ORGANISATION POUR L’HARMONISATION
EN AFRIQUE DU DROIT DES AFFAIRES
(OHADA)
COUR COMMUNE DE JUSTICE
ET D’ARBITRAGE
Première chambre
Audience publique du 08 avril 2021
Pourvoi : n° 097/2020/PC du 29/04/2020
Affaire : La Société Araouane Services SARL
(Conseil : Maître Hamidou KONE, Avocat à la Cour)
Contre
La Société Houma Ag Handaka SARL
(Conseil : Maître Maliki IBRAHIM, Avocat à la Cour)
Arrêt N° 066/2021 du 08 avril 2021
La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) de l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA), Première chambre, présidée par Madame Afiwa-Kindéna HOHOUETO, assistée de Maître Jean Bosco MONBLE, Greffier, a rendu en son audience publique ordinaire du 08 avril 2021 l’Arrêt dont la teneur suit, après délibération du collège de juges composé de :
Messieurs : Ah Aa Z MVE, Président
Fodé KANTE, Juge
Mesdames : Afiwa-Kindéna HOHOUETO, Juge,
Esther Ngo MOUTNGUI IKOUE, Juge
Monsieur : Sabiou MAMANE NAÏSSA, Juge, rapporteur
Sur le recours enregistré au greffe de la Cour de céans sous le n°097/2020/PC du 29 avril 2020 et formé par Maître Hamidou KONE, Avocat à la Cour, demeurant à Bamako, Ac X, rue 376, porte 1230, BP 1273 Bamako, République du Mali, agissant au nom et pour le compte de la société Arouane Services SARL, dont le siège social est à Ad A, rue 871, porte 299 Commune VI du district de Bamako, agissant poursuites et diligences de son gérant monsieur C Ag Ae, administrateur de société, dans la cause qui l’oppose à la société Houma Ag Handaka SARL, ayant son siège social à Ad A, rue 874, porte 310, représentée par son gérant monsieur Ab Y B, ayant pour conseil Maître Maliki IBRAHIM, Avocat à la Cour, Banankabougou, immeuble Af près de Bollé, Bamako, République du Mali,
en cassation de l’arrêt n°33/2019 rendu le 04 décembre 2019 par la Cour d’appel de Bamako et dont le dispositif est le suivant :
« La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par les appelants ;
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Met les dépens à la charge des appelants. » ;
La société Arouane Services invoque à l’appui de son pourvoi les deux moyens de cassation tels qu’ils figurent à la requête annexée au présent Arrêt ;
Sur le rapport de monsieur Sabiou MAMANE NAISSA, Juge ;
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ;
Vu le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA ;
Attendu qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la société Houma Ag Handaka SARL, exerçant comme activités principales, l’importation de thé, de tomate et autres articles et produits de consommation, estimait être victime d’une concurrence déloyale de la part de la société Arouane Services SARL qui, pour elle, serait irrégulièrement constituée, le gérant étant un fonctionnaire de l’Etat malien ; que sur cette base, elle a, par exploit d’huissier en date du 24 janvier 2018, saisi le Tribunal de commerce de Bamako d’une action en nullité de ladite société ; que par Jugement N°469/JUGT du 30 mai 2018, le tribunal a fait droit à sa demande ; que sur appel de la société Arouane Services SARL, la cour de Bamako a rendu le 04 décembre 2019, l’arrêt confirmatif n°33, dont pourvoi ;
Sur la première branche du premier moyen
Attendu que la société Arouane Services SARL fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 246 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d’intérêt économique, au motif que la cour d’appel a prononcé sa nullité en retenant que monsieur C Ai Ag AG, fonctionnaire de l’Etat malien ne peut être gérant d’une société , alors selon le moyen, qu’à la date du 22 mars 2017, suivant acte modificatif des statuts désignant en lieu et place de 2 monsieur C Ai Ag AG, monsieur Ali Ag Ae a été désigné gérant de la société Arouane Services SARL ; que celui-ci n’ayant pas la qualité de fonctionnaire, donc non frappé par l’incapacité invoquée, il s’ensuit que la cause de la nullité sur laquelle se fondait les juges du fond a disparu ; que selon elle, la cour d’appel, en prononçant la nullité sollicitée, a méconnu les dispositions visées au moyen et sa décision encourt la cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 246 de l’Acte uniforme susvisé « l'action en nullité est éteinte lorsque la cause de nullité a cessé d'exister le jour où la juridiction compétente statue sur le fond en première instance, sauf si cette nullité est fondée sur le caractère illicite de l'objet social. » ;
Attendu en outre qu’aux termes de l’article 7 du même Acte uniforme « une personne physique ou morale ne peut être associée dans une société commerciale lorsqu'elle fait l'objet d'une interdiction, incapacité ou incompatibilité prévue par une disposition légale ou règlementaire. » ;
Que des dispositions de l’article 9 de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général, il ressort que « l'exercice d'une activité commerciale est incompatible avec l'exercice des fonctions ou professions suivantes :
- fonctionnaires et personnels des collectivités publiques et des entreprises à participation publique, … » ;
Attendu qu’enfin, aux termes de l’article 242 alinéa 3 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique « Dans les sociétés à responsabilité limitée et dans les sociétés par actions, la nullité de la société ne peut résulter ni d'un vice de consentement ni de l'incapacité d'un associé à moins que celle-ci n'atteigne tous les associés fondateurs. » ;
Attendu qu’il résulte de ces textes, que l'exercice d'une activité commerciale est incompatible avec l'exercice des fonctions de fonctionnaire ;
Attendu en l’espèce, qu’il est établi que la société Arouane Services SARL a comme associé unique, monsieur C Ai Ag AG, cadre des douanes, fonctionnaire de l’Etat du Mali ; qu’il en ressort que la cour d’appel, en prononçant la nullité de ladite société n’a nullement violé le texte visé au moyen ; qu’il échet de rejeter cette première branche du moyen ;
Sur la deuxième branche du premier moyen
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé l’article 247 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique, au motif que la cour d’appel a prononcé la nullité de la société Arouane Services SARL sans lui avoir fixé un délai pour couvrir ladite nullité, alors selon le moyen, que les juges du fond auraient dû lui donner la possibilité de couvrir la nullité soulevée résultant d’une incapacité du gérant ; qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé le texte visé au moyen et exposé sa décision à la cassation ;
Attendu qu’aux termes de l’article 247 alinéa 1 de l’Acte uniforme susvisé « La juridiction compétente saisie d'une action en nullité peut, même d’office, fixer un délai pour permettre de couvrir la nullité. Elle ne peut pas prononcer la nullité moins de deux (2) mois après la date de l’exploit introductif d’instance. » ;
Mais attendu que ce texte offre simplement une faculté à la juridiction saisie d’une action en nullité de fixer un délai pour permettre de couvrir ladite nullité ; qu’en l’espèce, la cour d’appel qui, par une appréciation souveraine des faits soumis à sa censure, n’a pas fixé un tel délai, et n’a en rien commis le grief qui lui est reproché ; qu’il n’est de surcroit pas démontré que sa décision est intervenue moins de deux mois après la date de l’exploit introductif de l’instance ; qu’il échet de rejeter cette deuxième branche du moyen ;
Sur la troisième branche du premier moyen
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir violé les articles 53, 110 et 118 du code de procédure civile, commerciale et sociale du Mali, au motif que la cour d’appel, en confirmant le jugement déféré devant elle, a reçu l’action de la société Houma Ag Handaka SARL, alors selon le moyen, que celle-ci n’avait aucune qualité pour agir en nullité de la société Arouane Services SARL ; qu’il suit que son arrêt doit être cassé ;
Mais attendu que les dispositions de l’article 110 du code de procédure civile, commerciale et sociale du Mali, invoquées par le moyen, sont relatives aux nullités des actes de procédures ; qu’elles ne peuvent par conséquent être utilement invoquées pour la nullité d’une société ;
Attendu en outre qu’aux termes de l’article 53 du code de procédure civile, commerciale et sociale du Mali « La demande initiale est celle par laquelle un plaideur prend l’initiative d’un procès en soumettant au juge ses prétentions.
Elle introduit l’instance. » ; que par ailleurs, l’article 118 du même code dispose que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable sur sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai fixé, la chose jugée. » ;
Mais attendu que pour recevoir l’action de la société Houma Ag Handaka SARL, la cour d’appel adopte les motifs du premier juge et énonce: « s’agissant du défaut de qualité, le premier juge a tiré les conséquences du principe selon lequel «l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention » ; considérant qu’une action en responsabilité pour contrefaçon et importation illicite de thé oppose les mêmes parties ; que pour la sauvegarde de ses intérêts commerciaux, il y a lieu de dire que la SARL Houma Ag Handaka a un droit légitime à agir dans le cadre de la présente instance, a-t-il conclut ; le point de vue du premier juge est pertinent et qu’il convient d’accueillir » ; qu’en statuant ainsi, elle n’a en rien violé les textes susvisés ; qu’il échet de rejeter cette troisième branche du moyen ;
Qu’en définitive, le moyen étant non fondé, il y a lieu de le rejeter ;
Sur le deuxième moyen tiré du défaut de base légale
Attendu que la demanderesse au pourvoi fait enfin grief à l’arrêt attaqué de manquer de base légale, en ce que la cour d’appel pour confirmer le jugement N°469 retient que « …il est constant ainsi que cela ressort des pièces du dossier et des écritures des parties que le sieur C Ai Ag AG recruté à la fonction publique le 10 août 2009, a constitué le 11 mai 2011 la société à responsabilité limitée dénommée « Araouane services » dont il est l’unique associé ; qu’il «est aussi constant tel qu’il résulte de l’acte notarié du 22 mars 2017 que l’associé unique a fait procéder à la modification du statut de la société en désignant le nommé Ali Ag Ae gérant de la SARL Arouane Services », alors, selon le moyen, qu’aux termes de l’article 242 alinéa 1 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique « La nullité d'une société ne peut résulter que d'une disposition du présent Acte uniforme la prévoyant expressément ou, sous réserve des dispositions de l'alinéa suivant, des textes régissant la nullité des contrats. » ; que l’arrêt N°469 manquant de base légale doit être cassé ;
Mais attendu que pour confirmer le jugement entrepris, l’arrêt attaqué relève qu’« il est constant tel qu’il ressort des pièce versées au dossier et des écritures des parties, que le sieur C Ai Ag AG recruté à la fonction publique le 10 août 2009, a constitué le 11 mai 2011 la société à responsabilité limitée dénommée « Araouane services » dont il est unique associé ; il est aussi constant tel qu’il résulte de l’acte notarié en date du 22 mars 2017 que l’associé unique a fait procéder à la modification du statut de la société en désignant le nommé C Ai Ag Ae, gérant de la SARL Arouane services ; considérant que l’article 7 de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique dispose qu’ « une personne physique ou morale ne peut être associée dans une société commerciale lorsqu’elle est l’objet d’une interdiction, incapacité ou incompatibilité prévue par une disposition légale ou règlementaire » ; que l’article 9 de l’Acte uniforme portant sur le Droit commercial général interdit aux fonctionnaires et personnels des collectivités publiques l’exercice d’une activité commerciale ; que dès lors, en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a donné une base légale à sa décision et n’encourt pas le grief allégué ; qu’il y a lieu de rejeter ce deuxième moyen comme non fondé ;
Attendu qu’en définitive, aucun des moyens n’ayant prospéré, il y a lieu de rejeter le pourvoi comme non fondé ;
Sur les dépens
Attendu que la société Arouane Services SARL ayant succombé, sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré,
Rejette le pourvoi en cassation formé par la société Arouane Services SARL contre l’arrêt n°33 rendu le 04 décembre 2019 par la Cour d’appel de Bamako ;
Condamne la société Arouane Services SARL aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus et ont signé :
Le Président
Le Greffier