ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 08 avril 2021
Pourvoi :n° 014/2020/PC du 03/02/2020
Affaire : Maître KOUOSEU Jeanne
( (Conseil : Maître TCHUENTE Paul, Avocat à la Cour)
contre
X C Ac
Arrêt N° 049/2021 du 08 avril 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 avril 2021 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président, rapporteur
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier,
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans le 03 février 2020 sous le n°014/2020/PC et formé par Maître TCHUENTE Paul, Avocat à la Cour, demeurant au 1204 Boulevard de la Liberté, BP 5674 Douala-Cameroun, agissant au nom et pour le compte de Maître KOUOSEU Jeanne, BP 971 Douala- Cameroun, dans la cause qui l’oppose à X C Ac, BP 1922 Douala-Cameroun,
en cassation de l’Arrêt n°44/CE rendu le 07 août 2019 par la Cour d’appel du Littoral (AaB et dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, à l’égard de l’appelante, par défaut contre les autres parties, en chambre de contentieux de l’exécution, en appel, en collégialité et à l’unanimité ;
EN LA FORME
Reçoit l’appel de dame KOUOSEU Jeanne ;
AU FOND
Confirme le Jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Condamne X C Ac aux dépens. » ;
Sur le rapport de monsieur Mahamadou BERTE, Second Vice-Président,
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi le moyen unique de cassation tel qu’il figure dans la requête jointe au présent Arrêt ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, que consécutivement à une saisie conservatoire pratiquée sur ses biens meubles à la demande du Sieur NDOSSEU NGASSA Jephté, Maître KOUOSEU Jeanne a élevé des contestations devant le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de première instance de Aa Ab ; que par ordonnance n°166 rendue le 04 juillet 2017, le juge saisi s’est déclaré incompétent en application de la loi n°2007/001 du 19 avril 2007 «instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de l’exécution au Cameroun des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales » ; que sur appel de Maître KOUOSEU Jeanne, la Cour d’appel du Littoral a rendu le 07 août 2019, l’arrêt objet du présent pourvoi en cassation ;
Attendu que la correspondance n°0798/2020/CG/G4 du 08 mai 2020 du Greffier en Chef, adressée au défendeur conformément aux articles 29 et 30 du Règlement de procédure de la Cour de céans et reçue le 30 mai 2020, est demeurée sans suite ; que le principe du contradictoire ayant ainsi été respecté, il y a lieu d’examiner le présent recours ;
Sur le moyen unique de cassation tiré de la violation de la loi
Vu l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, ensemble l’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué, d’avoir en violation des articles 10 du Traité relatif à l' OHADA et 49 de l’AUPSRVE et en application de la loi camerounaise, déclaré le juge du contentieux de l’exécution du tribunal de première instance de Aa, incompétent à connaitre des contestations élevées à la suite d’une saisie conservatoire de biens meubles ;
Attendu que selon les dispositions de l’article 10 du Traité relatif à l’harmonisation en Afrique du droit des affaires ; « les actes uniformes sont directement applicables et obligatoires dans les Etats parties nonobstant toutes dispositions contraires de droit interne, antérieures ou postérieures » ;
Qu’aux termes des dispositions de l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution « la juridiction compétente pour statuer sur tout litige ou demande relative à une mesure d’exécution forcée ou à une saisie conservatoire est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence ou le magistrat délégué par lui ;
Sa décision est susceptible d’appel dans un délai de quinze jours à compter de son prononcé… » ; qu’il ressort de la combinaison de ces dispositions que la compétence du juge de l’exécution est prévue par le seul article 49 susvisé à l’exclusion de toutes dispositions contraires de droit interne antérieures ou postérieures ;
Attendu qu’en l’espèce, la cour d’appel a confirmé la décision par laquelle le juge du contentieux de l’exécution, saisi d’une contestation de saisie, s’est déclaré incompétent en application des dispositions de droit interne du Cameroun alors qu’il ressort de l’article 10 du Traité instituant l’'OHADA et l’article 49 de l’AUPSRVE que seul ce dernier article prévoit la compétence du juge de l’exécution à l’exclusion de toutes dispositions contraires de droit interne antérieures ou postérieures ; qu’il s’ensuit qu’en procédant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ; qu’il y a donc lieu de casser l’arrêt attaqué et d’évoquer en application de l’article 14 alinéa 5 du Traité instituant
Sur l’évocation
Attendu que par requête en date du 18 juillet 2017, dame A a relevé appel de l’ordonnance n°166 rendue le 04 juillet 2017 par le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de première instance de Aa Ab et dont le dispositif est ainsi conçu « statuant publiquement, contradictoirement à l’égard des parties, en matière du contentieux de l’exécution et en premier ressort ;
Nous déclarons incompétent en vertu de la loi n°2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du contentieux de l’exécution et fixant les conditions de l’exécution au Cameroun des décisions judiciaires et actes publics étrangers ainsi que des sentences arbitrales … » ;
Que ce recours est recevable pour avoir été exercé dans le délai de 15 jours prescrit par l’article 49 de l’AUPSRVE ;
Attendu qu’à l’appui de son appel Dame A fait valoir que le juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de première instance de Douala- Ab était saisi de la contestation d’une saisie conservatoire des biens meubles corporels convertie en saisie vente pratiquée à son préjudice par sieur X C Ac ; qu’il s’est déclaré matériellement incompétent au motif que la saisie querellée a été pratiquée sur la base d’un arrêt de la Cour d’appel du Littoral et que conformément à l’article 03 de la loi n°007/001 du 19 avril 2007 instituant au Cameroun le juge du contentieux de l’exécution, c’est le Président de la Cour qui aurait dû être saisi ; qu’elle fait observer que le Président de la Cour d’appel ne saurait être un juge du contentieux de l’exécution, si ce n’est en deuxième ressort ; qu’en effet selon l’article 49 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la juridiction compétente en matière de contentieux de l’exécution est le président de la juridiction statuant en matière d’urgence dont la décision est susceptible d’appel ; qu’il est constant que la décision de la cour d’appel ne peut faire l’objet d’appel, mais plutôt de pourvoi en cassation ; que c’est à tort que le premier juge s’est déclaré incompétent ; qu’il échet dès lors d’annuler ladite ordonnance pour violation de la loi ; qu’elle sollicite par ailleurs que la saisie conservatoire du 09/12-20 16 soit annulée et qu’il en soit donné mainlevée ; qu’à cet égard, elle soutient d’une part, que c’est en violation de l’article 50 de l’AUPSRVE que le véhicule appartenant à son office a été saisi, en ce qu’aux termes de l’article 4 (3) du décret n°95/034 du 24/02 1995 portant statut des Notaires au Cameroun : « l’office d’un notaire est personnel, incessible et sous réserve des dispositions du Code Général des impôts insaisissable. » ; que le véhicule saisi appartenant à l’Etude comme l’atteste la carte grise, demeure insaisissable ; qu’elle soutient d’autre part, que le procès-verbal de saisie doit être annulé pour violation de l’article 64-9 de l’Acte uniforme relatif aux voies d’exécution en ce que ledit procès-verbal ne spécifie ni l’âge, ni la relation de parenté ou de service des parties avec le témoin qui a assisté à la saisie ;
Sur la compétence du juge du contentieux de l’exécution du Tribunal de première instance de Aa Ab
Attendu que Maître KOUOSEU Jeanne sollicite l’infirmation du jugement entrepris au motif que c’est en violation des articles 10 du Traité relatif à l’OHADA et 49 de l’AUPSRVE, que le juge de l’exécution du Tribunal de première instance de Aa Ab s’est déclaré incompétent ;
Attendu que pour les mêmes motifs que ceux qui ont justifié la cassation de l’arrêt, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris du chef de la compétence et de statuer au fond ;
Sur la violation de l’article 50 de l'AUPSRVE
Attendu que Maitre KOUOSEU Jeanne sollicite, sur le fondement de l’article 50 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, la mainlevée de la saisie ayant porté sur le véhicule appartenant à son étude, au motif, que l’office du notaire est insaisissable en vertu de l’article 4 (3) du décret n°95/034 du 24/02/1995 portant statut des notaires au Cameroun ;
Attendu que selon les dispositions de l’article 50 de l’Acte uniforme précité «les saisies peuvent porter sur tous les biens appartenant au débiteur, alors même qu’ils seraient détenus par les tiers, sauf s’ils ont été déclarés insaisissables par la loi nationale de chaque Etat Partie. » ; qu’il en ressort que ne peuvent faire l’objet de saisie, les biens qu’une loi nationale a déclarés insaisissables ;
Attendu que l’article 4 (3) du décret susvisé dispose : « l’office d’un Notaire est personnel, incessible et sous réserve des dispositions du code Général des impôts insaisissable » ; qu’il faut ici entendre par office, la charge du notaire c’est-à-dire le titre, élément extrapatrimonial hors commerce, correspondant aux exigences requises pour l’exercice de la fonction, d’où son caractère personnel, à l’exception de la finance constituée par les locaux, équipements et la clientèle et qui revêt un caractère patrimonial ;
Attendu qu’en l’espèce, le véhicule saisi bien qu’appartenant à l’étude de Maître KOUOSEU est un équipement et comme tel saisissable ; qu’il y a donc lieu de dire que la saisie du véhicule n’opère pas une violation de l’article 50 de l’AUPSRVE ;
Sur la violation de l’article 64-9 de l'AUPSRVE
Attendu que Maître KOUOSEU Jeanne sollicite l’annulation du procès- verbal de saisie conservatoire du 09 décembre 2016 pour violation de l’article 64 (9) de l’Acte uniforme précité ;
Attendu qu’aux termes de cet article : « après avoir rappelé au débiteur qu’il est tenu de lui indiquer les biens qui auraient fait l’objet d’une saisie antérieure et de lui en communiquer le procès-verbal, l’huissier ou l’agent d’exécution dresse un procès-verbal de saisie qui contient à peine de nullité :
9) l’indication, le cas échéant, des noms, prénoms et qualités des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles doivent apposer leur signature sur l’original et les copies ; en cas de refus, il en est fait mention dans le procès- verbal ; » ; qu’il en ressort que l’indication dans le procès-verbal de saisie des noms, prénoms et qualités des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie est requise à peine de nullité dudit procès-verbal ;
Attendu que ces qualités ressortent de l’article 44 du même Acte uniforme applicable à toutes les saisies et, qui dispose que : «l’huissier ou l’agent d’exécution peut toujours se faire assister d’un ou de deux témoins majeurs, non parents ni alliés en ligne directe des parties ni à leur service. Il énonce, en ce cas sur le procès-verbal, leurs noms, prénoms, professions et domiciles… » ;
Attendu qu’en l’espèce, il ressort du procès-verbal de saisie conservatoire de biens meubles corporels dressé le neuf décembre 2016, que ladite saisie a été pratiquée en présence de MOUKOURY Aoron sans aucune mention relative à son âge, à ses lien de parenté d’alliance ou de service avec les parties ; que ce procès- verbal ne permettant pas d’apprécier si le témoin est majeur ni s’il a des liens de parenté, d’alliance ou de service avec l’une des parties, encourt la nullité ; qu’il y a donc lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée ;
Sur les dépens
Attendu que X C Ac ayant succombé, sera condamné aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré ;
Casse et annule l’arrêt n°44/CE rendu le 07 avril 2019 par la Cour d’appel du Littoral à Aa ;
Evoquant et statuant sur le fond,
Infirme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau :
Déclare nulle la saisie conservatoire contestée et en ordonne la mainlevée ;
Condamne X C Ac aux dépens ;
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier