ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
Deuxième chambre
Audience publique du 08 avril 2021
Pourvoi :n° 302/2019/PC du 23/10/2019
Affaire : La société DTP, succursale Cameroun (anciennement dénommée
A C Aa)
(Conseils : Cabinet ABDOUL BAGUI et Associés, Avocats à la Cour)
contre
La veuve B née BOYA Apolline et les ayants droit de feu B X Ab
Arrêt N° 041/2021 du 08 avril 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 08 avril 2021 où étaient présents :
Messieurs : Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président
Armand Claude DEMBA, Juge, Rapporteur Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier
Sur le pourvoi enregistré le 23 octobre 2019 au greffe de la Cour de céans sous le n° 302/2019/PC et formé par le cabinet Abdoul Bagui et associés, Avocats à la Cour, demeurant à Yaoundé, Cameroun, BP 25082, agissant au nom et pour le compte de la société DTP Terrassement S.A, dans la cause l’opposant à la veuve B et aux ayants droit de feu B X Ab, domiciliés à Yaoundé et ayant domicile élu dans la procédure d’appel au cabinet de Maitre SACK Luc, Avocat au barreau du Cameroun, BP 20711 Yaoundé, Cameroun,
en cassation de l’ordonnance n°171/CE, rendue le 04 mars 2016 par la Cour d’appel du Centre, à Yaoundé, dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière civile et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Reçoit la société DTP Terrassement en son action ;
L’y dit cependant non fondée et l’en déboute ;
La condamne aux entiers dépens … » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les quatre moyens de cassation tels qu’ils figurent au pourvoi annexé au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Armand Claude DEMBA ;
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu qu’il ressort des énonciations de l’ordonnance attaquée que, les 28, 29, 30 août et 2 septembre 2013, la veuve B et les ayants droit de feu B X Ab, se disant créanciers de la société DTP Terrassement de la somme en principal et frais de 17.320.677 FCFA, pratiquaient une saisie-attribution de créances auprès de diverses banques de la place sur les sommes qu’elles détiendraient pour le compte de leur débitrice ; qu’en réaction, DTP Terrassement saisissait le 03 septembre 2013 le Président de la Cour d’appel du Centre pour obtenir la mainlevée de cette saisie faite, selon elle, « à son préjudice sur la base d’un titre visant un tiers » ; que le 04 mars 2016, la juridiction présidentielle vidait sa saisine par la décision objet du présent pourvoi ;
Attendu que les parties défenderesses au pourvoi, la veuve B et les ayants droit de feu B X Ab, à qui le recours a été signifié par courrier n°2109/2019/GC du 17 décembre 2019, conformément aux dispositions des articles 29 et 30 du Règlement de procédure de la Cour de céans, reçu le 27 décembre 2019, n’ont pas réagi ; que le principe du contradictoire ayant ainsi été observé, il convient d’examiner l’affaire ;
Sur le premier moyen, tiré de la violation des dispositions des articles 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique et 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que la requérante fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir violé les articles 10 du Traité de l'OHADA et 49 de l’Acte uniforme susvisé en ce que, saisi directement sur la base de la loi camerounaise n°2007/001 du 19 avril 2007, le Président de la Cour d’appel du Centre a retenu sa compétence et a statué sur une mesure d’exécution forcée en premier et dernier ressort, alors, selon le moyen, que conformément à l’article 49 dudit acte uniforme applicable au Cameroun, le litige relatif à une mesure d’exécution est de la compétence préalable du président de la juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou du magistrat qui le remplace ; qu’en statuant donc comme il l’a fait, le président a fait encourir la cassation à son ordonnance ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 10 du Traité précité, « les Actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure » ; qu’il ressort des termes de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution que toute contestation relative à une mesure d’exécution forcée relève, quelle que soit l’origine du titre exécutoire en vertu duquel elle est poursuivie, de la compétence préalable du Président de la Juridiction statuant en matière d’urgence et en premier ressort ou du magistrat délégué par lui ;
Attendu, en l’espèce, qu’en rendant l’ordonnance attaquée, le Président de la Cour d’appel du Centre a statué en premier et en dernier ressort en matière de contentieux de l’exécution et ce, au mépris du Traité de l’'OHADA et des dispositions de l’article 49 susmentionné ; qu’il échet dès lors d’annuler purement et simplement son ordonnance pour violation des règles de compétence établies ;
Attendu que rien ne restant à juger, il n’y a pas lieu d’évoquer ;
Sur les dépens
Attendu que la veuve B et les ayants droit de feu B X Ab, ayant succombé, sont condamnés aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Annule l’ordonnance n°171/CE, rendue le 04 mars 2016 par le président de la Cour d’appel du Centre, à Yaoundé (Cameroun) ;
Dit n’y avoir lieu à évocation ;
Condamne la veuve B et les ayants droit de feu B X Ab aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier