ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
(CCJA)
Troisième chambre
Audience publique du 08 avril 2021
Pourvoi : n° 024/2020/PC du 10/02/2020
Affaire : Société KABALANE & COMPAGNIE SA
( (Conseils : SCPA Abel KASSI-KOBON & Associés, Avocats à la Cour)
Contre
Maître COULIBALY Soungalo
( (Conseils : Cabinet COULIBALY Soungalo, Avocats à la Cour)
Arrêt N° 050/2021 du 08 avril 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Troisième chambre, a rendu l’Arrêt suivant en son audience publique du 08 avril 2021 où étaient présents :
Messieurs Mahamadou BERTE, Président
Arsène Jean Bruno MINIME, Juge
Mariano Esono NCOGO EWORO, Juge, Rapporteur,
et Maître Louis Kouamé HOUNGBO, Greffier ;
Sur la requête enregistrée au greffe de la Cour de céans le 10 février 2020 sous le n°024/2020/PC et formée par la SCPA Abel KASSI-KOBON & Associés, Avocats à la Cour, sise à Ag Aj B Plateaux, boulevard des Martyrs, résidence « SICOGI LATRILLE », bâtiment L, 1” étage, agissant au nom et pour le compte de la Société KABALANE & COMPAGNIE SA, immatriculée à Ag au RCCM sous le n°6033, dont le siège social est sis à Ag Ac, … Af Ah d’Estaing, dans la cause qui l’oppose à Maître COULIBALY Soungalo, Avocat à la Cour et demeurant à Ag, ayant pour conseils le Cabinet COULIBALY Soungalo, Avocats à la Cour, sis à Ag Ab, Indénié, rue Ai Ad, derrière la polyclinique Internationale de l’Indénié, immeuble N’A Ae Aa, Rez-de-chaussée, porte A2,
en cassation de l’arrêt RG n°443/2019 du 17 Octobre 2019 rendu par la Cour d’appel de commerce d’Ag, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;
Déclare recevable l’appel principal interjeté par Maître COULIBALY Soungalo contre l’ordonnance RG n°1704/19 rendue le 11 juin 2019 par le juge de l’exécution du Tribunal de Commerce d’Ag ;
Infirme l’ordonnance querellée en toutes ses dispositions ;
Statuant de nouveau ;
Déclare le juge de l’exécution du Tribunal de Commerce d’Ag incompétent pour ordonner la mainlevée de la saisie-vente pratiquée par Maître COULIBALY Soungalo au profit du juge de l’exécution du Tribunal de Première Instance d’Ag ;
Met les dépens à la charge de Maître COULIBALY Soungalo » ;
La requérante invoque à l’appui de son pourvoi les trois moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent arrêt ;
Sur le rapport de Monsieur Mariano Esono NCOGO EWORO Juge,
Vu les articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l'OHADA ;
Attendu, selon les énonciations de l’arrêt attaqué, qu’en exécution des ordonnances n° 101/2019 du 22 janvier 2019 et n° 108/2019 du 14 mars 2019 rendues par le Premier Président de la Cour d’appel d’Ag et fixant ses honoraires à la somme de 14.517.450, Maître COULIBALY Soungalo, avocat au barreau d’Ag, a fait pratiquer le 24 avril 2019 une saisie-vente sur des biens meubles appartenant à la société KABALANE & Compagnie ; que celle-ci, estimant que la saisie a été pratiquée en violation des dispositions de l’AUPSRVE, a fait assigner le saisissant devant le Président du Tribunal de commerce d’Ag pour voir ordonner son annulation et sa mainlevée ; que par ordonnance RG n°1704/2019 rendue le 11 juin 2019, le juge saisi a fait droit à l’assignation ; que sur appel de Maître COULIBALY Soungalo, la Cour d’appel d’Ag a rendu l’arrêt infirmatif, objet du présent recours en cassation ;
Sur le premier moyen tiré de la violation des articles 13, 14, 15 et 16
du Traité relatif à l’Harmonisation du droit des Affaires en Afrique
Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’appel de s’être, en violation des articles 13, 14, 15 et 16 du Traité susvisé, après avoir prononcé l’incompétence du juge de l’exécution du Tribunal de commerce au profit de celui du Tribunal de première instance, abstenue d’évoquer la cause alors, selon le pourvoi, « qu’aucune disposition du Traité ni de l’Acte uniforme, ne donne compétence à la juridiction d’appel des Etats parties, saisie d’un contentieux relatif à l’application de l’Acte uniforme, de renvoyer la cause et les parties devant une juridiction inférieure après évocation » ; qu’en statuant ainsi qu’elle l’a fait, la Cour d’appel n’a pas, selon le pourvoi, donné une base légale à sa décision dont les motifs sont obscurs ;
Attendu que selon les dispositions de l’article 13 du Traité précité, le contentieux relatif à l’application des actes uniformes relève en première instance et en appel des attributions des juridictions des Etats parties ; qu’en vertu de l’article 14 du même Traité, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage connait en cassation, avec possibilité d’évocation, du recours exercé contre les décisions rendues par les juridictions des Etats parties dans les affaires soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes et des règlements prévus audit traité, à l’exception des décisions appliquant des sanctions pénales ;
Attendu qu’aux termes des dispositions de l’article 16 du Traité susvisé : « la saisine de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale contre la décision attaquée. Toutefois cette règle n’affecte pas les procédures d’exécution.
Une telle procédure ne peut reprendre qu’après l’arrêt de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage se déclarant incompétente pour connaitre de l’affaire. » ;
Attendu qu’aucun de ces textes visés au moyen, ne traite du pouvoir d’évocation d’une Cour d’appel des Etats parties qui reste régi par les lois internes desdits Etats ; qu’il y a donc lieu de rejeter ce moyen comme étant mal fondé ;
Sur le deuxième moyen tiré de la violation de l’article 153 de l’AUPSRVE
Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir, en violation de l’article 153 de l’Acte uniforme susvisé, renvoyé la cause et les parties devant une juridiction non indiquée par le créancier saisissant, pour connaitre de la contestation de la saisie ;
Attendu qu’aux termes de l’article 153 de l’Acte uniforme précité : « tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations. » ; que ce texte qui conditionne la saisie-attribution des créances à l’existence d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, ne traite pas de la compétence de la juridiction devant laquelle les contestations relatives à une saisie-vente doivent être portées ; que ce moyen n’étant pas pertinent sera rejeté comme étant mal fondé ;
Sur le troisième moyen pris de la violation de l’article 100 (8) de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution
Attendu que pour reprocher à la Cour d’appel la violation de l’article 100 (8) de l’Acte uniforme précité, la société KALABANE et Compagnie articule : « Attendu que l’article 100.8 de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution : « l’huissier ou l’agent d’exécution dresse un inventaire des biens. L’acte de saisie contient, à peine de nullité :
1°) les noms, prénoms et domiciles du saisi et saisissant ou, s’il s’agit de personnes morales, leurs formes, dénomination et siège social ; l’élection éventuelle de domicile du saisissant ;
2°) la référence au titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3°) la mention de la personne à qui l’exploit est laissé ;
4°) la désignation détaillée des objets saisis ;
5°) si le débiteur est présent, la déclaration de celui-ci au sujet d’une éventuelle saisie antérieure des mêmes biens ;
6°) la mention, en caractères très apparents, que les biens saisis sont indisponibles, qu’ils sont placés sous la garde du débiteur, qu’ils ne peuvent être ni aliénés ni déplacés, si ce n’est dans le cas prévu par l’article 97 ci-dessus, sous peine de sanctions pénales, et que le débiteur est tenu de faire connaitre la présente saisie à tout créancier qui procéderait à une nouvelle saisie des mêmes biens ;
7°) l’indication, en caractères très apparents, que le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour procéder à la vente amiable des biens saisis dans les conditions prévues par les articles 115 à 119 ci-après ;
8°) la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les contestations relatives à la saisie-vente ;
9°) l’indication, le cas échéant, des noms, prénoms et qualités des personnes qui ont assisté aux opérations de saisie, lesquelles devront apposer leur signature sur l’original et les copies ; en cas de refus, il en fait mention dans le procès- verbal ;
10°) la reproduction des dispositions pénales sanctionnant le détournement d’objets saisis ainsi que de celles des articles 143 à 146 ci-après. » ;
Qu’il s’infère des dispositions de l’article précité que le procès-verbal de saisie vente doit contenir à peine de nullité la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les contestations ;
Que la sanction de l’omission tout comme l’erreur dans la désignation de la juridiction devant laquelle seront portées les contestations est la nullité de l’acte de saisie vente ;
Qu’en l’espèce, suivant exploit de Commissaire de justice, ne mentionnant pas le mois de la saisie-vente, Maître COULIBALY Soungalo a pratiqué saisie sur les biens de la société KABALANE et Compagnie pour sureté, conservation et avoir paiement de la prétendue créance de 17.041.160 F CFA.
Qu’il est établi que l’acte de saisie vente indique le Président du Tribunal de Commerce d’Ag, comme juridiction compétente devant laquelle seront portées les contestations ;
Que relativement aux attributions du Tribunal de commerce d’Ag, l’article 9 de la loi n°2016-1110 du 08 décembre 2016 portant création, organisation et fonctionnement des juridictions de commerce est sans équivoque :
« Les juridictions de commerce connaissent :
- Des contestations relatives aux engagements et transactions entre commerçants au sens de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ;
- Des contestations entre les associés d’une société commerciale ou d’un groupement d’intérêt économique ;
- Des contestations entre toutes personnes relatives aux actes de commerce au sens de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général ; toutefois, dans les actes mixtes, la partie non commerçante demanderesse peut saisir les tribunaux de droit commun ;
- Des procédures collectives d’apurement du passif.
- Des contestations et oppositions relatives aux décisions prises par les juridictions de commerce » ;
Que l’article 9 du Code de Procédure Civile ajoute : «les règles de compétence d’attribution sont d’ordre public. Est nulle toute convention y dérogeant. » ;
Qu’il s’infère des dispositions de l’article précité que le Tribunal de Commerce d’Ag n’est compétent que pour connaitre des contestations relatives aux actes de commerce au sens de l’Acte uniforme portant sur le Droit Commercial Général ;
Que mieux, le Tribunal de commerce d’Ag est compétent pour connaitre des contestations et oppositions relatives aux décisions qu’il a rendues ;
Que l’indication du Président du Tribunal de Commerce d’Ag est erronée d’autant plus que la saisie vente a été pratiquée en vertu d’ordonnances rendues par Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel d’Ag ;
Que conséquemment, la contestation de la saisie vente pratiquée en vertu d’ordonnances rendues par Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel d’Ag, relève de la compétence du Président du Tribunal de première instance d’Ag Ab, statuant en matière d’urgence ;
Que l’acte de saisie vente ou l’acte de dénonciation est entaché de nullité absolue ;
Qu’il incombe à la Cour d’appel à qui l’affaire est dévolue comme en première instance de sanctionner l’irrégularité et non pas de pallier le vice ;
Qu'en statuant ainsi qu’elle l’a fait, la Cour n’a pas donné une base légale à sa décision, laquelle encourt cassation et annulation ;
Attendu que ce faisant, il écherra de casser et annuler l’arrêt querellé » ;
Attendu que ce moyen mélangé de faits et de droit est vague et imprécis ; qu’il y a lieu de le déclarer irrecevable ;
Attendu qu’en définitive, aucun moyen n’ayant prospéré, il échet de rejeter le pourvoi ;
Sur les dépens
Attendu que la société KABALANE & Compagnie ayant succombé, sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré ;
Rejette le pourvoi ;
Condamne la société KABALANE & Compagnie aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier