ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Deuxième chambre
Audience publique du 08 avril 2021
Pourvoi : n° 190/2020/PC du 20/07/2020
Affaire AI AJ née Jeanne d’Arc A Y
(Conseil : Maître DIAMGOUE Evariste, Avocat à la Cour)
contre
Ac Ab Af SA
(Conseil : Maître SONKE Benjamin, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 046/2021 du 08 avril 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Deuxième
chambre, a rendu l’arrêt suivant en son audience publique du 08 avril 2021 où étaient présents :
Messieurs Robert SAFARI ZIHALIRWA, Président, rapporteur
Armand Claude DEMBA, Juge
Mounetaga DIOUF, Juge
et Maître Koessy Alfred BADO, Greffier
Sur le recours en tierce opposition enregistré le 20 juillet 2020 au greffe de la Cour de céans sous le n°190/2020/PC et formé par Maître DJAMGOUE
Evariste, Avocat à la Cour, demeurant à Yaoundé, quartier SIMBOK, immeuble KOLOM René, BP 8476, Yaoundé-Cameroun, agissant au nom et pour le compte de madame AJ née Jeanne d’Arc A Y, dans la cause qui l’oppose à la société Ac Ab Af SA, dont le siège social est sis à Yaoundé, BP11834, et ayant pour conseil Maître SONKE Benjamin, Avocat à la Cour, BP 11828, Yaoundé,
en tierce opposition contre l’Arrêt n° 264/2019 rendu le 07 novembre 2019 par la Cours de céans et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Déclare irrecevable le pourvoi initié par C Z épouse Aa AG contre le jugement n°1214 rendu le 12 décembre 2012 par le Tribunal de grande instance de Mfoundi ;
Met les dépens à la charge de C Z épouse Aa AG » ;
Sur le rapport de Monsieur Robert SAFARI ZIHALIRWA, premier vice- président ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’'OHADA ;
Attendu qu’il résulte des pièces du dossier de la procédure que par exploit d’huissier en date du 09 août 2012, la société Ac Ab Af SA faisait servir à la Société Civile Immobilière « ANGE », tiers constituant, et à diverses autres personnes, un commandement valant saisie immobilière portant sur l’immeuble bâti objet du titre foncier n°41107 du département de Mfoundi, en vue du paiement de la somme en principal et frais, de 495.190.249 FCFA ; que suite à la renonciation de la SCI ANGE et autres de leurs dires et observations, Ac Ab Af SA saisissait le Tribunal de grande instance de Mfoundi qui, par jugement n°1214 rendu le 12 décembre 2012, adjugeait ledit immeuble à cette dernière ; que statuant sur le pourvoi formé par madame C Z épouse Aa AG contre ce jugement, la Cour de céans rendait, le 07 novembre 2019, l’Arrêt objet de la tierce opposition ;
Sur la recevabilité du recours en tierce opposition
Attendu que dans son mémoire en réponse reçu au greffe de la Cour de Céans le 23 novembre 2020, la société Ac Ab Af SA, sous la plume de son conseil Maître SONKE Benjamin, soulève l’irrecevabilité du recours formé par madame AJ née Jeanne d’Arc A Y aux motifs que les moyens qui sous-tendent la requête en tierce opposition de cette dernière, constituent en réalité, des contestations ou incidents qui devaient, à peine de nullité, être soulevés avant l’audience éventuelle ou exceptionnellement, après cette phase de la procédure, mais uniquement pour des causes concomitantes ou postérieures à cette audience ;
Attendu que contrairement à l’argumentaire d’Ac Ab Af, les conditions de recevabilité de la tierce opposition sont précisées par l’article 47-2 du Règlement de procédure de la Cour aux termes duquel, la demande en tierce opposition doit :
« a) spécifier l’arrêt attaqué,
b) indiquer en quoi cet arrêt préjudicie aux droits du tiers opposant,
c) indiquer les raisons pour lesquelles le tiers opposant n’a pu participer au litige principal » ;
Attendu que la requérante expose dans son recours que sa tierce opposition est formée contre l’Arrêt n° 264/2019 rendu le 07 novembre 2019 par la Cour de céans ; que, selon elle, ledit arrêt préjudicie à ses droits en ce qu’il a déclaré irrecevable le pourvoi n° 13/2019/PC du 27 mai 2019 formé par madame AG X née C Z Aa contre le jugement n°1214 rendu le 12 décembre 2012 par le tribunal de grande instance du Mfoundi statuant en matière immobilière ; qu’elle est mariée à monsieur AJ AH Ad Ae sous le régime de la communauté des biens, et que c’est à ce titre, qu’elle s’était portée caution réelle de la société SCI ANGE auprès d’Ac Ab Af SA car, l’immeuble affecté en garantie de payement du solde débiteur de la SCI ANGE dans les livres de cette banque, et qui a été adjugé à cette dernière par le jugement susvisé, est un bien commun aux époux AJ ; que malgré le fait qu’elle est partie prenante à la convention de crédit avec affectation hypothécaire, n°639 du 13 Janvier 2009 et de son avenant n°886 des 10 et 15 septembre 2009, le jugement n° 1214 ne lui a jamais été signifié, de même qu’elle n’a pas été informé de l’existence du pourvoi formé contre celui-ci par madame C Z B AG ;
Attendu que la demande en tierce opposition de madame AJ née Jeanne d’Arc A Y étant conforme aux dispositions de l’article 47- 2 du Règlement de la Cour, il échet de la déclarer recevable ;
Sur le bien-fondé de la demande en tierce opposition
Attendu que madame AJ sollicite la modification de 1l’Arrêt n°264/2019 du 07 novembre 2019 qu’elle considère comme préjudiciant ses droits, aux motifs, qu’en retenant, pour déclarer irrecevable le pourvoi formé par madame C Z B AG contre le jugement 1214 rendu le 12 décembre 2012 par le Tribunal de grande instance du Mfoundi, que ledit jugement prononçant l’adjudication est insusceptible de pourvoi en cassation, la Cour de céans a d’une part, violé les dispositions de la charte africaine des droits de l’homme qui dispose en son article 7 que, « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue » et, d’autre part, fait une mauvaise application des articles 14 du Traité de l'OHADA, et des articles 293 et 313 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution (AUPSRVE), dont, selon elle, l’exégèse fait ressortir que si en application de l’article 293 de l’AUPSRVE, une décision d’adjudication est insusceptible d’appel, elle peut, par contre, faire l’objet d’un recours en cassation en application de l’article 14 du Traité susmentionné ; qu’elle reproche également à la Cour de céans d’avoir dénaturé les faits de la cause en ce qu’elle s’est prononcée sur la nullité de la décision judiciaire d’adjudication alors que, nulle part dans son pourvoi, madame C Z a demandé la nullité du jugement d’adjudication ;
Mais attendu que madame AJ qui se contente d’affirmer qu’en retenant qu’un jugement d’adjudication n’est pas susceptible de pourvoi en cassation, la Cour de céans a violé l’article 7 de la charte africaine des droits de l’homme, ne précise pas en quoi, celle-ci l’a empêché de faire entendre sa cause devant elle ; que contrairement à l’analyse de madame AJ, en disposant que « la décision judiciaire ou le procès-verbal d’adjudication établi par le notaire ne peut faire l’objet d’aucune voie de recours », l’article 293 de l’AUPSRVE spécialement dédié au recours contre la décision judiciaire et le procès-verbal d’adjudication, exclut toute voie de recours contre ceux-ci, y compris le recours en cassation prévu par l’article 14 du Traité de l’'OHADA, sans préjudice des dispositions de l’article 313 du même acte uniforme qui ne consacre que la voie de l’action principale en annulation portée devant la juridiction compétente ; qu’ainsi, la Cour qui a justement déclaré irrecevable le pourvoi formé par madame C Z sur le fondement des textes susvisés et qui ne s’est nullement prononcée sur une quelconque prétention des parties, n’a pu préjudicier aux droits de la requérante ; qu’il échet par conséquent, de déclarer sa demande en tierce opposition non fondée et de l’en débouter ;
Sur les dépens
Attendu que madame AJ née Jeanne d’Arc A Y ayant succombé, doit être condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Reçoit la tierce opposition formée par madame AJ née Jeanne d’Arc A Y contre l’Arrêt n°264/2019 rendu le 07 novembre 2019 par la Cour de céans ;
La déclare mal fondée et la rejette ;
Condamne madame AJ née Jeanne d’Arc A Y aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier