ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 25 février 2021
Pourvoi : n° 090/2017/PC du 31/05/2017
Affaire : Société GAZ du CAMEROUN S.A
(Conseil : Maître ZOGO MVOAH Sylvestre Alain, Avocat à la Cour)
contre
Société AZUR BTP SARL
(Conseil : Maître Mary Concilia ANCHANG , Avocat à la Cour)
Arrêt N° 026/2021 du 25 février 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième Chambre, présidée par Monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, assisté de Maître Koessy Alfred BADO, Greffier, a rendu en son audience publique du 25 février 2021, l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de Juges composé de :
Messieurs Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président
Djimasna NDONINGAR, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge, rapporteur Armand Claude DEMBA, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 31 mai 2017 sous le n°090/2017/PC et formé par Maître ZOGO MVOAH Sylvestre Alain, Avocat à la Cour, BP 15813 Aa, Cameroun, agissant au nom et pour le compte de la société GAZ du Cameroun SA, initialement dénommée RODEO DEVELOPMENT LTD, dont le siège est sis sur la rue vasnitex Bonapriso, BP 12874 Aa, Cameroun, agissant aux poursuites et diligences de son représentant légal, dans la cause qui l’oppose à la société AZUR BTP SARL, dont le siège social est à Yaoundé, ayant pour conseil Maître Mary Concilia ANCHANG, Avocat à la Cour, demeurant à Yaoundé, BP 6262 Yaoundé Cameroun,
en cassation de l’arrêt n°110/CE rendu le 13 juillet 2016 par la Cour d’appel du Littoral au Cameroun et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement et contradictoirement à l’égard des parties en matière du contentieux de l’exécution et en dernier ressort, en formation collégiale et à l’unanimité des membres ;
EN LA FORME
Constate que l’appel a été reçu suivant arrêt n°050/CE/ADD du 09 mars 2016 ; AU FOND
Annule l’ordonnance entreprise ;
Evoque et statuant à nouveau ;
Rejette les exceptions de forclusion de l’action soulevées par la société AZUR BTP SARL ;
Dit non fondée la demande de mainlevée de saisie conservatoire pratiquée le 26 novembre 2014 au préjudice de la société GAZ du CAMEROUN SA ;
Condamne l’intimée aux dépens. » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Birika Jean Claude BONZI, Juge ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que la société AZUR SARL créancière de la société GAZ du CAMEROUN S.A réclamait à celle-ci la somme de 132 432 186 FCFA ; que pour avoir sûreté du recouvrement de cette créance, elle faisait pratiquer le 26 novembre 2014, une saisie conservatoire de créance sur les avoirs de sa débitrice qui contestait ladite saisie devant le juge du contentieux de l’exécution de Aa ; que par ordonnance n° 701 en date du 16 octobre 2015, le juge ordonnait mainlevée de la saisie pratiquée ; qu’en réaction la société AZUR SARL relevait appel devant la Cour d’appel du littoral qui a rendu, le 13 juillet 2016, l’arrêt n° 110/E dont pourvoi ;
Sur le premier moyen
Attendu que la société GAZ du Cameroun SA fait grief à l’arrêt attaqué ,en invoquant l’article 35 Alinéa b de la loi n°2006/16 relative à l’organisation et au fonctionnement de la Cour Suprême du Cameroun, d’avoir dénaturé les faits de la cause, en ce que la Cour d’appel du Littoral a retenu « qu’en outre, il est constant que la juridiction compétente ne peut donner mainlevée de la saisie conservatoire que si les conditions posées aux articles 54, 55, 59, 60 et 61 de l’Acte uniforme n° 6 ne sont pas réunies ; que tel n'étant pas le cas en l'espèce, il convient de débouter purement et simplement la société GAZ du CAMEROUN SA de sa demande », alors qu’elle n’aurait jamais pris une telle position si elle avait tenu compte de la réalité des faits pourtant clairement explicitée au cours de l’instance, notamment, l’accord intervenue entre les parties, à la suite duquel elle a payé intégralement la créance, rendant la saisie conservatoire pratiquée, inopportune ;
Mais attendu, d’une part, que c’est en usant de leur pouvoir souverain d’appréciation que les juges du fond ont conclu, pour débouter la société GAZ du Cameroun de sa demande de mainlevée de la saisie conservatoire, que les conditions posées aux articles 54, 55, 59, 60 et 61 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution étaient réunies, pour justifier ladite saisie ; que, d’autre part, l’article 14 du Traité de l’OHADA, donne compétence à la CCJA pour assurer l’interprétation et l’application commune dudit Traité ainsi que des règlements pris pour son application et des actes uniformes ; qu’en statuant en cassation, elle applique son Règlement de procédure qui ne peut être substitué par des règles de procédures du droit interne d’un Etat partie au Traité ; qu’il s’ensuit que le moyen est irrecevable ;
Sur le deuxième moyen pris de la violation de l’article 62 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que la demanderesse au pourvoi invoque la violation de l’article visé au moyen en ce que, la Cour d’appel du Littoral a annulé l’ordonnance n°701 du 16 octobre 2015 du juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de grande instance du Wouri, laquelle avait donné mainlevée de la saisie conservatoire querellée ,alors que, la créance ayant été intégralement payée à la suite de l’accord intervenu entre les parties, les conditions posées aux articles 54, 55, 56, 60 et 61 de l’acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’étaient plus remplies pour justifier le maintien de ladite saisie ;
Mais attendu que, comme indiqué lors de l’examen du moyen précédent, c’est par une appréciation souveraine des faits, échappant au contrôle de la Cour de céans, que les juges du fond ont conclu que les conditions prévues par les articles 54, 55, 56, 60 et 61 de l’acte uniforme susvisé étaient remplies pour justifier le maintien de la saisie querellée ; qu’il échet de déclarer le moyen irrecevable ;
Sur le troisième moyen pris de la contradiction entre les motifs et le
dispositif
Attendu que le moyen reproche à l’arrêt attaqué, une contradiction entre ses motifs et son dispositif en ce que la Cour d’appel du Littoral, a annulé dans son dispositif, l’ordonnance n° 701 du 16 octobre 2015 du juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de grande instance du Wouri, laquelle avait donné mainlevée de la saisie conservatoire querellée, alors qu’en retenant dans ses motifs que « selon les dispositions des articles 62 et suivants de l’Acte uniforme n° 6, le débiteur peut, à tout moment, porter sa contestation devant la juridiction compétente et demander mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée à son encontre lorsque le saisissant ne rapporte pas la preuve que les conditions prescrites par les articles 54, 55, 59, 60 et 61 du même Acte uniforme ne sont pas réunies », et « qu’il échet donc au bénéfice de cette analyse de rejeter les exceptions de forclusion de l’action soulevée par la société AZUR BTP SARL comme non fondées », elle devait logiquement conclure à l’inopportunité du maintien de ladite saisie conservatoire et confirmer la décision de mainlevée du premier juge ;
Mais attendu que ce moyen ne relève et ne précise pas les éléments caractérisant la contradiction entre les motifs et le dispositif de l’arrêt attaqué ; qu’en revanche, la Cour d’appel a fait application de l’article 62 de l’acte portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution pour rejeter la fin-de-non-recevoir tirée de la forclusion de l’action de la société GAZ du CAMEROUN S.A , en considérant que suivant cette disposition, l’action en mainlevée de la saisie conservatoire n’est enfermée dans aucun délai comme en matière de saisie-attribution de créances où ce délai est d’un mois à compter de la dénonciation ; qu’aucune contradiction entre les motifs et le dispositif de l’arrêt n’étant relevée, il y a lieu de rejeter le moyen comme non fondé ;
Sur le quatrième moyen tiré de la violation d’un principe général
de droit
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué de s’être contenté de mentionner qu’il « annule l’ordonnance entreprise », sans indiquer le texte justifiant cette nullité, alors qu’il est de principe général de droit qu’il n’y a pas de nullité sans texte, et que conformément aux dispositions de l’article 7 de la loi n° 2006/015 du 29 décembre 2006, « toute décision judiciaire est motivée en fait et en droit. L’inobservation de la présente disposition entraine la nullité d’ordre publique de la décision » ;
Mais attendu que ce moyen, tel que formulé, ne constitue pas un cas d’ouverture à cassation devant la Cour de céans ; qu’en effet, l’article 28 ter (nouveau) du Règlement de procédure de la Cour précise que, « À peine d’irrecevabilité, un moyen de cassation ou un élément de moyen de cassation doit mettre en œuvre au moins un cas d’ouverture visés à l’article 28 bis (nouveau) ; qu’il s’ensuit que ce moyen qui ne figure pas au nombre des cas d’ouverture à cassation devant la Cour de céans prévus par ce texte, doit être déclaré irrecevable ;
Attendu qu’aucun moyen n’ayant prospéré, le pourvoi mérite le rejet ;
Sur les dépens
Attendu que la société GAZ du Cameroun succombant, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi ;
Condamne la société GAZ du Cameroun SA aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier