ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 25 février 2021
Pourvoi : n° 326/2019/PC du 11 novembre 2019
Affaire : Monsieur Aa C
(Conseil : Maître Babacar M’BAYE, Avocat à la Cour)
contre
Monsieur Ac A
(Conseil : Maître Abdou Dialy KANE, Avocat à la Cour)
Arrêt n° 028/2021 du 25 février 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, présidée par Monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, assisté de Maître Koessy Alfred BADO, Greffier, a rendu en son audience publique du 25 février 2021, l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de Juges composé de :
Messieurs : Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président, rapporteur
Djimasna NDONINGAR, Juge
Birika Jean Claude BONZI, Juge
Armand Claude DEMBA, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
Sur le renvoi, en application de l’article 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans de l’affaire Aa C contre Ac A, par Arrêt n°33 du 02 avril 2014 de la Cour suprême du Sénégal, saisie d’un pourvoi formé le 14 octobre 2013 par Maître Babacar MBAŸYE, Avocat à la Cour, demeurant au 35 bis, avenue El Af Ad B à Dakar, au Sénégal, agissant au nom et pour le compte de monsieur Aa C, demeurant à Gibraltar, Villa n°427, à Dakar au Sénégal, dans la cause l’opposant à monsieur Ac A, demeurant à Ae Ab, villa n°11, Ag, ayant pour conseil Maître Abdou Dialy KANE, demeurant au 65, rue Vincens , Dakar, Sénégal,
en cassation de l’arrêt n° 456 du 18 juillet 2013, rendu par la Cour d’appel de Dakar, dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de l’appelant, en matière commerciale et en dernier ressort ;
Vu l’ordonnance de clôture ;
Rejette les exceptions soulevées ;
Confirme le jugement querellé en toutes ses dispositions ;
Met les dépens à la charge de l’appelant ; ».
Le requérant invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, premier vice- président ;
Vu les dispositions des articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que le Tribunal régional hors-classe de Dakar a rendu, le 13 janvier 2004, le jugement n°456 par lequel il a adjugé à monsieur Aa C, l’immeuble objet du Titre foncier n° TF 15.50/DG, appartenant à Monsieur A Amadou ; que ce dernier, après avoir obtenu une nouvelle expertise sur la valeur vénale de l’immeuble, a saisi cette même juridiction et a obtenu d’elle, l’annulation dudit jugement d’adjudication, par jugement n°1528 rendu le 14 août 2007; que sur appel de Aa C, la Cour d’appel de Dakar a rendu, le 18 juillet 2013, l’arrêt confirmatif dont pourvoi ;
Sur la compétence de la Cour
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de céans le 28 juillet 2020, le défendeur Ac A soulève l’incompétence de la Cour au motif que, les moyens invoqués par le demandeur Aa C au soutien de son pourvoi constituent des questions purement procédurales relevant uniquement du droit interne sénégalais ; que lesdites questions ne sont régies ni par un acte uniforme ni par le Traité de l’OHADA ou les Règlements pris pour son application ;
Attendu qu’aux termes de l’article 14 alinéa 3 du Traité de l’OHADA « Saisie par la voie du recours en cassation, la Cour se prononce sur les décisions rendues par les juridictions d’appel des Etats parties dans toutes les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus au présent Traité à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales. » ;
Attendu, en l’espèce, que l’affaire soumise à l’examen de la Cour de céans est relative à une demande d’homologation d’un rapport d’expertise et d’annulation de la décision d’adjudication du 13 janvier 2004, faite dans le cadre d’une procédure de saisie immobilière régie par l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution ; qu’une telle affaire soulève inévitablement des questions relatives à l’application de l’acte uniforme sus visé et, dès lors, la compétence de la Cour de céans est acquise, peu importe la nature des moyens invoqués par le recourant ;
Sur le troisième moyen de cassation
Vu l’article 313 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir reçu l’action introduite par monsieur Ac A, deux ans après l’adjudication qui a eu lieu le 13 janvier 2004, aux motifs que l’article 313 de l’AUPSRVE ne prévoit aucune sanction du non-respect du délai qu’il prescrit pour introduire une telle action, alors que, le délai de 15 jours prescrit par ce texte pour saisir le tribunal d’une procédure en annulation d’un jugement d’adjudication est d’ordre public ;
Attendu qu’aux termes de l’article 313 de l’Acte uniforme susvisé, « La nullité de la décision judiciaire ou du procès-verbal notarié d’adjudication ne peut être demandée par voie d’action principale en annulation portée devant la juridiction compétente dans le ressort de laquelle l’adjudication a été faite que dans un délai de quinze jours suivant l’adjudication. » ;
Attendu qu’il ressort de ce texte, que la demande en nullité de la décision judiciaire ou du procès-verbal notarié d’adjudication doit être faite dans le délai de quinze jours à compter de l’adjudication ; qu’il s’en suit que c’est en violation dudit texte que, la Cour d’appel a confirmé le jugement ayant déclaré recevable l’action en annulation de la décision d’adjudication introduite le 21 février 2007,
soit un peu plus de deux ans après l’adjudication intervenue le 13 janvier 2004, exposant ainsi son arrêt à la cassation ; qu’il échet de casser ledit arrêt et d’évoquer sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Sur l’évocation
Attendu que par exploit en date du 28 août 2007 de Maître Abdou Karim GUEYE, huissier de justice, monsieur Aa C, a interjeté appel du jugement n°1528 rendu le 14 août 2007 par le Tribunal régional hors classe de Dakar, dont le dispositif est le suivant :
« PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort ;
EN LA FORME :
- Reçoit les exceptions soulevées ;
- Les rejette comme mal fondées ;
- Déclare l’action principale et la demande reconventionnelle recevables ; AU FOND :
- Homologue le rapport d’expertise ;
- Annule avec toutes les conséquences de droit, la décision d’adjudication du 13 janvier 2004 ;
- Déboute Aa C de sa demande reconventionnelle. » ;
Attendu qu’au soutien de son appel, monsieur Aa demande à la Cour d’infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté les exceptions par lui soulevées et, statuant à nouveau, de déclarer irrecevable l’action de monsieur Ac A pour cause de prescription, défaut de qualité à agir et autorité de la chose jugée ; qu’il sollicite reconventionnellement, la somme de 50.000.000 FCFA à titre de dommages et intérêts ;
Attendu que l’intimé Ac A n’a pas conclu et n’a donc articulé aucun moyen ;
Sur la recevabilité de l’action de monsieur Ac A
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux sur le fondement desquels l’arrêt a été cassé, il échet de déclarer irrecevable l’action de monsieur Ac A ;
Sur la demande reconventionnelle
Attendu que l’appelant Aa C soutient qu’après l’annulation de l’adjudication par le jugement attaqué, il a été arrêté et gardé à vue, avec l’ensemble de sa famille et qu’il n’a pu éviter d’être placé sous mandat de dépôt que suite à l’engagement qu’il a pris de libérer l’immeuble querellé ; qu’il sollicite l’allocation en sa faveur, de la somme de 50.000.000 FCFA au titre de réparation du préjudice subi ;
Attendu que les affirmations de monsieur Aa C n’étant pas étayées par un quelconque élément du dossier, il échet de rejeter sa demande reconventionnelle comme non fondée ;
Sur les dépens
Attendu que messieurs Aa C et Ac A ayant succombé, il y échet de les condamner au partage des dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Se déclare compétente ;
Casse l’Arrêt n°456 rendu le 18 juillet 2013 par la Cour d’appel de Dakar ;
Evoquant et statuant sur le fond ;
Infirme le jugement n°1528 rendu le 14 août 2007 par le Tribunal Régional Hors
Classe de Dakar ;
Statuant à nouveau ;
Déclare irrecevable l’action introduite par monsieur Ac A ;
Rejette la demande reconventionnelle de monsieur Aa C ;
Condamne Aa C et Ac A aux dépens en raison de la moitié pour chacun ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier