet, dès lors, de rejeter le moyen comme non fondé ;
Attendu que le Port Autonome de Douala SA ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Rejette le pourvoi formé par le Port Autonome de Douala SA ;
Le condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier